À la porte de la ville je vis,
Il y a un seul saule fané ici.
Quand on vient après moi,
Il n’y aurait plus d’arbres d’autrefois.
Poème chinois
「孟城坳」
王维
新家孟城口,古木余衰柳。
来者复为谁?空悲昔人有。
Explication du poème
Bien que les circonstances précises de la composition de ce poème restent inconnues, son contenu suggère fortement que le poète traversait alors une période de transition intérieure ou de profonde solitude. Ayant emménagé à l'entrée de Mengcheng - un lieu aux vestiges historiques situé dans la vallée de Wangchuan - le poète, confronté à un environnement délabré où ne subsistaient que de vieux arbres et des saules dépérissants, se laisse gagner par une profonde méditation sur le flux temporel et les vicissitudes humaines. Ce cadre naturel devient le miroir de sa solitude et de sa réflexion nostalgique sur le passé.
Premier couplet : « 新家孟城口,古木余衰柳。 »
Xīn jiā mèng chéng kǒu, gǔ mù yú shuāi liǔ.
Ma nouvelle demeure à l'entrée de Mengcheng,
Où ne persistent que vieux arbres et saules déclinants.
L'expression "nouvelle demeure" situe le contexte géographique, tandis que la mention des "vieux arbres" et "saules déclinants" peint un paysage de décadence. Cette description dépouillée, au-delà de sa dimension naturaliste, symbolise la mélancolie intérieure du poète et transmet au lecteur toute la mélancolie historique du lieu.
Deuxième couplet : « 来者复为谁?空悲昔人有。 »
Lái zhě fù wéi shuí? Kōng bēi xī rén yǒu.
Qui seront les futurs habitants ?
Vaine tristesse pour les anciens occupants.
Ces vers développent une méditation sur la cyclicité temporelle. La question rhétorique souligne l'impermanence des résidents successifs, transformant la mélancolie personnelle en réflexion universelle sur la précarité existentielle. Le poète transcende ici l'observation naturelle pour atteindre une compréhension philosophique de la fragilité humaine.
Lecture globale
Ce poème concis (20 caractères seulement) condense une profondeur philosophique remarquable. La description initiale du paysage déclinant - vieux arbres et saules moribonds - devient métaphore du temps destructeur. Le poète évite cependant le pathos stérile : sa question "Qui seront les futurs habitants ?" élève la contemplation personnelle à une réflexion sur les cycles historiques, révélant sa perspicacité face aux mécanismes du destin.
Spécificités stylistiques
Ce poème condense une méditation philosophique en quelques traits. L'image des "saules flétris sur un vieil arbre" (古木余衰柳) devient une métaphore du temps destructeur, où le verbe "rester" (余) suggère autant la survie que la résistance. L'interrogation "Qui viendra ensuite ?" (来者复为谁) dépasse le constat mélancolique pour questionner la transmission historique.
Avec une économie de moyens remarquable, le poète transforme des éléments naturels en concepts : chaque mot fonctionne comme un cristal qui réfracte plusieurs niveaux de sens. Cette écriture alliant concision classique et profondeur spéculative fait la singularité de l'auteur.
Éclairages
Ce poème enseigne que les paysages les plus humbles recèlent des leçons philosophiques. Face à la décadence et au changement perpétuel, il propose une attitude de lucidité détachée - ni nostalgie excessive des gloires passées, ni crainte des difficultés présentes. En comparant les cycles humains aux mutations naturelles, il invite à accepter l'impermanence comme loi universelle, tout en valorisant une existence authentique dans l'instant.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong
À propos du poète
Wang Wei (王维), 701 - 761 après J.-C., était originaire de Yuncheng, dans la province de Shanxi. Ses poèmes de paysages et d'idylles, aux images d'une grande portée et aux significations mystérieuses, ont été largement appréciés par les lecteurs des générations suivantes, mais Wang Wei n'est jamais vraiment devenu un homme de paysages et d'idylles.