Est-ce que deux branches en fleur
Pourraient souffrir la défloraison?
Le miroir mouillé de mes pleurs
Connaît-il la belle saison?
Poème chinois
「春望词四首 · 其四」
薛涛
那堪花满枝,翻作两相思。
玉箸垂朝镜,春风知不知。
Explication du poème
Ce quatrième et ultime volet des "Vues Printanières" de Xue Tao couronne le cycle par une symphonie printanière en mineur. Composé dans la solitude éclairée de la Rivière aux Fleurs Lavées, il transforme l'abondance florale en miroir d'une âme esseulée, portant à son paroxysme l'art subtil de la mélancolie féminine.
Premier distique : « 那堪花满枝,翻作两相思。 »
Nà kān huā mǎn zhī, fān zuò liǎng xiāngsī.
Comment supporter ces branches alourdies de fleurs, Qui ne font qu'exalter la nostalgie à deux versants ?
L'exclamation inaugurale "那堪" (comment supporter) frappe comme un coup de tonnerre lyrique. La profusion florale ("branches alourdies") devient paradoxalement fardeau, tandis que "nostalgie à deux versants" évoque à la fois l'absence de l'aimé et la dualité déchirante de la poétesse elle-même. Une alchimie où la beauté se mue en souffrance.
Second distique : « 玉箸垂朝镜,春风知不知。 »
Yù zhù chuí zhāo jìng, chūnfēng zhī bù zhī.
Perles de jade tombant devant le miroir matinal, Brise printanière, sais-tu, ne sais-tu pas ?
L'image des "perles de jade" (larmes) cristallise toute l'élégance désolée de Xue Tao. La question finale à la brise - entre supplication et résignation - résonne comme un haïku chinois, où l'interpellation du vent matérialise le dialogue impossible avec l'absent. Le miroir, témoin muet, ajoute une dimension narcissienne à cette scène intime.
Lecture globale
Ce poème opère une inversion magistrale des codes poétiques : la luxuriance printanière ("branches alourdies") y devient agent de souffrance plutôt que de joie. Xue Tao pousse ici à son comble l'oxymore entre plénitude naturelle et vide affectif, entre beauté objective et douleur subjective. La question finale, suspendue entre deux mondes, fait du vent le confident ultime d'une âme sans écho.
Spécificités stylistiques
- Paradoxe sensoriel : La surcharge visuelle ("branches alourdies") contraste avec la légèreté tactile ("brise")
- Métamorphose symbolique : Les larmes ("perles de jade") deviennent bijoux d'une royauté solitaire
- Interrogation cosmique : La personnification du vent crée une tension métaphysique
- Rythme binaire : Les distiques épousent la dualité déchirante du sujet (plénitude/vide, savoir/ignorance)
Éclairages
Ce poème final dépasse la simple complainte amoureuse pour atteindre une méditation existentielle. La question "sais-tu, ne sais-tu pas ?" résonne comme une variation orientale du "Y a-t-il quelqu'un ?" de Van Gogh. Xue Tao y invente une langue universelle pour l'isolé - où la nature devient à la fois bourreau et confesseur, miroir et écho. Une leçon sublime : parfois c'est dans l'interrogation sans réponse que réside la plus profonde poésie. Le vent ne répondra pas, mais la question, portée par douze siècles, continue de nous hanter.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong(许渊冲)
À propos du poète
Xue Tao (薛涛), vers 768 - 832, était une poétesse de la dynastie Tang, originaire de Xi'an, dans la province de Shaanxi. Elle vivait à Chengdu, près du ruisseau de la fleur de raton laveur. Elle était douée pour la poésie et nombre de ses poèmes étaient consacrés à des objets, exprimant ses caractéristiques émotionnelles de recherche de la pureté et de la pureté.