L’Ancienne Capitale de Wei Zhuang​

tai cheng
L’herbe se noie au bord du fleuve dans la bruine;
Les oiseaux crient, les six dynasties évanouies.
Les saules pleurent sans cœur autour de la ruine;
O ils la voilent d’une verdure épanouie!

Poème chinois

「台城」
江雨霏霏江草齐,六朝如梦鸟空啼。
无情最是台城柳,依旧烟笼十里堤。

韦庄

Explication du poème

Ce poème fut composé à la fin de la dynastie Tang, au IXe siècle. À cette époque, les terres centrales de la Chine étaient ravagées par la guerre, et l'empire Tang, vacillant, voyait son ancienne capitale, Nanjing, perdre peu à peu la gloire des Six Dynasties pour devenir une ruine désolée. Wei Zhuang, vivant dans cette période troublée et errant sans cesse, ressentait profondément les vicissitudes de son pays. Dans ce poème, « Tái Chéng » (La Cité impériale), il se recueille sur les vestiges historiques, utilisant les paysages printaniers pour exprimer les vicissitudes de l'histoire et l'impermanence de la vie, mêlant description, évocation historique et lyrisme en une œuvre d'une profondeur remarquable et d'une émotion poignante.

Premier couplet : « 江雨霏霏江草齐,六朝如梦鸟空啼。 »
Jiāng yǔ fēi fēi jiāng cǎo qí, liù cháo rú mèng niǎo kōng tí.
Pluie fine sur le fleuve, herbes luxuriantes ; Les Six Dynasties, un rêve évanoui, seul un oiseau chante en vain.

L'ouverture crée une atmosphère brumeuse avec la pluie printanière et les herbes verdoyantes. Les termes « fēi fēi » (fine) et « qí » (luxuriantes) dépeignent la douceur de la nature tout en suggérant une mélancolie sous-jacente. « Les Six Dynasties, un rêve évanoui » introduit l'histoire dans le poème, contrastant le présent avec la splendeur passée. « L'oiseau chante en vain », avec le mot « kōng » (en vain), renforce le sentiment de désolation entre le passé et le présent, exprimant la profonde tristesse du poète face à la disparition de l'ancienne gloire.

Second couplet : « 无情最是台城柳,依旧烟笼十里堤。 »
Wú qíng zuì shì tái chéng liǔ, yī jiù yān lóng shí lǐ dī.
Plus insensible encore, le saule de la Cité impériale, Demeure, comme jadis, voilant de brume la digue de dix lieues.

Le saule, symbole de la splendeur passée, ondule toujours au vent, indifférent aux bouleversements humains, reflétant ainsi l'inconstance des affaires mondiales et l'implacabilité de l'histoire. Le mot « yī jiù » (comme jadis) souligne la permanence du paysage face aux changements humains, exprimant avec une retenue poignante la mélancolie du poète devant les vicissitudes historiques.

Lecture globale

En seulement vingt caractères, « Tái Chéng » déploie une vision grandiose et une émotion profonde. Wei Zhuang excelle à transcender la simple description pour toucher à l'universel : pluie, chant d'oiseau et saules deviennent les métaphores d'une histoire à la fois révolue et éternellement présente. Les termes « rú mèng » (comme un rêve), « kōng tí » (chanter en vain) et « yī jiù » (comme jadis) tissent une toile où se mêlent nostalgie et résignation, élevant le poème au rang de méditation sur le temps.

Spécificités stylistiques

  • Symbolisme naturel : Le saule, immuable, incarne l'indifférence de la nature face aux tragédies humaines.
  • Dialogue des temps : Le contraste entre la pérennité du paysage (« yān lóng shí lǐ dī ») et l'évanescence des dynasties crée une tension poignante.
  • Économie de moyens : Chaque mot porte une double charge, sensorielle et philosophique, comme « fēi fēi » (qui peint la pluie tout en suggérant l'effacement).

Éclairages

"L’Ancienne Capitale" transmet en quelques vers seulement un profond sentiment historique et des regrets face au déclin, nous rappelant que la prospérité est éphémère et le monde changeant. Le poète, en opposant l'"inaltérabilité" de la nature aux "vicissitudes" humaines, exprime à la fois sa nostalgie pour l'ancienne gloire de sa patrie et ses vives inquiétudes face à la situation présente. Cette contemplation profonde de l'histoire et de la réalité nous incite, au milieu des bouleversements complexes, à examiner constamment la relation entre nous-mêmes et notre époque, et à affronter les fluctuations de la vie avec une conscience historique plus aiguë.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Wei Zhuang

Wei Zhuang (韦庄), vers 836 - 910 après J.-C., était originaire de Xi'an, dans la province de Shaanxi. Il a écrit plus de cinquante poèmes et était un poète représentatif de l'« école de la chambre des fleurs », aux côtés de Wen Tingyun.

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