Un reve printanier de Cen Can

chun meng cen can
Le vent printanier envahissant mon boudoir
M’a rappelé ma Belle au bord de l’eau hier soir.
Quoique l’entrevue sur mon oreiller soit brève,
J’ai parcouru des milliers de lieues dans mon rêve.

Poème chinois:

「春梦」
洞房昨夜春风起,故人尚隔湘江水。
枕上片时春梦中,行尽江南数千里。

岑参

Explication du poème:

Ce poème est une œuvre du poète de la dynastie Tang, Cen Can. Contrairement à de nombreux poèmes de son époque célébrant les exploits militaires ou les vastes paysages, ce poème-ci est une pièce délicate et intime, appartenant au genre des poèmes de pensées féminines (闺思诗). Il donne voix à une femme qui, à travers ses rêves et ses pensées printanières, exprime une profonde nostalgie pour un être cher éloigné. L’émotion sincère, la langue gracieuse et le style délicat confèrent à ce poème une beauté unique.

Premier couplet : “洞房昨夜春风起,故人尚隔湘江水。”
La nuit dernière, une brise printanière a effleuré la chambre close ; soudain, j’ai réalisé que le printemps était déjà là, et mes pensées se sont envolées vers cet être cher encore séparé de moi par les eaux de la rivière Xiang.
Ce premier couplet évoque une nuit de printemps empreinte de mélancolie. La brise douce entre dans la chambre, apportant la fraîcheur du renouveau, tout en réveillant le flot des pensées de la protagoniste pour l’être cher qui demeure loin, de l’autre côté de la rivière Xiang. Le printemps, saison des retrouvailles, contraste cruellement avec l’absence persistante. Cette opposition entre la saison pleine de vie et la solitude actuelle intensifie la douleur de la séparation. Le souffle du printemps apporte non seulement la vitalité, mais aussi une tristesse diffuse.

Deuxième couplet : “枕上片时春梦中,行尽江南数千里。”
Dans un bref sommeil, un rêve printanier m’a emportée ; en un instant, j’ai parcouru des milliers de lis à travers le Jiangnan, cherchant cet être cher.
Ce deuxième couplet décrit une rencontre dans le rêve. Obsédée par la pensée de l’être aimé, cette nostalgie irrépressible se transforme en un songe où la protagoniste franchit en un instant montagnes et rivières pour atteindre les terres lointaines du Jiangnan. Ce contraste entre la brièveté du rêve et l’immensité de la distance parcourue reflète la profondeur de son attachement et la nature illusoire de cette consolation onirique. Le rêve, vecteur de l’espoir et du désir, relie subtilement la séparation physique et la passion intérieure, imprégnant le poème d’une intense charge poétique.

Analyse globale:

Ce poème tisse harmonieusement des images évocatrices : la brise printanière, la chambre close, la rivière Xiang et les paysages du Jiangnan. Il entremêle la douceur printanière avec les pensées mélancoliques d’une femme esseulée, créant une scène à la fois tendre et poignante. Les deux premiers vers décrivent comment la brise printanière éveille doucement les souvenirs enfouis, tandis que les deux derniers vers transposent cette nostalgie dans un rêve où les distances sont abolies. Ce passage constant entre réalité et illusion, entre l’éveil et le songe, exprime avec délicatesse l’intensité de la séparation et la beauté éphémère des retrouvailles rêvées. La langue, élégante et raffinée, révèle une émotion sincère et profondément touchante. Ce poème montre ainsi une facette tendre et gracieuse rarement associée à Cen Can, tout en reflétant les thèmes récurrents des poèmes féminins de la dynastie Tang.

Caractéristiques stylistiques:

  1. Un style doux et élégant : Contrairement à de nombreux poèmes masculins de l’époque, ce poème adopte un ton féminin délicat, avec une langue subtile et nuancée.
  2. La combinaison du réel et de l’imaginaire : L’alternance entre la chambre réelle et le voyage onirique crée une dynamique vivante entre rêve et réalité.
  3. Des sauts spatio-temporels : Le contraste entre un court instant de rêve et un voyage de plusieurs milliers de lis renforce la profondeur du sentiment.
  4. Une fusion entre paysage et émotion : La brise printanière, la rivière Xiang et le Jiangnan ne sont pas de simples décors, mais participent activement à l’expression de la nostalgie.

Réflexion:

Ce poème nous enseigne que la véritable nostalgie transcende les distances et le temps. Même séparés par mille montagnes et rivières, ceux qui s’aiment finissent toujours par se retrouver, au moins dans leurs rêves. Ce "rêve" n’est pas une simple illusion, mais une prolongation de la pensée amoureuse, un espace où le désir et l’absence trouvent une forme de consolation. L’habileté de Cen Can à mêler la brise printanière, les rêves fugitifs et la quête à travers les paysages lointains offre une richesse poétique qui servira de modèle à de nombreux poèmes féminins ultérieurs. À travers ce chef-d’œuvre, Cen Can, poète connu pour ses scènes épiques, nous rappelle que peu importe la grandeur des paysages ou la rudesse de la vie, les attachements les plus profonds restent ceux du cœur.

Traducteur de poésie:

Xu Yuan-chong(许渊冲)

À propos du poète:

Cen Can

Cen Shen, 715 – 770 après J.-C., était originaire de Jingzhou, dans la province de Hubei. Dans sa jeunesse, il a étudié au mont Songshan, puis s’est rendu à Pékin, Luoyang et Shuohe. Cen Shen était célèbre pour ses poèmes frontaliers, dans lesquels il décrivait les paysages frontaliers et la vie des généraux d’une manière majestueuse et pleine d’entrain. Avec Gao Shi, il était un représentant exceptionnel de l’école de poésie frontalière de la dynastie Sheng Tang. Il a servi dans le bureau de Feng Changqing et a acquis une profonde expérience de la vie à la frontière.

Total
0
Shares
Prev
Le village riverain
jiang cun ji shi

Le village riverain

Après la pêche on n’attache pas son bateau;On se couche avec la lune au bord de

Next
Sur la rivière Han
jiang han

Sur la rivière Han

Errant nostalgique sur la rivière,Je suis un lettré entre ciel et terre

You May Also Like