Ne pouvant plus souffrir ni le vent ni la pluie,
Voilà le printemps qui part.
Si j’aime peu les fleurs trop tôt épanouies,
J’aime encor moins les pétales épars.
Printemps, arrête-toi!
J'entends dire que l’herbe verte au loin
T’égare et que tu ne trouves plus le chemin
De retour. Tu ne dis rien.
Il n’y a que l’araignée
Qui file toute la journée
Sa toile sous le toit
Pour retenir le chaton de saule
Qui s’envole.
Une favorite une fois disgraciée,
Pourrait-elle regagner la faveur?
Il n’y a aucune belle qui ne soit enviée.
Pourrait-elle racheter le bonheur?
Avec qui pleurer l’amour non partagé?
Ne danse guère!
Vois toutes les belles devenues poussière!
Ce n'est pas le moindre plaisir
Que de se plaindre à loisir.
Ne t’appuie pas au balcon en surplomb,
Regardant le soleil couchant à l’horizon
Et les saules pleureurs
Dont la vue te brise le cœur!
Poème chinois
「摸鱼儿 · 更能消几番风雨」
辛弃疾
更能消、几番风雨,匆匆春又归去。惜春长怕花开早,何况落红无数。春且住,见说道、天涯芳草无归路。怨春不语。算只有殷勤,画檐蛛网,尽日惹飞絮。
长门事,准拟佳期又误。蛾眉曾有人妒。千金纵买相如赋,脉脉此情谁诉?君莫舞,君不见、玉环飞燕皆尘土!闲愁最苦!休去倚危栏,斜阳正在,烟柳断肠处。
Explication du poème
Ce ci fut composé au printemps de la 6e année de l'ère Chunxi (1179) sous les Song du Sud, alors que Xin Qiji, en désaccord politique, se trouvait marginalisé dans une situation d'isolement impuissant. En surface, le poème décrit le ressentiment et la mélancolie d'une femme délaissée, mais il s'agit en réalité d'une allégorie où le "départ du printemps" symbolise l'occasion perdue de résister aux Jin, exprimant les inquiétudes de l'auteur pour les affaires nationales et son profond mécontentement envers la réalité politique, révélant ses conflits intérieurs complexes.
Première partie : « 更能消、几番风雨,匆匆春又归去。惜春长怕花开早,何况落红无数。春且住,见说道、天涯芳草无归路。怨春不语。算只有殷勤,画檐蛛网,尽日惹飞絮。 »
Gèng néng xiāo, jǐ fān fēngyǔ, cōngcōng chūn yòu guī qù. Xī chūn zhǎng pà huā kāi zǎo, hékuàng luòhóng wúshù. Chūn qiě zhù, jiàn shuō dào, tiānyá fāngcǎo wú guī lù. Yuàn chūn bù yǔ. Suàn zhǐyǒu yīnqín, huà yán zhū wǎng, jǐn rì rě fēixù.
Combien de tempêtes le printemps peut-il encore endurer ? Le voilà reparti en hâte. Craignant sa fuite, je redoutais toujours une floraison précoce - À plus forte raison ces innombrables pétales tombés. "Printemps, attends !" Mais dit-on qu'aux confins du monde, L'herbe parfumée barre ton chemin de retour. Je t'en veux de ton silence. Seules les toiles d'araignée sous les avant-toits peints, Zélées, captent toute la journée les duvets voltigeants.
Cette première partie développe le thème du "printemps regretté", incarnant le chagrin de l'auteur face au déclin de la situation nationale. Le "départ du printemps" représente à la fois un phénomène naturel et la métaphore des opportunités politiques perdues. L'appel passionné de l'auteur reflète autant l'impossibilité de retenir le printemps que l'effondrement de ses idéaux, symbolisant son désarroi face aux compromissions politiques et à l'espoir perdu de reconquête du Nord.
Deuxième partie : « 长门事,准拟佳期又误。蛾眉曾有人妒。千金纵买相如赋,脉脉此情谁诉?君莫舞,君不见、玉环飞燕皆尘土!闲愁最苦!休去倚危栏,斜阳正在,烟柳断肠处。 »
Cháng mén shì, zhǔn nǐ jiāqī yòu wù. Éméi céng yǒu rén dù. Qiān jīn zòng mǎi Xiàngrú fù, mòmò cǐ qíng shuí sù? Jūn mò wǔ, jūn bùjiàn, Yùhuán Fēiyàn jiē chéntǔ! Xián chóu zuì kǔ! Xiū qù yǐ wēi lán, xiéyáng zhèngzài, yān liǔ duàncháng chù.
L'affaire du Palais Changmen -
Le rendez-vous tant attendu encore manqué.
Des sourcils de phalène ont suscité des jalousies.
Même en achetant pour mille pièces d'or le *Fu* de Sima Xiangru,
À qui confier ces sentiments silencieux ?
"Ne dansez pas ainsi ! Ne voyez-vous pas
Que Yuhuan et Feiyan ne sont plus que poussière ?"
La mélancolie oisive est la plus cruelle.
Ne va pas t'appuyer au balcon branlant :
Le soleil déclinant embrase maintenant
Les saules embrumés, déchirants.
La deuxième partie, passant de l'émotion à la réflexion, utilise l'allusion historique de l'impératrice Chen et de Sima Xiangru pour illustrer sa propre marginalisation politique. "Les sourcils de phalène jalousés" dépeignent la cruauté du monde, tandis que "Ne dansez pas ainsi" avertit que les favoris d'hier deviennent les oubliés d'aujourd'hui. La conclusion sur "la mélancolie oisive" révèle une âme tourmentée par des chagrins indicibles.
Lecture globale
Ce ci déploie une gradation magistrale où émotion et paysage s'entrelacent, mêlant douceur et acuité. La première partie, partant du déclin printanier, transforme le printemps naturel en printemps politique, créant une métaphore profonde. La seconde partie, par le jeu des allusions historiques, unit destins personnel et national, exprimant une indignation solitaire et une fermeté inébranlable. Le style sinueux cache une pointe acérée sous des apparences mélancoliques.
Spécificités stylistiques
L'art suprême de ce ci réside dans son "expression des sentiments par le paysage" et sa "signification politique par les allusions". D'un côté, la description du printemps fugace et des duvets voltigeants peint le regret des beautés perdues ; de l'autre, les figures historiques expriment la souffrance de l'oppression politique, formant un symbolisme profond. Le langage, à la fois élégant et grave, et la structure dynamique créent une puissance émotive et critique remarquable.
Éclairages
Ce poème ne révèle pas seulement les soucis patriotiques d'un homme réprimé, mais aussi les dilemmes d'une époque. Dans les luttes de pouvoir et les compromis, les idéalistes sont souvent marginalisés. Pourtant, loin de se complaire dans l'amertume, le poète transforme sa plume en épée, exprimant à travers ses sentiments une force spirituelle persistante, prouvant que même sans espoir, la quête de justice et d'idéal demeure essentielle.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong(许渊冲)
À propos du poète
Xin Qiji (辛弃疾), 1140 - 1207 après J.-C., originaire de Jinan, dans la province de Shandong, était un général, un lettré et un poète de la dynastie Song. Xin Qiji n'est pas seulement l'apogée de la scène littéraire des Song du Sud, mais aussi une figure clé de l'innovation des textes dans l'histoire littéraire chinoise. La vie de Xin Qiji était empreinte de patriotisme et de l'amertume d'une ambition inassouvie, et ses textes ne sont pas seulement un témoignage de l'époque, mais aussi un véritable portrait de son parcours.