La Cueillette des Mûres de Lü Benzhong

cai sang zi · hen jun bu si jiang lou yue
Que tu ressembles peu à la lune qui luit
Toute la nuit!
Toute la nuit
Elle ne me quitte pas et toujours me suit.

Que tu ressembles à la lune sur le toit
Qui croît et décroît,
Qui croît et décroît!
Quand reviendras-tu la contempler avec moi?

Poème chinois

「采桑子 · 恨君不似江楼月」
恨君不似江楼月,南北东西,南北东西,只有相随无别离。
恨君却似江楼月,暂满还亏,暂满还亏,待得团圆是几时?

吕本中

Explication du poème

Ce ci fut composé à la fin de la dynastie des Song du Nord par Lü Benzhong, éminent lettré surnommé "l'Ermite de Donglai". Maître du lyrisme subtil, il excellait à exprimer les sentiments les plus intimes dans une langue d'apparente simplicité. Ce poème adopte le stratagème classique de la confidence à la lune pour dépeindre la détresse d'une femme après une séparation amoureuse, transformant l'astre nocturne en miroir de ses émotions contradictoires. Sans jamais nommer directement la douleur de l'absence, le texte atteint une profondeur remarquable par le jeu des métaphores lunaires, illustrant l'art song de suggérer plus que décrire.

Première strophe : « 恨君不似江楼月,南北东西,南北东西,只有相随无别离。 »
Hèn jūn bù shì jiāng lóu yuè, nán běi dōng xī, nán běi dōng xī, zhǐ yǒu xiāng suí wú biélí.
Je te reproche de ne pas ressembler à la lune du pavillon fluvial,
Sud nord est ouest, sud nord est ouest,
Elle seule me suit sans jamais se séparer.

L'ouverture établit une comparaison négative ("ne pas ressembler") chargée d'amertume. La répétition des points cardinaux ("sud nord est ouest"), caractéristique des ballades populaires, mime l'agitation d'une existence errante, tandis que la constance lunaire ("suit sans jamais se séparer") forme un idéal inaccessible. L'alternance entre vers brefs et répétitions crée un rythme obsédant, reflet d'une pensée qui tourne inlassablement autour de son objet de désir.

Deuxième strophe : « 恨君却似江楼月,暂满还亏,暂满还亏,待得团圆是几时? »
Hèn jūn què shì jiāng lóu yuè, zàn mǎn hái kuī, zàn mǎn hái kuī, dài dé tuányuán shì jǐ shí?
Je te reproche pourtant de ressembler à la lune du pavillon,
Pleine un instant, déclinant déjà, pleine un instant, déclinant déjà,
Quand donc reviendra la ronde parfaite ?

Le paradoxe poétique culmine ici : la même lune devient symbole de l'inconstance masculine ("pleine un instant, déclinant déjà"). La reprise anaphorique intensifie l'impression de cycle douloureux, tandis que la question finale ("quand donc…") reste suspendue dans le vide nocturne, sans réponse possible. L'ambivalence fondamentale - la lune comme idéal de constance et comme emblème de variabilité - traduit avec une rare acuité les contradictions du sentiment amoureux.

Lecture globale

Ce poème lyrique déploie une émotion subtile et nuancée, utilisant l'image de la lune sur le pavillon riverain pour fusionner la tristesse, le ressentiment et l'espoir d'une femme. Le poète construit deux structures parallèles entre les strophes : l'une exprimant "Je t'en veux de ne pas ressembler", l'autre "Je t'en veux pourtant de ressembler", prenant la lune comme métaphore. Cette antithèse, alternant réel et imaginaire, révèle deux paradoxes amoureux : désirer que l'aimé soit constant comme la lune, tout en craignant qu'il ne soit effectivement comme elle - brièvement pleine avant de décliner à nouveau. Cette psychologie complexe confère au poème une puissante résonance.

Linguistiquement, l'œuvre évite tout artifice, employant un style dépouillé et naturel. Les répétitions dans "nord sud est ouest" et "pleine un instant déjà déclinante" ne créent pas seulement une beauté formelle inspirée des chants populaires, mais intensifient aussi les fluctuations émotionnelles et le rythme psychologique du chagrin récurrent, donnant au texte une qualité mélodique et durable.

Spécificités stylistiques

  • La lune comme métaphore allégorique : Image classique de la poésie chinoise pour exprimer la nostalgie, la "lune du pavillon riverain" devient ici le symbole raffiné de la séparation.
  • Répétitions et structure circulaire : Exploitant les caractéristiques du genre, le poète utilise les refrains comme moyen de développement émotionnel, renforçant la résonance artistique.
  • Fusion de description simple et de symbolisme : Un langage clair porteur d'émotions profondes, alliant simplicité et profondeur, incarnant l'art des poètes Song - tendre mais ferme.
  • Émotion authentique et retenue expressive : La femme exprime à la fois rancœur et tendresse, oscillant entre "suivre constamment" et "décliner", révélant le désir amoureux et sa nécessaire acceptation.

Éclairages

Ce poème illustre une psychologie amoureuse complexe - cet état d'âme oscillant entre passion et ressentiment. Adoptant le point de vue féminin pour décrire la douleur de la séparation et la difficulté des retrouvailles, il nous rappelle que les vrais sentiments endurent toujours l'épreuve de la réalité, et que "rester ensemble longtemps" demeure le vœu le plus profond. Plus qu'un modèle de poésie lyrique délicate, il offre un écho intemporel à tous ceux qui connaissent la séparation géographique. Son authenticité émotionnelle et la beauté de ses images en font une œuvre immortelle.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Lü Benzhong​​ (吕本中, 1084 - 1145), originaire de Shou (Anhui), fut un poète et philosophe néoconfucéen des Song du Sud. Auteur de plus de 1 270 poèmes, son style, plus accessible que celui de l’École du Jiangxi, en fait une figure clé de l’évolution de la poésie des Song.

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