Descendre le Zhongnan et passer chez le Reclus Husi de Li Bai

xia zhong nan shan guo hu si shan ren su zhi jiu
Au soir descendant des monts d'émeraude,
La lune des cimes avec moi s'en retourne.
Je regarde en arrière le sentier parcouru,
Bleuâtre, il traverse l'azur des forêts.

Ensemble nous arrivons à sa maison des champs,
Un enfant ouvre la porte de branchages.
Un chemin ombreux s'enfonce dans le bambou vert,
Les glycines légères effleurent nos habits.

En joyeux propos nous trouvons le repos,
Le vin exquis coule à pleins gestes.
Nous chantons longtemps au vent dans les pins,
Les chants finis, l'Étoile du Fleuve pâlit.

Moi ivre, et vous en joie encore,
Ensemble, oublieux, nous goûtons l'extase.

Poème chinois

「下终南山过斛斯山人宿置酒」
暮从碧山下,山月随人归。
却顾所来径,苍苍横翠微。
相携及田家,童稚开荆扉。
绿竹入幽径,青萝拂行衣。
欢言得所憩,美酒聊共挥。
长歌吟松风,曲尽河星稀。
我醉君复乐,陶然共忘机。

李白

Explication du poème

Ce poème fut composé lorsque Li Bai servait comme Académicien à la cour de Chang'an (vers 744). Bien que proche du pouvoir impérial, il se sentait frustré dans ses idéaux et éprouvait un ennui croissant face aux contraintes et à l'hypocrisie de la vie bureaucratique. Cette visite nocturne relatée dans le poème n'est pas seulement une promenade en montagne, mais un retour spirituel de la cour impériale aux champs et jardins, exprimant sa profonde aspiration à des relations humaines simples et à un état d'existence libre.

Premier couplet : « 暮从碧山下,山月随人归。 »
Mù cóng bì shān xià, shān yuè suí rén guī.
Au crépuscule, je descends de la montagne verte, La lune des montagnes m’accompagne au retour.

Dès l'ouverture, se dessine une harmonie entre l'homme et la nature. « La lune des montagnes m’accompagne » personnifie la lune avec tendresse : elle n'est pas seulement un éclairage, mais une compagne complice, suggérant le réconfort trouvé après s'être éloigné du tumulte du monde.

Deuxième couplet : « 却顾所来径,苍苍横翠微。 »
Què gù suǒ lái jìng, cāng cāng héng cuì wēi.
Je me retourne sur le sentier parcouru : Dans l'immensité bleutée, une brume d'azur s'étend.

Le geste de se retourner est lourd de sens. « Le sentier parcouru » symbolise la carrière officielle ou la vie mondaine quittée, tandis que la beauté vaporeuse de « la brume d'azur » signifie qu'avec la distance, les tracas passés se purifient, révélant une beauté transcendante. C'est à la fois un paysage réel et le reflet d'une transformation intérieure.

Troisième couplet : « 相携及田家,童稚开荆扉。 »
Xiāng xié jí tián jiā, tóng zhì kāi jīng fēi.
Main dans la main nous arrivons à la maison des champs ; Un enfant joyeux ouvre la porte de branchages.

La « porte de branchages » est un symbole classique de la vie d'ermite. Le détail de l'enfant accueillant l'hôte, exempt de toute contrainte mondaine, déborde d'une chaleur et d'une confiance naturelles, révélant une humanité simple non corrompue par l'utilitarisme.

Quatrième couplet : « 绿竹入幽径,青萝拂行衣。 »
Lǜ zhú rù yōu jìng, qīng luó fú xíng yī.
Les bambous verts s'engagent sur l'allée ombragée, Les volubiles vertes effleurent nos vêtements.

Ces deux vers dépeignent avec délicatesse l'environnement de la demeure. « Bambous verts » symbolisent la noblesse, « volubiles vertes » évoquent la saveur champêtre. Les verbes « s'engagent » et « effleurent » créent une interaction intime entre le paysage et le promeneur, faisant ressentir la sérénité du lieu et l'élégance de l'hôte.

Cinquième couplet : « 欢言得所憩,美酒聊共挥。 »
Huān yán dé suǒ qì, měi jiǔ liáo gòng huī.
Dans l'allégresse de nos paroles, nous trouvons le repos ; Du vin délicat, à pleines mains, nous le partageons.

« Trouver le repos » ne désigne pas seulement le repos physique, mais aussi celui de l'âme trouvant asile auprès d'un ami et de la nature. Le verbe « partager à pleines mains » est vivant et expressif, dépeignant l'ardeur sans contrainte, l'abandon libre des buveurs.

Sixième couplet : « 长歌吟松风,曲尽河星稀。 »
Cháng gē yín sōng fēng, qū jìn hé xīng xī.
Nous chantons à plein cœur, au vent dans les pins ; Le chant achevé, la Rivière céleste pâlit, les étoiles s'éclaircissent.

Ce couplet porte la joie à son apogée. « Chanter au vent dans les pins » fusionne la voix humaine avec la symphonie de la nature, incarnant l'union du Ciel et de l'Homme. Du crépuscule à « la Rivière céleste pâlit », l'écoulement du temps semble léger et merveilleux dans la communion joyeuse, suggérant l'oubli du temps dans l'allégresse partagée.

Septième couplet : « 我醉君复乐,陶然共忘机。 »
Wǒ zuì jūn fù lè, táo rán gòng wàng jī.
Ivresse est mienne, joie est vôtre, Enchantés ensemble, nous oublions toute ruse.

La conclusion révèle le thème essentiel. « Oublier toute ruse » puise sa source dans le Zhuangzi, signifiant l'abandon des calculs intéressés et le retour à l'authenticité naturelle. Ce n'est pas seulement l'état d'ivresse, mais l'état suprême de l'existence que le poète recherche – la libération et l'émancipation spirituelle totale dans la communion avec l'ami et la nature.

Analyse globale

Ce poème relate intégralement un parcours spirituel allant « sortir de la poussière du monde » à « entrer dans la vie » (un autre sens de « vie », celle de la simplicité rustique). Structuré par le fil du temps et le déplacement, le poème progresse de la descente, du regard en arrière, de la visite, du cheminement, de la beuverie joyeuse, des chants jusqu'à l'ivresse et l'oubli. L'émotion évolue de la sérénité joyeuse à l'exaltation transcendante. Li Bai élève une simple visite nocturne en une représentation artistique d'un mode de vie idéal, infusant dans un langage d'une simplicité presque familière une profondeur philosophique et une quête esthétique.

Caractéristiques stylistiques

  • Rythme narratif pictural : Les vers suivent naturellement les pas et le regard du poète, formant une suite d'images cohérente et vivante, comme si le lecteur accomplissait la promenade nocturne.
  • Expression émotionnelle entre réel et imaginaire : Le poème mêle des descriptions réelles (« bambous verts », « volubiles vertes ») et des évocations intangibles (« la lune accompagne », « enchantés, oublier toute ruse »), le réel suscitant l'émotion, l'émotion illuminant le réel, en une unité harmonieuse.
  • Langage simple d'une authenticité profonde : D'une fraîcheur et d'une simplicité sans affectation, le langage saisit avec précision les traits du paysage et les fluctuations intérieures, atteignant l'idéal artistique de « la fleur de lotus émergeant de l'eau claire, ornement naturel sans artifice ».

Éclairage

Dans notre monde contemporain saturé de « ruse » et d'efficacité, ce poème agit comme un baume rafraîchissant. Il nous rappelle que le vrai bonheur et la paix résident souvent dans les échanges sincères avec des personnes partageant nos affinités, et dans le dialogue silencieux avec la nature. L'« oubli de toute ruse » prôné par Li Bai n'est pas une fuite passive, mais un choix actif d'une attitude de vie plus authentique, moins calculatrice. Il nous enseigne qu'au-delà des luttes nécessaires, il faut se réserver un jardin spirituel où l'on peut encore « chanter à plein cœur, au vent dans les pins », pour y retrouver la vitalité et la capacité à percevoir le bonheur.

Traducteur de poésie

Xu Yuan-chong(许渊冲)

À propos du poète

Li Bai

Li Bai (李白), 701 - 762 apr. Li Bai a porté la poésie chinoise classique, en particulier la poésie romantique, à son apogée et a influencé des générations de lettrés exceptionnels dans le passé et le présent grâce à ses remarquables réalisations.

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