Les corbeaux tachètent le soir du jardin,
Où il n’est que des maisons désertes en vue.
Comme avant les arbres fleurissent en vain
Ignorant que les vieilles gens sont disparues.
Poème chinois:
「山房春事 · 其二」
岑参
梁园日暮乱飞鸦,极目萧条三两家。
庭树不知人去尽,春来还发旧时花。
Explication du poème:
《山房春事·其二》 est un poème empreint de nostalgie et de méditation sur le passé. Liangyuan, ce jardin construit par Cao Cao à la fin de la dynastie des Han de l'Est à Kaifeng, fut autrefois un lieu de festivités et de rassemblement pour les lettrés. Cependant, au fil du temps, cette splendeur passée s'est évanouie, laissant place à la désolation. Debout dans ce jardin au crépuscule, face à cette scène déserte, le poète, saisi par l'émotion, médite sur l'impermanence du monde et la fragilité des gloires passées, donnant naissance à ce poème profondément émouvant.
Premier vers:“梁园日暮乱飞鸦,极目萧条三两家。”
Dans le jardin de Liangyuan, au crépuscule, seuls quelques corbeaux tournoient dans le ciel ; en regardant au loin, le paysage n'offre plus que trois ou quatre maisons éparpillées.
Ces vers dressent une scène de désolation au coucher du soleil. Les corbeaux, dans leur vol désordonné, troublent le silence, tandis que le jardin autrefois animé est désormais désert, ne comptant plus que quelques rares habitations. Par le tumulte des corbeaux, le poète introduit une dimension sonore qui contraste avec la vacuité du lieu, accentuant la mélancolie de la scène. Ce contraste entre l'agitation des corbeaux et le déclin silencieux de Liangyuan reflète la montée et la chute inéluctables de la gloire humaine.
Deuxième vers:“庭树不知人去尽,春来还发旧时花。”
Les arbres de la cour ignorent que les hommes ont disparu ; à chaque printemps, ils refleurissent comme autrefois.
Ici, le poète utilise l’indifférence des arbres et la renaissance inaltérable des fleurs pour souligner les bouleversements de l’histoire humaine. Les hommes et la prospérité passée ne sont plus qu’un souvenir, mais la nature, insensible, suit son cours immuable. Plutôt que d’exprimer directement sa mélancolie, le poète recourt à ce contraste subtil entre la constance de la nature et l’éphémère de la gloire humaine, rendant son émotion plus poignante.
Analyse globale:
Ce poème, à travers le tableau désolé du crépuscule à Liangyuan, exprime la profonde réflexion du poète sur la disparition des splendeurs passées et l’impermanence de la gloire. Le premier vers peint un paysage lointain et déserté, renforcé par la présence bruyante des corbeaux ; le second, par un contraste saisissant, évoque les arbres et les fleurs indifférents au passage du temps. En mêlant sentiments personnels et observations sur la nature, le poète parvient à une parfaite fusion entre émotion et paysage. Subtil et mélancolique, ce poème illustre avec une rare intensité la fragilité de la grandeur humaine face à l’éternité de la nature.
Caractéristiques stylistiques:
- Joie apparente, tristesse cachée : La floraison printanière contraste avec la désolation du jardin, amplifiant l’intensité émotionnelle du poème.
- Combinaison de perspectives lointaine et proche : L’alternance entre la vue panoramique de Liangyuan et le gros plan sur la cour crée une riche profondeur spatiale.
- Subtilité et retenue : Le poète exprime sa tristesse en la dissimulant derrière des images naturelles, offrant une émotion implicite mais puissante.
- Combinaison de l’ouïe et de la vue : L’image sonore des corbeaux vient enrichir la scène visuelle, multipliant les dimensions sensorielles et posant le ton mélancolique.
Réflexion:
À travers la désolation de Liangyuan, ce poème reflète l’inévitable transformation de l’histoire et les vicissitudes de la vie humaine. Les gloires passées ne sont que des songes, tandis que la nature, indifférente, suit sa propre route. En intégrant sa tristesse personnelle à cette méditation historique, le poète nous rappelle que la vie est éphémère, la splendeur passagère, et que seul le moment présent mérite d’être chéri. Cette profonde méditation sur l’impermanence transcende les époques et résonne toujours en nous aujourd’hui.
Traducteur de poésie:
Xu Yuan-chong(许渊冲)
À propos du poète:
Cen Shen, 715 - 770 après J.-C., était originaire de Jingzhou, dans la province de Hubei. Dans sa jeunesse, il a étudié au mont Songshan, puis s’est rendu à Pékin, Luoyang et Shuohe. Cen Shen était célèbre pour ses poèmes frontaliers, dans lesquels il décrivait les paysages frontaliers et la vie des généraux d’une manière majestueuse et pleine d’entrain. Avec Gao Shi, il était un représentant exceptionnel de l’école de poésie frontalière de la dynastie Sheng Tang. Il a servi dans le bureau de Feng Changqing et a acquis une profonde expérience de la vie à la frontière.