Vagues baignant le sable de Li Yu

lang tao sha · wang shi zhi kan ai
Je déplore le temps passé.
Mais le souvenir ne peut s’effacer.
Le vent d’automne envahit la cour;
Le perron est couvert de mousse.
Le rideau paresseux reste fermé toujours;
Personne ne vient plus où l'herbe pousse.

On a enseveli les chaînes d’or;
Parmi les ronces, morte la royauté d'alors.
Dans la nuit froide, la lune
Brille au ciel serein.
Les anciens palais de leurs images brunes
Dans le fleuve Qinhuai se souviennent en vain.

Poème chinois

「浪淘沙 · 往事只堪哀」
往事只堪哀,对景难排。秋风庭院薛侵阶。
一任珠帘闲不卷,终日谁来?
金锁已沉埋,壮气嵩莱。晚凉天净月华开。
想得玉楼瑶殿影,空照秦淮。

李煜

Explication du poème

Ce poème lyrique fut composé durant la captivité de Li Yu après sa reddition aux Song. Après la chute des Tang du Sud, Li Yu fut emmené captif à Bianjing, perdant sa dignité impériale pour devenir prisonnier. Bien que physiquement présent à la cour des Song, son âme errait sans cesse parmi les splendeurs passées de son royaume perdu. Ce poème exprime avec une intensité poignante la nostalgie des fastes disparus et l'amertume de sa condition présente, révélant une résignation tragique face au destin. Ces "chants d'un royaume défunt", comme on appela ses œuvres sous les Song, doivent précisément leur puissance émotionnelle intemporelle à cette douleur authentique.

Première partie : « 往事只堪哀,对景难排。秋风庭院藓侵阶。一任珠帘闲不卷,终日谁来? »
Wǎngshì zhǐ kān āi, duì jǐng nán pái. Qiūfēng tíngyuàn xiǎn qīn jiē. Yī rèn zhūlián xián bù juǎn, zhōngrì shéi lái?
Le passé n'offre que deuil,
Nul paysage n'apaise.
Vent d'automne dans la cour, mousse envahit les marches.
Rideaux de perles obstinément baissés,
Qui donc viendrait en ce jour?

Dès l'ouverture, le poète établit le ton mélancolique. "Vent d'automne" et "mousse" peignent une décadence physique et spirituelle, tandis que les "rideaux baissés" symbolisent son isolement existentiel. L'interrogation finale "qui viendrait?" sonne comme un constat désabusé de son abandon.

Deuxième partie : « 金锁已沉埋,壮气蒿莱。晚凉天净月华开。想得玉楼瑶殿影,空照秦淮。 »
Jīnsuǒ yǐ chén mái, zhuàngqì hāolái. Wǎn liáng tiān jìng yuèhuá kāi. Xiǎng dé yùlóu yáodiàn yǐng, kōng zhào Qínhuái.
Les chaînes d'or gisent au fond des eaux,
L'ardeur d'antan sous les herbes folles.
Fraîcheur vespérale, ciel pur, clarté lunaire.
Je songe aux reflets des tours de jade,
Vainement illuminant la rivière Qinhuai.

La métaphore des "chaînes d'or submergées" évoque la puissance militaire disparue. La soudaine clarté lunaire contraste avec l'obscurcissement de sa destinée, tandis que les "tours de jade" fantomatiques reflétées dans la rivière matérialisent l'irréalité de ses souvenirs face à la réalité présente.

Analyse approfondie

L'œuvre déploie une structure en miroir douloureux : la première partie décrit l'isolement physique actuel, la seconde transpose cette solitude dans le domaine mémoriel. Le mouvement circulaire entre présent désolé ("mousse envahissante") et passé idéalisé ("tours de jade") crée une tension poignante, culminant dans l'image des reflets vains sur la rivière - symbole ultime de l'inaccessibilité du passé.

Spécificités stylistiques

  1. Dialectique du déclin : Chaque image positive (clarté lunaire, tours de jade) est immédiatement contredite (reflets vains, herbes folles).
  2. Économie symbolique : Les "rideaux de perles" fermés condensent à eux seuls tout un univers de repli sur soi.
  3. Perspective inversée : La rivière Qinhuai, habituellement symbole de vie, devient ici miroir de l'absence.
  4. Rythme brisé : Les vers courts et saccadés miment les soubresauts de la pensée nostalgique.

Éclairages

Le destin de Li Yu, de monarque à captif, incarne la vanité des gloires terrestres. Son œuvre, transcendant son drame personnel, offre une méditation universelle sur l'impermanence. La "mousse envahissante" et les "chaînes submergées" nous rappellent que toute puissance finit par s'effacer devant le temps. Ce poème enseigne que la vraie grandeur réside peut-être dans la capacité à transformer sa douleur en beauté durable - ce que Li Yu accompli avec une maîtrise inégalée.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Li Yu

Li Yu (李煜) (937 - 978 AD), empereur de la dynastie des Tang du Sud, était un artiste aux multiples talents, doué pour la calligraphie et la peinture, pour la poésie et les textes, et pour la musique. Ses poèmes, en particulier ceux de la fin de sa vie, exprimaient principalement ses sentiments uniques face à la vie, la tristesse de perdre son pays, le chagrin de ne pas pouvoir maîtriser sa propre vie, le vide et la désillusion de son destin, ainsi que la tristesse et le désespoir de sa vie.

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