La Treizième Nuit de l'Automne de Chen Zilong

meng qiu shi san ye
J’amarre mon bateau sous l’érable d’un bois;
Au-delà du Mont Jade la nuit est profonde.
Voyant seul la lune vue ensemble autrefois,
Mes larmes tombent et approfondissent l'onde.

Poème chinois

「孟秋十三夜」
日暮维舟枫树林,玉峰峰外漏沉沉。
那堪独对当时月,泪落吴江秋水探。

陈子龙

Explication du poème

Ce poème fut composé à la fin des Ming, alors que Chen Zilong, fuyant les troubles, errait sans refuge vers le sud. Par une nuit de début d'automne, son bateau amarrait près du fleuve Wu, dont les paysages désolés éveillèrent en lui une profonde nostalgie et mélancolie. Patriote résistant aux Qing, Chen portait la douleur de sa patrie perdue, sentiment qui imprègne toute son œuvre. Ces vers capturent son état d'âme d'exilé, exprimant à travers le paysage une tristesse grave et poignante.

Premier distique : « 日暮维舟枫树林,玉峰峰外漏沉沉。 »
Rì mù wéi zhōu fēng shù lín, Yù fēng fēng wài lòu chén chén.
Au crépuscule j'amarre parmi les érables,
Au-delà des pics de Jade, la nuit tombe inexorable.

L'ouverture avec "crépuscule" (日暮) et "amarrer" (维舟) peint l'errance du poète, créant une atmosphère de solitude infinie. "Pics de Jade" (玉峰) désigne un site près du fleuve Wu. "Nuit inexorable" (漏沉沉) scelle l'obscurcissement progressif qui enveloppe le poème d'une mélancolie sourde. Isolé dans son exil, le poète ancré dans les bois sauvages ne trouve qu'un surcroît de désolation sous le ciel immense.

Deuxième distique : « 那堪独对当时月,泪落吴江秋水探。 »
Nà kān dú duì dāng shí yuè, lèi luò Wú jiāng qiū shuǐ tàn.
Comment supporter seul cette lune d'autrefois ?
Mes larmes tombent dans les eaux automnales du Wu.

"Lune d'autrefois" (当时月) évoque des souvenirs effacés - peut-être des paysages contemplés jadis, ou des compagnons disparus. "Comment supporter" (那堪) révèle l'insoutenable poids du chagrin. Le vers final, où les larmes (泪落) se mêlent aux flots infinis dans un geste à la fois physique et métaphorique, atteint une intensité lyrique rare : l'émotion s'incarne dans le paysage, l'eau devenant le réceptacle d'une douleur aussi vaste que le fleuve lui-même.

Lecture globale

Ce poème tire sa force de l'émotion pure, esquissant en vingt caractères seulement la mélancolie d'une barque solitaire ancrée sous la lune automnale. Le premier distique plante le décor : crépuscule, érables, ombres montagneuses et nuit tombante tissent une atmosphère silencieuse et glaciale. Le second distique plonge dans la blessure intime - la "lune d'alors" évoque un passé révolu, qu'il s'agisse d'êtres disparus ou de lieux perdus, déclenchant des "larmes" irrépressibles. Ce transfert de l'émotion dans le paysage, où la scène porte le sentiment, atteint une retenue bouleversante, incarnant le style de Chen Zilong - élégant et subtil, grave et pathétique.

Spécificités stylistiques

Le poème excelle par ses paysages épurés et son langage sobre, où l'émotion intense reste contenue. Son trait le plus remarquable est "d'exprimer une immense douleur par un minuscule paysage" : un homme, une barque, un fleuve, une lune - toute l'errance et la solitude du poète, toute sa nostalgie et son chagrin se fondent dans les eaux et la lune automnale. Paysage saturé de sentiment, sentiment incarné dans le paysage, la résonance se prolonge bien au-delà des mots.

Éclairages

Ce poème révèle comment, dans l'errance des temps troublés, la solitude et le souvenir gagnent en profondeur. "Seul face à la lune d'alors" devient une résonance spirituelle, un écho des jours révolus, des affections perdues, des idéaux enfuis. Il nous enseigne qu'au cœur des bouleversements historiques et des destins ballottés, la persistance du sentiment et de la mémoire constitue la trame la plus émouvante de l'existence humaine.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Chen Zilong​​ (1608 - 1647), originaire de Songjiang (actuelle Shanghai), fut à la fois un lettré et un résistant anti-Qing à la fin des Ming. Reçu mandarin en 1637 (10e année de Chongzhen), il fonda avec Xia Yunyi et d'autres le Jishe (幾社), cercle littéraire prônant un retour aux styles classiques. Son œuvre poétique, d'abord ornée et raffinée, devint ensuite véhémente et tragique, incarnant dans ses poèmes, chants lyriques et essais l'esprit indomptable des derniers loyalistes Ming.

Total
0
Shares
Prev
La Vie Rurale en Été XXXI de Fan Chengda
si shi tian yuan za xing xxxi

La Vie Rurale en Été XXXI de Fan Chengda

Elle a vu revenir du nord les oies sauvages, Et voit voler les hirondelles

You May Also Like