La Ville au Bord du Fleuve de Qin Guan

jiang cheng zi · xi cheng yang liu nong chun rou
A l’ouest de la ville ondoient les saules printaniers,
En pensant à l’heure
De son départ, je pleure.
Je me souviens du lieu où mon bien-aimé
A amarré son bateau
A son retour sur l’eau.
Le champ est vert et le pont vermeil comme naguère,
Mais il ne revient pas. Que faire?
En vain coulent les eaux de la rivière.

Le temps ne suspend pas son vol pour la jeunesse.
Quand en finira-t-on
Avec cette tristess?
La fleur se fane et le chaton
De saule
S’envole;
Je monte dans la tour.
Même si la rivière emportait mes pleurs
Avec ses eaux nuit et jour,
Elle ne pourrait charrier toute ma douleur.

Poème chinois

「江城子 · 西城杨柳弄春柔」
西城杨柳弄春柔,动离忧,泪难收。犹记多情、曾为系归舟。碧野朱桥当日事,人不见,水空流。
韶华不为少年留,恨悠悠,几时休?飞絮落花时候、一登楼。便作春江都是泪,流不尽,许多愁。

秦观

Explication du poème

Ce poème lyrique, écrit lors des adieux du printemps déclinant, oppose les souvenirs d'un amour passé à la réalité présente pour exprimer une mélancolie infinie face à la jeunesse enfuie et au départ de l'être aimé. D'une sincérité poignante, il mêle simplicité des mots et profondeur des sentiments, atteignant une beauté à la fois élégiaque et envoûtante.

Première strophe : « 西城杨柳弄春柔,动离忧,泪难收。犹记多情、曾为系归舟。碧野朱桥当日事,人不见,水空流。 »
Xī chéng yáng liǔ nòng chūn róu, dòng lí yōu, lèi nán shōu. Yóu jì duō qíng, céng wèi xì guī zhōu. Bì yě zhū qiáo dāng rì shì, rén bú jiàn, shuǐ kōng liú.
Les saules de la ville occidentale caressent la tendresse printanière,
Éveillant le chagrin de l'adieu, mes larmes refusent de tarir.
Je me souviens encore de celle, pleine d'affection,
Qui nouait jadis mon bateau de retour.
Champs d'émeraude, pont vermillon – tout est resté identique,
Mais la personne a disparu, seule l'eau coule à jamais.

Cette strophe s'ouvre sur une scène printanière où le verbe « caresser » (弄, nòng) et l'adjectif « tendre » (柔, róu) établissent une tonalité à la fois douce et nostalgique. En trois vers, le poète bascule dans l'expression directe du chagrin (离忧, lí yōu) et des larmes. L'évocation du geste intime (« nouer le bateau ») cristallise la mémoire amoureuse, tandis que les couleurs vives (« champs d'émeraude », « pont vermillon ») ancrent le souvenir dans un paysage précis. La chute (« la personne a disparu, seule l'eau coule ») oppose avec amertume la permanence de la nature à l'absence humaine, l'écoulement de l'eau symbolisant l'inexorable fuite du temps.

Deuxième strophe : « 韶华不为少年留,恨悠悠,几时休?飞絮落花时候、一登楼。便作春江都是泪,流不尽,许多愁。 »
Sháo huá bù wèi shào nián liú, hèn yōu yōu, jǐ shí xiū? Fēi xù luò huā shí hòu, yī dēng lóu. Biàn zuò chūn jiāng dōu shì lèi, liú bù jìn, xǔ duō chóu.
La fleur des ans n'attend pas le jeune homme,
Le regret s'étire sans fin – quand cessera-t-il ?
À l'heure où voltigent les chatons et tombent les fleurs,
Je monte seul dans la tour.
Et même si le fleuve printanier se changeait en larmes,
Il ne pourrait emporter tout mon chagrin.

Ici, la réflexion sur la jeunesse éphémère (韶华, sháo huá) se mue en méditation existentielle. L'expression « le regret s'étire sans fin » (恨悠悠, hèn yōu yōu) prolonge métaphoriquement l'image de l'eau qui coule. Le paysage printanier déclinant (« chatons qui voltigent », « fleurs qui tombent ») devient le miroir de la destinée humaine. Le geste de monter dans la tour (登楼, dēng lóu), motif classique de la mélancolie lettrée, précède une hyperbole saisissante : la transformation du fleuve entier en larmes, incapable pourtant de laver le chagrin. Cette image, inspirée de Li Yu mais surpassant son modèle par son ampleur, condense toute la douleur du poète en une métaphore fluide et cosmique.

Lecture globale

Ce ci entrelace paysage et sentiment avec maestria. La première strophe, nourrie de souvenirs (« saules », « bateau », « pont vermillon »), esquisse une romance perdue, tandis que la seconde sublime le chagrin à travers des images aquatiques (« larmes », « fleuve »). Sans pathos explicite, le poète use d'un symbolisme naturel (eau qui coule, printemps finissant) pour élever une émotion personnelle à l'universel. La retenue élégiaque et la densité des images révèlent un art consommé de l'expression lyrique.

Spécificités stylistiques

  1. Symbolisme naturel : Les saules, le fleuve et les fleurs fanées deviennent les vecteurs d'une émotion complexe.
  2. Architecture cyclique : La strophe mémorielle (passé) et la strophe méditative (présent) s'enchâssent comme les deux rives d'un même fleuve de chagrin.
  3. Réinvention d'un topos : L'image des « larmes-fleuve » dépasse le cliché par son intensité concrète.
  4. Économie expressive : Chaque mot porte une charge émotionnelle maximale, sans superflu.

Éclairages

Ce poème capture l'essence d'une mélancolie intemporelle : l'irréversibilité du temps, la persistance du regret. Il invite à chérir l'éphémère – beauté printanière ou rencontres humaines – tout en assumant la douleur de leur disparition. La résilience poétique (transmuer la souffrance en art) offre ici une voie de sublimation qui demeure profondément actuelle.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Qin Guan

Qin Guan (秦观), 1049 - 1100 après J.-C., était originaire de Gaoyou, dans la province du Jiangsu. Qin Guan a eu une vie difficile et a écrit des poèmes anciens et lourds, profondément touchants en référence à sa vie. Su Shi appréciait le talent de Qin Guan et le louait comme ayant le même talent que Qu Yuan.

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