Laver de la Soie au Ruisseau de Wei Zhuang

huan xi sha ye ye xiang si geng lou can
Je languis d’amour pour toi nuit après nuit.
Toute l’eau de la clepsydre a fui.
Le cœur brisé, je prends appui
Sur le balcon, la lune luit.
Mais toi, languis-tu pour moi
Dans ton lit de matin froid?

Si proche, le salon aux murs peints
Nous séparons pourtant comme une mer profonde.
Je pense à toi sans fin.
Je ne peux que relire tes lettres et les miennes.
Mais quand irons-nous dans le monde
Ma main au creux de la tienne?

Poème chinois

「浣溪沙 · 夜夜相思更漏残」
夜夜相思更漏残,伤心明月凭阑干,想君思我锦衾寒。
咫尺画堂深似海,忆来惟把旧书看,几时携手入长安?

韦庄

Explication du poème

Composé après que Wang Jian, sous prétexte d'instruire les dames de la cour, lui eut enlevé sa bien-aimée, ce poème exprime la douleur déchirante de Wei Zhuang. Bien que physiquement proches, séparés par les rigueurs du pouvoir, leur amour ne peut s'épanouir - une souffrance exquise transparaît dans chaque vers.

Première strophe : « 夜夜相思更漏残,伤心明月凭阑干,想君思我锦衾寒。 »
Yè yè xiāngsī gēng lòu cán, shāngxīn míngyuè píng lángān, xiǎng jūn sī wǒ jǐn qīn hán.
Nuit après nuit, l'amour veille aux heures qui s'égrènent,
Au clair de lune, seul à la balustrade, mon cœur se serre.
"Penses-tu à moi, sous ta couverture de soie glacée ?"

Le "gēng lòu cán" (sablier nocturne épuisé) évoque l'insomnie amoureuse. La lune ("míngyuè") et la balustrade ("lángān") composent un décor de solitude. La question rhétorique finale, mêlant tendresse et reproche, révèle une intimité blessée mais persistante.

Deuxième strophe : « 咫尺画堂深似海,忆来惟把旧书看,几时携手入长安? »
Zhǐchǐ huà táng shēn sì hǎi, yì lái wéi bǎ jiù shū kàn, jǐ shí xiéshǒu rù Cháng'ān?
À un pas du pavillon peint, distant comme l'océan,
Je relis nos vieilles lettres pour revivre l'antan.
Quand donc entrerons-nous ensemble dans Chang'an ?

L'oxymore "zhǐchǐ… shēn sì hǎi" (si proche… comme l'océan) résume leur tragédie. Les "jiù shū" (lettres anciennes) deviennent reliques d'un bonheur perdu. La question finale, mêlant espoir et désespoir, laisse le poème en suspens.

Lecture globale

Ce poème construit une élégie amoureuse d'une intensité rare. Des veillées solitaires aux souvenirs matérialisés, chaque image concourt à exprimer une séparation physiquement absurde mais politiquement incontournable. Le contraste entre la proximité géographique et l'éloignement affectif crée une tension poignante, typique du génie mélancolique de Wei Zhuang.

Caractéristiques stylistiques

Ce poème révèle une construction d'une précision mathématique où paysages et sentiments s'entrelacent avec une grâce subtile. Les images du "sablier nocturne épuisé", de la "lune claire" et de la "balustrade" tissent une toile de solitude nocturne d'une intensité palpable. L'oxymore "proche comme l'océan" donne une forme concrète à l'absurdité douloureuse de leur séparation, créant une tension visuelle et psychologique remarquable.

L'œuvre excelle dans l'art du questionnement rhétorique et des contrastes saisissants, approfondissant ainsi les strates émotionnelles. La conclusion, laissée délibérément en suspens, prolonge sa résonance dans l'âme du lecteur comme une note qui se prolonge dans le silence.

Éclairages

Ce poème nous fait comprendre qu'un amour profond se révèle souvent impuissant face au pouvoir réel et aux vicissitudes du destin. Avec des touches à la fois délicates et mélancoliques, Wei Zhuang dépeint l'impuissance et l'indignation d'un amour confisqué, tout en nous révélant la précieuse pérennité des sentiments et des souvenirs. Il nous inspire cette vérité : parmi les innombrables aléas de l'existence que nous ne pouvons maîtriser, seuls les sentiments authentiques parviennent à traverser les obstacles pour s'inscrire à jamais au plus profond de notre être.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Wei Zhuang

Wei Zhuang (韦庄), vers 836 - 910 après J.-C., était originaire de Xi'an, dans la province de Shaanxi. Il a écrit plus de cinquante poèmes et était un poète représentatif de l'« école de la chambre des fleurs », aux côtés de Wen Tingyun.

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