Une Vue de l’Est de la Ville au Soir de Qin Guan

si zhou dong cheng wan wang
Le fleuve s’étend d’ici à perte de vue,
Parsemé de voiles où l’on parle à la nue.
Le bois est couronné d’un bleu comme un tableau:
Ce n’est que la montagne au tournant du cours d’eau.

Poème chinois

「泗州东城晚望」
渺渺孤城白水环,舳舻人语夕霏间。
林梢一抹青如画,应是淮流转处山。

秦观

Explication du poème

Ce poème dépeint le paysage des eaux de la Huai au crépuscule, aux abords de la cité de Sizhou. Le poète, se plaçant en observateur lointain, fusionne organiquement les éléments que sont l'eau, la brume, les barques, les hommes, les bois et les montagnes, créant ainsi une scène à la fois paisible, limpide, voilée et subtile. À travers la description des paysages dans la lumière déclinante, il exprime son détachement intérieur et son amour pour la beauté naturelle.

Premier distique : « 渺渺孤城白水环,舳舻人语夕霏间 »
Miǎo miǎo gū chéng bái shuǐ huán, zhú lú rén yǔ xī fēi jiān.
La cité solitaire de Sizhou est encerclée par les vastes eaux blanches ; dans la brume du soir, on perçoit vaguement les conversations des bateliers.

Le distique d'ouverture commence par "miǎo miǎo" (infini et indistinct), évoquant l'immensité où se confondent la cité et les eaux. Le mot "gū" (solitaire) accentue l'isolement de Sizhou. L'auteur s'attache à peindre les barques à l'arrêt et les échanges des bateliers dans la brume vespérale. L'expression "zhú lú rén yǔ" (conversations sur les bateaux) enrichit non seulement la dimension visuelle mais introduit aussi des détails auditifs, évitant que la scène ne paraisse trop silencieuse ou froide, lui ajoutant au contraire une touche de vie et de chaleur humaine.

Second distique : « 林梢一抹青如画,应是淮流转处山。 »
Lín shāo yī mǒ qīng rú huà, yīng shì huái liú zhuǎn chù shān.
À la cime des arbres lointains se dessine une touche de vert pâle, d'une beauté picturale ; ce doivent être les montagnes vertes au coude de la rivière Huai.

Le second distique utilise "rú huà" (comme un tableau) pour décrire la beauté des montagnes lointaines. Plutôt que de les peindre directement, il évoque d'abord "une touche de vert à la cime des arbres", laissant le contour des montagnes entre apparition et disparition. Leur présence est déduite plutôt que perçue directement, approche qui stimule l'imagination et donne à la composition plus de profondeur et de poésie. Les mots "yīng shì" (ce doit être) révèlent le ton conjectural du poète, montrant sa contemplation lointaine et ajoutant une note de vivacité et de retenue à la description.

Lecture globale

Le poème ne présente pas d'émotions exacerbées mais déploie, à travers une description minutieuse et une composition rythmée, un paysage nocturne d'harmonie et de sérénité. Les deux premiers vers mettent l'accent sur l'eau et les barques, créant un contraste entre les eaux lointaines, les légères embarcations et les voix indistinctes dans le crépuscule. Les deux derniers vers se tournent vers les montagnes lointaines, reliant l'ombre des arbres au premier plan aux montagnes éloignées, combinant réel et imaginaire avec un usage judicieux des vides. Sans émotion subjective marquée, le poème laisse cependant circuler une pensée tranquille, exprimant l'attitude détachée du poète face à la vie et aux affaires du monde.

Spécificités stylistiques

La structure du poème est clairement articulée : le premier distique décrit l'eau, les barques et les voix humaines, le second les bois, les montagnes et une impression de lointain, construisant une progression entre vision et audition, entre premier plan et arrière-plan, entre mouvement et immobilité. Sur le plan technique, il utilise la description indirecte, combine réel et imaginaire, procède par retenue avant de s'élever, évitant ainsi la platitude et la rigidité. Le langage, frais et élégant, montre un grand soin dans le choix des mots comme "miǎo miǎo" (infini), "yī mǒ" (une touche), "rú huà" (comme un tableau), d'une grande force picturale et empreints d'une esthétique raffinée.

Éclairages

Ce poème nous rappelle que décrire un paysage ne consiste pas à en énumérer les éléments mais à en saisir l'essence avec habileté et à le restituer avec finesse. Par un rendu minutieux et une imagination poétique, des scènes ordinaires peuvent s'élever au rang d'images artistiques d'une profondeur esthétique. Par ailleurs, l'attitude qu'il transmet - appréhender la nature dans le calme et y déposer ses pensées avec détachement - constitue aussi une philosophie de vie digne d'être poursuivie.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Qin Guan

Qin Guan (秦观), 1049 - 1100 après J.-C., était originaire de Gaoyou, dans la province du Jiangsu. Qin Guan a eu une vie difficile et a écrit des poèmes anciens et lourds, profondément touchants en référence à sa vie. Su Shi appréciait le talent de Qin Guan et le louait comme ayant le même talent que Qu Yuan.

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