À mes Frères au Pays Natal le 9e Jour du 9e Mois de Wang Wei

jiu yue jiu ri yi shan dong xiong di
Seul, étranger sur la terre étrangère,
Au jour de fête, que je pense aux miens!
Je sais que là-haut chacun de mes frères,
Portant un rameau, de moi se souvient.

Poème chinois

「九月九日忆山东兄弟」
独在异乡为异客, 每逢佳节倍思亲。
遥知兄弟登高处, 遍插茱萸少一人。

王维

Explication du poème

Ce poème fut composé en 717 par Wang Wei, alors âgé de vingt-sept ans et occupant le poste de secrétaire au ministère des Rites à Chang'an. Écrit le jour du Double Neuf (fête traditionnelle chinoise), il exprime la nostalgie du poète pour sa famille restée dans sa région natale du Shandong. Le festival du Double Neuf, traditionnellement associé à l'ascension des hauteurs et à la commémoration des ancêtres, est marqué par des coutumes comme gravir des collines, porter des baies de cornouiller et boire du vin de chrysanthème. Bien que dépourvu d'ornements rhétoriques, ce poème capture avec une émotion profonde mais retenue le sentiment d'un jeune voyageur pensant intensément aux siens lors d'une fête loin de chez lui. L'évocation des "frères gravissant la colline" condense à la fois l'intensité affective et l'intégration des traditions festives, devenant un classique de la littérature chinoise sur le mal du pays.

Premier couplet : « 独在异乡为异客,每逢佳节倍思亲。 »
Dú zài yì xiāng wéi yì kè, měi féng jiā jié bèi sī qīn.
Seul en terre étrangère, étranger parmi les étrangers,
À chaque fête traditionnelle, la nostalgie des miens redouble.

L'ouverture établit la condition existentielle du poète. Les termes ("seul") et ("étranger"), employés en parallèle, expriment à la fois l'isolement et l'altérité, dépeignant la situation contrainte du voyageur loin de chez lui. Bèi sī qīn ("la nostalgie redouble") intensifie l'émotion dans le contexte festif - plus l'occasion appelle à la réunion familiale, plus l'absence se fait cruellement sentir, créant un poignant contraste affectif.

Deuxième couplet : « 遥知兄弟登高处,遍插茱萸少一人。 »
Yáo zhī xiōng dì dēng gāo chù, biàn chā zhū yú shǎo yī rén.
De loin, je sais mes frères gravissant la hauteur,
Chacun portant des cornouillers - il manque une personne.

Ce distique opère un glissement du "je" vers l'imaginaire familial. Yáo zhī ("savoir de loin") traduit la projection affective par-delà la distance géographique, tandis que dēng gāo ("gravir la hauteur") et zhū yú ("cornouillers") ancrent la scène dans le rituel festif. L'expression shǎo yī rén ("il manque une personne"), d'une simplicité apparente, perce comme une flèche - l'absent est à la fois manquant dans le tableau familial et rupture dans les liens affectifs. L'émotion, contenue, gagne en puissance par ce qu'elle ne dit pas.

Lecture globale

En quatre vers de vingt caractères, ce poème construit une progression rigoureuse : du vécu personnel à l'imaginaire familial, du réel à l'évocation. La ritualité festive et les affections humaines s'y entrelacent naturellement. Wang Wei, à travers une scène archétypale (les frères gravissant la colline), touche à l'universel sans recourir au pathos - "la tristesse naît d'elle-même sans être exposée", selon l'idéal classique chinois.

L'art suprême réside dans le déplacement du regard : plutôt que de s'apitoyer sur son sort, le poète imagine ses proches pensant à lui. Ce renversement perspectif ajoute une beauté en contrepoint, approfondissant l'expression émotionnelle par la suggestion plutôt que la déclaration.

Spécificités stylistiques

Ce poème se distingue par son « émotion intense sous une expression dépouillée », déployant un univers affectif riche à travers une langue d'une extrême économie. Le poète excelle à investir les rituels saisonniers de sentiment, fusionnant avec habileté culture traditionnelle et émotion individuelle, élevant ainsi les scènes festives au rang de catalyseurs d'élévation lyrique. Le vers « chacun portant des cornouillers - il manque une personne » (biàn chā zhū yú shǎo yī rén), en particulier, concentre dans le simple mot « manque » (shǎo) toute la mélancolie de l'absence, énoncée avec retenue mais aux résonances infinies.

L'œuvre adopte une habile projection affective, passant du « je » au « ils » pour transcender les limites du monologue intérieur. Ce renversement perspectif élargit considérablement la portée émotionnelle du texte. Aucune mention explicite de la tristesse, et pourtant le poème émeut depuis des millénaires - incarnation parfaite de l'idéal wangweien où « la poésie contient la peinture, la peinture recèle l'émotion ».

Éclairages

Ce poème rappelle que la puissance littéraire ne réside pas dans l'ornementation verbale, mais dans l'authenticité émotionnelle. À l'ère de l'immédiateté, il nous invite à redécouvrir les dimensions affectives enfouies dans les rituels traditionnels. Comme Wang Wei qui, par un simple "il manque une personne", éveille l'écho de millions de voyageurs, nous gagnerions à chérir ces moments familiaux où se tissent les liens les plus profonds - ceux qui, précisément, n'ont pas besoin de mots.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong

À propos du poète

Wang Wei

Wang Wei (王维), 701 - 761 après J.-C., était originaire de Yuncheng, dans la province de Shanxi. Ses poèmes de paysages et d'idylles, aux images d'une grande portée et aux significations mystérieuses, ont été largement appréciés par les lecteurs des générations suivantes, mais Wang Wei n'est jamais vraiment devenu un homme de paysages et d'idylles.

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