À mon épouse défunte I de Yuan Zhen

qian bei huai I
Toi, fille de la famille la plus aimée,
Tu connaissais la poverte pour m ’épouser.
Tu fouillais ta boîte dotale pour m 'habiller,
Pour m’ acheter du vin, tu allais au mont de piété.
Nous mangions comme mets des herbes sauvages,
Tu cueillais des feuilles seches pour le chauffage.
Aujourd'hui j ai cent mille écus pour mon salaire,
Hélas! je n’ai que des offrandes à te faire!

Poème chinois:

「遣悲怀 · 其一」
谢公最小偏怜女,自嫁黔娄百事乖。
顾我无衣搜荩箧,泥他沽酒拔金钗。
野蔬充膳甘长藿,落叶添薪仰古槐。
今日俸钱过十万,与君营奠复营斋。

元稹

Explication du poème

"À mon épouse défunte" de Yuan Zhen est une élégie mariale qui transcende les siècles. Composée environ un an après le décès de son épouse Wei Cong alors que le poète occupait le poste de Censeur impérial, cette œuvre dépeint avec une sobriété déchirante les années de vaches maigres partagées avec cette fille de haut lignage.

Premier distique : « 谢公最小偏怜女,自嫁黔娄百事乖。 »
Xiè gōng zuì xiǎo piān lián nǚ, zì jià Qián Lóu bǎi shì guāi.
Fille cadette chérie d'un ministre illustre, En m'épousant, pauvre hère, tout lui devint adversité.

L'antithèse entre "ministre illustre" (谢公) et "pauvre hère" (黔娄) pose d'emblée le drame social. Le terme "adversité" (乖) suggère autant les difficultés matérielles que l'injustice du destin pour cette aristocrate condamnée à la gêne.

Second distique : « 顾我无衣搜荩箧,泥他沽酒拔金钗。 »
Gù wǒ wú yī sōu jìn qiè, nì tā gū jiǔ bá jīn chāi.
Voyant mes habits usés, fouillant le coffre d'osier, Cédant à mes requêtes, arrachant son épingle d'or pour du vin.

Ces vers sculptent une sainte laïque du quotidien. Le geste de "fouiller le coffre" traduit une sollicitude active, tandis que "arracher son épingle" symbolise le dénuement consent. Chaque détail matériel devient relique d'amour conjugal.

Troisième distique : « 野蔬充膳甘长藿,落叶添薪仰古槐。 »
Yě shū chōng shàn gān cháng huò, luòyè tiān xīn yǎng gǔ huái.
Herbes sauvages en repas, se délectant de simples feuilles, Feuilles mortes pour combustible, comptant sur le vieux sophora.

L'ascétisme volontaire ("se délectant") atteint ici une dimension quasi-monastique. L'arbre ancestral (古槐) devient protecteur paradoxal, son ombre bienveillante contrastant avec la précarité décrite.

Quatrième distique : « 今日俸钱过十万,与君营奠复营斋。 »
Jīnrì fèng qián guò shí wàn, yǔ jūn yíng diàn fù yíng zhāi.
Aujourd'hui mes émoluments dépassent cent mille, Pour toi j'organise cérémonies sur cérémonies.

L'ironie cruelle de la fortune arrivant trop tard est accentuée par l'accumulation "cérémonies sur cérémonies". L'opulence présente ne sert plus qu'à ritualiser l'absence, transformant le remords en liturgie.

Appréciation globale

Le poème tout entier exprime la profonde nostalgie du poète pour son épouse défunte en évoquant les épreuves qu'ils ont endurées ensemble après leur mariage. La description de la vertu et de la dévotion de son épouse, ainsi que la tendre représentation de leur lien conjugal profond, imprègnent le poème d'une émotion sincère. À travers un langage simple, Yuan Zhen transmet une douleur sans limites, tandis que le contraste avec sa situation actuelle intensifie le sentiment élégiaque. Écrit avec une délicate chaleur, le poème utilise un langage sobre et des techniques de contraste pour exprimer avec force la profondeur de l'amour du couple et l'angoisse du poète face à la perte de son épouse.

Caractéristiques stylistiques

Le poème utilise de manière marquée le contraste comme procédé littéraire. Le premier distique oppose la noble origine de Wei Cong à sa nature humble et sereine, soulignant ainsi son abnégation et sa vertu. Le poète met en regard leur pauvreté passée et sa richesse actuelle, approfondissant le sentiment de perte et de chagrin pour son épouse disparue. Les vers finaux renforcent ce contraste, accentuant encore sa douleur persistante et sa nostalgie.

Par ailleurs, bien qu'il respecte la structure stricte du vers régulé, le langage reste étonnamment naturel et conversationnel, comme s'il s'adressait à un ami. Cette « simplicité profonde » confère au poème une puissante résonance émotionnelle. Le poète tisse une émotion profonde dans sa narration méticuleuse, donnant à l'œuvre une immense valeur artistique.

Réflexion

Ce poème nous enseigne qu'une émotion authentique n'a pas besoin d'un langage orné : des mots simples et sincères, ainsi que des détails vivants, peuvent toucher le cœur plus profondément. À travers les souvenirs des épreuves passées et du soutien indéfectible de son épouse, le poète révèle à la fois la profondeur de leur amour et le désespoir d'un avenir sans elle. Une telle expression nous rappelle que dans la vie, les instants les plus ordinaires et les plus petits détails portent souvent les émotions les plus intenses.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Yuan Zhen

Yuan Zhen (元稹), 779 - 831 après J.-C., originaire de Luoyang, dans la province du Henan, fut pauvre dans ses jeunes années et devint fonctionnaire en 793 après avoir réussi l'examen impérial, mais il fut ensuite rétrogradé pour avoir offensé les eunuques et les bureaucrates démodés, et mourut d'une violente maladie sur le chemin de son poste. Il était ami avec Bai Juyi et écrivait souvent des poèmes ensemble.

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