La Flûte jouée sur la terrasse du Phénix de Li Qingzhao

feng huang tai shang yi chui xiao · xiang leng jin ni
    L’encens est tout brûlé
Dans l’encensoir doré;
Sous les couvertures de soie,
En désordre, le lit ondoie.
Lasse, je me lève, sans peigner mes cheveux.
Je laisse ma toilette poussiéreuse
Et baissés mes rideaux
Jusqu’à ce que le soleil soit haut.
Ton absence me laisse malheureuse.
Combien j’ai de douleur!
Mais à qui
Puis-je épancher mon cœur?
Je maigris
Non pas qu’à l’ivresse je m’abandonne
Ou à la mélancolie de 1’ automne.

Tout est fini!
Tu es parti;
Je n’aurais pu, par mille chants d’adieu,
Te retenir. Tu es loin, aux Pêchers Fleuris;
Seule, dans le pavillon de brume assombri,
Je suis assise devant ma fenêtre.
Le ruisseau qui coule là doit connaître
Le regard que je fixe toute la journée
Sur l’onde attristée.

Poème chinois

「凤凰台上忆吹箫 · 香冷金猊」
香冷金猊,被翻红浪,起来慵自梳头。任宝奁尘满,日上帘钩。生怕离怀别苦,多少事、欲说还休。新来瘦,非干病酒,不是悲秋。
休休,这回去也,千万遍《阳关》,也则难留。念武陵人远,烟锁秦楼。惟有楼前流水,应念我、终日凝眸。凝眸处,从今又添,一段新愁。

李清照

Explication du poème

Ce poème fut composé par Li Qingzhao peu après son mariage, alors que son époux Zhao Mingcheng était parti en voyage d'affaires, la laissant seule dans leur chambre nuptiale, emplie de la douleur de la séparation. Éminente représentante du style gracieux et retenu (婉约词) de la dynastie Song, Li Qingzhao excelle à dépeindre avec finesse les émotions féminines. Ce poème est l'un de ses chefs-d'œuvre exprimant l'angoisse de la séparation. Le texte progresse de la mélancolie dans la première strophe à la douleur de l'adieu dans la seconde, déployant avec une intensité croissante des sentiments complexes - nostalgie, impuissance, attente - établissant un modèle parfait du style gracieux.

Première strophe: La mélancolie avant la séparation

« 香冷金猊,被翻红浪,起来慵自梳头。 »
xiāng lěng jīn ní. bèi fān hóng làng. qǐ lái yōng zì shū tóu.
L'encens refroidi dans le brûle-parfum doré,
La couverture en désordre comme une vague rouge,
Je me lève, trop lasse pour me coiffer.

L'encens dans le brûle-parfum en laiton s'est consumé, répandant une froide odeur résiduelle. La couverture de soie rouge, froissée, évoque des vagues agitées. La poétesse, émergeant du sommeil, ne trouve même pas l'énergie pour sa toilette matinale. Ce détail trivial peint non seulement une atmosphère de solitude, mais reflète aussi, à travers le désordre des objets, son désarroi intérieur.

« 任宝奁尘满,日上帘钩。 »
rèn bǎo lián chén mǎn. rì shàng lián gōu.
Je laisse la poussière s'accumuler sur mon coffret à bijoux,
Le soleil accroché aux crochets du rideau.

Le luxueux coffret à maquillage couvert de poussière témoigne de sa négligence prolongée. Les rayons du soleil sur les crochets du rideau marquent l'écoulement du temps, tandis qu'elle reste immergée dans son chagrin. La « poussière accumulée » n'est pas qu'une image physique, mais un symbole psychologique de son abandon des apparences et de sa prostration.

« 生怕离怀别苦,多少事、欲说还休。 »
shēng pà lí huái bié kǔ. duō shǎo shì. yù shuō huán xiū.
Je redoute tant la douleur des adieux,
Tant de choses à dire, pourtant restées non dites.

Elle craint d'évoquer la séparation, car cela ferait jaillir une douleur incontrôlable. Malgré mille mots au bord des lèvres, elle ne peut les prononcer, choisissant finalement le silence. Ce « vouloir parler puis s'abstenir » capture avec justesse le dilemme de l'adieu imminent, révélant son attachement profond à son époux.

« 新来瘦,非干病酒,不是悲秋。 »
xīn lái shòu. fēi gān bìng jiǔ. bú shì bēi qiū.
Ma récente maigreur,
Ni due au vin, ni à la maladie,
Ni même à la mélancolie automnale.

Son amaigrissement récent n'a pour cause ni maladie, ni ivrognerie, ni même la tristesse saisonnière, mais uniquement l'angoisse de la séparation. Cette exclusion habile des causes conventionnelles met en relief la douleur poignante de l'adieu. Ce « non-dit éloquent » rend l'émotion plus profonde et touchante.

Seconde strophe: La solitude après l'adieu

« 休休!这回去也,千万遍《阳关》,也则难留。 »
xiū xiū! zhè huí qù yě. qiān wàn biàn yáng guān. yě zé nán liú.
Assez ! Cette fois il part,
Mille fois chanteriez-vous "L'Adieu au Yangguan",
Rien ne le retiendrait.

« Assez ! » est un soupir résigné, à la fois auto-apaisement et impuissance face au départ. Même répété mille fois, le chant d'adieu traditionnel « Yangguan » ne peut retarder le départ. L'emploi de « mille fois » intensifie son désespoir.

« 念武陵人远,烟锁秦楼。 »
niàn wǔ líng rén yuǎn. yān suǒ qín lóu.
Je songe au voyageur loin vers Wuling,
La brume enserre ma tour Qin.

« L'homme de Wuling » (référence au Pêcheur de la source aux fleurs de pêcher) symbolise l'époux parti vers des contrées lointaines et incertaines. « La brume enserrant la tour Qin » peint sa solitude dans la chambre nuptiale, la brume ajoutant une touche de tristesse voilée. Ces allusions classiques enrichissent la mélancolie d'une résonance culturelle.

« 惟有楼前流水,应念我、终日凝眸。 »
wéi yǒu lóu qián liú shuǐ. yīng niàn wǒ. zhōng rì níng móu.
Seul le flot devant ma tour,
Se souviendra de mes regards obstinés.

Face à l'attente infinie, son regard ne peut se fixer que sur l'eau coulant devant la tour. Ce flux symbolise à la fois le temps qui passe et l'impossibilité de suivre l'absent. Personnifié, il devient le seul témoin compatissant de sa contemplation quotidienne, rendant la scène intensément émouvante.

« 凝眸处,从今又添,一段新愁。 »
níng móu chù. cóng jīn yòu tiān. yī duàn xīn chóu.
Là où se pose mon regard,
Désormais s'ajoute
Une nouvelle couche de chagrin.

Ces derniers vers approfondissent le thème : son regard fixe l'horizon, mais désormais empreint d'une tristesse neuve. Ce « chagrin nouveau » cumule la nostalgie passée et l'appréhension de l'attente à venir. Conclusion parfaite qui suggère l'infini prolongement de sa douleur.

Appréciation globale

Ce poème saisit avec une minutie extrême les fluctuations émotionnelles entourant la séparation. La première strophe campe une mélancolie pré-adieu, où la poétesse, paralysée par le chagrin, néglige jusqu'à sa toilette. La seconde strophe dépeint la solitude post-adieu, l'épouse épiant l'horizon depuis sa tour, ses pensées s'écoulant comme le fleuve. Cette progression de la « tristesse » vers la « tristesse accrue » crée une tension émotionnelle intense.

Traits stylistiques

  1. Paysage miroir de l'âme
    Les images comme « l'encens froid », « la vague rouge des couvertures », « le soleil sur les crochets » reflètent subtilement son monde intérieur.
  2. Progression organique
    L'émotion évolue naturellement de la léthargie quotidienne vers la douleur inexprimable, puis vers la solitude absolue.
  3. Allusions savantes
    Les références à « l'homme de Wuling » et à « la tour Qin » ancrent son chagrin dans une tradition littéraire, élargissant sa résonance.
  4. Langage retenu mais poignant
    Les expressions comme « vouloir parler puis s'abstenir » ou « maigreur récente » expriment avec pudeur une émotion complexe, créant une beauté durable.

Éclairages

Plus qu'un simple journal intime en vers, ce poème incarne le destin des femmes lettrées dans une société patriarcale. Son talent et sa sensibilité coexistent avec une profonde nostalgie conjugale et une résignation face au destin. L'universalité des émotions qu'elle dépeint - la douleur de la séparation, l'agonie de l'attente, la persistance du souvenir - nous rappelle l'importance de chérir nos proches dans le présent. Une leçon intemporelle sur la précarité des unions humaines., des gens profonds, des niveaux bien, écrit dans un arrière-goût persistant et sentimental, euphémistique et implicite.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Li Qing-zhao

Li Qing-zhao (李清照), 1084 - 1156 après J.-C., était un poète représentatif de l'école Wanjiao de la dynastie Song, originaire de Jinan, dans la province de Shandong. Ses poèmes sont appréciés depuis des milliers d'années, et l'un des cratères de Mercure porte son nom en l'honneur de cette femme écrivain exceptionnelle.

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