Le bambou sans relâche mord dans la colline,
Dans la crevasse du rocher prenant racine.
Il se tient ferme bien qu’il soit battu des vents forts
Venant de l’est ou de l’ouest, du sud ou du nord.
Poème chinois
「竹石」
郑板桥
咬定青山不放松,立根原在破岩中。
千磨万击还坚劲,任尔东西南北风。
Explication du poème
Ce poème fut composé par Zheng Banqiao pour accompagner sa peinture « Bambou et Rocher ». Zheng Banqiao, de son vrai nom Zheng Xie, était l'un des « Huit Excentriques de Yangzhou » sous la dynastie Qing, célèbre pour ses peintures de bambous où il exprimait souvent son tempérament à travers des inscriptions poétiques. Homme intègre et incorruptible dans sa carrière officielle mouvementée, il vécut après sa démission à Yangzhou comme peintre. Ce poème, dépeignant bambou et rocher, symbolise sa détermination inébranlable et son engagement à préserver ses principes malgré l'adversité.
Premier couplet : « 咬定青山不放松,立根原在破岩中。 »
Yǎo dìng qīngshān bù fàngsōng, lì gēn yuán zài pò yán zhōng.
Mordant la montagne bleue sans relâcher son étreinte,
Ses racines plongent dans les rochers fracturés.
Ce couplet personnifie le bambou dans son enracinement tenace. "Mordant sans relâche" décrit avec vivacité sa prise ferme sur le rocher. L'image des racines dans "rochers fracturés" souligne la difficulté et la persévérance de son implantation. Le poète se compare implicitement à ce bambou, symbolisant son attachement à l'intégrité dans des circonstances précaires, sans compromission avec le pouvoir.
Deuxième couplet : « 千磨万击还坚劲,任尔东西南北风。 »
Qiān mó wàn jī hái jiān jìng, rèn ěr dōngxī nánběi fēng.
Mille épreuves, dix mille coups - il demeure inflexible,
Défiant tous les vents, d'est comme d'ouest, du sud au nord.
"Mille épreuves" évoque les tribulations, "demeure inflexible" sa fermeté inaltérable. La dernière ligne, défiant les vents de tous horizons, montre le bambou inébranlable comme une montagne, incarnant un idéal spirituel de droiture indomptable face aux tempêtes de la vie. Ce couplet élève le symbolisme à une dimension morale universelle.
Lecture globale
Ce poème, bien que dédié apparemment au bambou, célèbre en réalité l'homme, son caractère et son intégrité morale. Le poète se compare au bambou pour exprimer son examen de conscience et sa ferme résolution. Les verbes "s'ancrer" et "prendre racine" symbolisent la détermination inébranlable et la difficulté de maintenir son uprightitude ; "mille épreuves, dix mille coups" et "ferme résistance" dépeignent une force spirituelle indomptable face à l'adversité. Le vers final "Qu'importent les vents d'est, d'ouest, du sud ou du nord !" révèle, sur un ton serein, une noblesse transcendante et une intrépidité sans faille. Ces quatre vers concis mais d'une progression rigoureuse décrivent autant le bambou que l'autoportrait moral d'un lettré intègre.
Spécificités stylistiques
L'originalité de ce poème réside dans son personnification et métaphore filée. Le bambou se voit doté de sentiments et de vertus humaines - fermeté, endurance, inflexibilité, constance - transformant ce poème descriptif en un manifeste d'idéal moral. Parallèlement, la structure symétrique des vers, la concision du langage et la précision lexicale ("s'ancrer", "rocher fissuré", "ferme résistance", "qu'importe") témoignent d'une puissance calligraphique traversant le papier. Le style, sobre mais vigoureux, à la fois libre et méditatif, reflète l'union poésie-calligraphie-peinture caractéristique de Zheng Banqiao.
Éclairages
travers l'image du bambou inflexible, ce poème transmet une force spirituelle inaltérable face aux épreuves. Il nous enseigne : l'homme doit tel le bambou, s'enraciner dans l'adversité, sans dépendance ni vacillation, pour émerger plus fort des tempêtes. Cet esprit incarne non seulement l'idéal moral de Zheng Banqiao, mais aussi celui des lettrés à travers les siècles. Quelles que soient les circonstances, une âme ferme comme le "bambou dans le rocher" rend les orages extérieurs insignifiants.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong(许渊冲)
À propos du poète
Zheng Banqiao (郑板桥, 1693 - 1766), originaire de Xinghua dans le Jiangsu, fut peintre, calligraphe et lettré sous les Qing. Membre des "Huit Excentriques de Yangzhou", reçu docteur en 1736, il prônait l'improvisation créative. Ses orchidées et bambous légendaires, joints à sa poésie et calligraphie, formaient les "Trois Excellences", faisant de lui un novateur de l'art lettré.