En exil I de Su Shi

zong bi san shou i
Solitaire, je suis au lit, indisposé;
Ma barbe blanche éparse flotte au vent gelé.
Mon fils s’étonne de me trouver rajeuni,
Sans savoir que de vin je deviens cramoisi.

Poème chinois

「纵笔三首 · 其一」
寂寂东坡一病翁,白须萧散满霜风。
小儿误喜朱颜在,一笑哪知是酒红

苏轼

Explication du poème

Ce poème fut composé en 1099, alors que Su Shi approchait de sa troisième année d'exil à Danzhou. Depuis son départ de Huizhou en 1097, relégué au poste subalterne de préfet adjoint de Qiongzhou dans cette contrée reculée de Hainan, le poète, alors âgé de soixante-quatre ans, souffrait de problèmes de santé et endurait des conditions de vie difficiles. Pourtant, même dans cette région sauvage, il continua d'écrire inlassablement, utilisant la poésie comme exutoire, démontrant ainsi l'indomptable esprit et l'humour philosophique d'un grand lettré face à l'adversité. Ce bref poème, "Malade", reflète à la fois son épuisement physique et mental et sa capacité à l'auto-dérision, mêlant solitude, vieillesse et maladie à une touchante dose d'humour et de tendresse.

Premier distique : « 寂寂东坡一病翁,白须萧散满霜风。 »
Jì jì Dōngpō yī bìng wēng, bái xū xiāo sǎn mǎn shuāng fēng.
Solitaire, Dongpo, un vieillard malade,
Barbe blanche éparse, balayée par le vent givré.

Se désignant comme "vieillard malade", le poète décrit son déclin physique et son isolement. L'adverbe "solitaire" intensifie le sentiment d'éloignement de sa terre natale et de ses proches. "Barbe blanche" et "vent givré" peignent une image saisissante de vieillesse et de maladie, empreinte de mélancolie. L'auto-référence à "Dongpo" (son nom de plume) crée un poignant contraste entre sa gloire passée et son exil présent. Pourtant, malgré la maladie, il ne se plaint pas ; malgré l'âge, il ne baisse pas la tête - "balayée par le vent givré" dégage même une certaine fierté stoïque.

Second distique : « 小儿误喜朱颜在,一笑哪知是酒红。 »
Xiǎo ér wù xǐ zhū yán zài, yī xiào nǎ zhī shì jiǔ hóng.
Mon jeune fils, se méprenant, se réjouit de mes joues roses -
Mon sourire lui révèle qu'il ne s'agit que des rougeurs du vin.

Le ton devient ici tendre et humoristique. Le fils du poète, Su Guo, voyant le teint coloré de son père, croit à un signe de guérison. Mais le poète, trouvant un réconfort précaire dans le vin, sait que cette apparence de santé n'est qu'illusion. Le "sourire" est riche de significations : affection paternelle, résignation, auto-dérision, et cette capacité typiquement su-shienne à trouver de la légèreté même dans la souffrance. Le poète fusionne ainsi la réalité de la vieillesse malade avec la chaleur familiale, montrant qu'il peut garder son esprit libre malgré les épreuves.

Lecture globale

Bien que bref (quatre vers seulement), ce poème condense une profonde mélancolie tempérée d'humour. Les deux premiers vers dépeignent le déclin physique et l'isolement ; les deux derniers, à travers une interaction familiale, introduisent une douce illusion née du vin. On y lit à la fois la tragédie politique d'une époque troublée et la tendresse d'un moment domestique ; à la fois l'auto-ironie et un réalisme poignant, reflétant un esprit attristé mais lucide, vieilli mais toujours serein. La progression émotionnelle - de l'amertume à une certaine chaleur - illustre la force spirituelle inaltérable de Su Shi.

Spécificités stylistiques

Le poème excelle dans l'art du contraste : entre les atmosphères des deux distiques ("vent givré" vs "joues roses"), entre "vieillard malade" et "jeune fils", entre réalité et illusion. Le langage, d'une simplicité conversationnelle, est pourtant chargé d'une émotion authentique, mêlant observation réaliste et profonde sensibilité. L'humour atténue la douleur sans la nier, révélant le style tardif de Su Shi - une plume toujours alerte et un esprit serein malgré les épreuves.

Éclairages

Ce poème nous montre comment Su Shi, même vieillissant et exilé dans une région sauvage, utilisait l'humour tendre pour affronter l'adversité. Sa sérénité et sa lucidité ne sont pas seulement des qualités littéraires, mais l'expression d'une sagesse existentielle. Face à l'infortune, il ne gémit ni ne capitule, préférant transformer ses "rougeurs du vin" en faux signe de santé et sourire de la méprise de son fils. Cette attitude nous encourage à trouver, dans nos propres difficultés, la force de sourire et la clairvoyance philosophique. La poésie de Su Shi incarne une esthétique de la résilience qui transcende la souffrance.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Su Shi

Su Shi (苏轼), 1036 - 1101 après J.-C., originaire de la ville de Meishan, dans la province du Sichuan, était un écrivain talentueux de la dynastie des Song du Nord. Il était très doué pour la poésie, la prose et la fugue.

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