Les Paysans de Nie Yizhong

tian jia · nie yi zhong
Les champs labourés par le père,
Le fils défriche en bas la terre.
Les plants n’ont pas encore mûri.
Les greniers attendent le riz.

Poème chinois

「田家」
父耕原上田,子劚山下荒。
六月禾未秀,官家已修仓。

聂夷中

Explication du poème

Ce poème fut composé à la fin de la dynastie Tang, une période marquée par des guerres incessantes et des difficultés financières croissantes. Alors que l'exploitation des paysans par l'État atteignait son paroxysme, ces derniers subissaient le fardeau écrasant des taxes et des corvées, plongés dans une misère sans issue. En quatre vers seulement, Nie Yizhong dévoile l'implacable réalité des cultivateurs - leur labeur incessant ne les protégeant jamais de la spoliation -, exprimant ainsi sa profonde compassion pour les souffrances du peuple et sa dénonciation du système féodal oppressif.

Premier distique : « 父耕原上田,子劚山下荒。»
Fù gēng yuán shàng tián, zi zhú shān xià huāng.
Le père laboure les champs fertiles de la plaine,
Le fils défriche les terres ingrates des contreforts.

Ce distique, dépeignant apparemment le travail quotidien d'une famille paysanne, condense en réalité l'incessant labeur saisonnier qui accable les cultivateurs. L'emploi conjoint de "labourer" (耕) et "défricher" (劚) couvre l'ensemble du cycle agricole, des semailles aux travaux de mise en culture. La juxtaposition des "champs fertiles" (原上田) et des "terres ingrates" (山下荒) englobe toutes les terres cultivables de la société agraire, suggérant l'ampleur et la difficulté du travail paysan, témoignant d'une profonde empathie pour le sort des humbles.

Deuxième distique : « 六月禾未秀,官家已修仓。»
Liù yuè hé wèi xiù, guān jiā yǐ xiū cāng.
En juin, les épis ne sont pas encore formés,
Pourtant l'administration a déjà réparé ses greniers.

Ce distique oppose avec une force tragique la condition des paysans à celle des autorités. "Les épis ne sont pas encore formés" (禾未秀) suggère des récoltes compromises par des calamités naturelles, tandis que "a déjà réparé ses greniers" (已修仓) révèle l'implacable détermination du pouvoir à percevoir l'impôt, indifférent aux aléas climatiques et à la détresse populaire. L'antithèse entre "ne pas encore" (未) et "déjà" (已) crée un parallèle cinglant, chargé d'ironie amère. Sans dénoncer explicitement la spoliation, le poète, à travers ces détails symboliques, fait ressentir au lecteur l'atmosphère sociale étouffante et oppressive.

Lecture globale

Ce poème concis mais puissant dépeint le conflit entre labeur agricole et exigences fiscales, révélant la triste réalité des paysans contraints de « payer l'impôt avant même de récolter ». Le premier couplet montre une famille unie dans l'effort, dépeignant leur labeur acharné ; le second bascule vers l'implacable perception fiscale malgré les catastrophes naturelles, exposant la cruauté du système féodal. Sans critique explicite, chaque vers transpire l'indignation, faisant de ce texte un chef-d'œuvre du réalisme poétique où émotion et satire se dissimulent sous le récit.

Spécificités stylistiques

Le poète évite la dénonciation frontale au profit de contrastes saisissants : d'un côté, père et fils défrichant sous un soleil de plomb ; de l'autre, les greniers publics prêts à confisquer la récolte. Cette économie de moyens, alliée à une langue dépouillée mais suggestive, révèle le génie artistique et l'engagement social de Nie Yizhong, observateur intransigeant des souffrances populaires.

Éclairages

Ce poème offre une immersion dans la détresse paysanne ancestrale et dénonce l'oppression fiscale à travers les âges. Par son minimalisme éloquent, il nous somme de rester vigilants face à l'arbitraire du pouvoir et à l'indifférence envers les vulnérables. Ce courage de pointer les maux sociaux, allié à une compassion sans faille, incarne l'essence même de la littérature réaliste.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Nie Yizhong (聂夷中) était un poète de la fin de la dynastie Tang, vivant vers 871. Ses poèmes sont simples dans leur langage et superficiels dans leur signification, et nombre d'entre eux dénoncent avec force l'exploitation cruelle du peuple par la classe dirigeante féodale, tout en exprimant une profonde sympathie pour le sort des paysans.

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