Le saule au vent embaume la taverne de flocons.
L’hôtelière nous invite à goûter le vin bon.
Mes jeunes amis viennent me faire leur adieu
Nous vidons tous nos coupes de vin délicieux.
Demandez au fleuve coulant à l’horizon
Si son regret d’adieu ou le nôtre est plus profond.
Poème chinois
「金陵酒肆留别」
李白
风吹柳花满店香,吴姬压酒劝客尝。
金陵子弟来相送,欲行不行各尽觞。
请君试问东流水,别意与之谁短长?
Explication du poème
Ce poème fut composé par le jeune Li Bai lors de ses voyages, alors qu'il quittait Jinling (actuelle Nanjing). Il reflète l'élégance débridée et l'enthousiasme juvénile du poète dans ses jeunes années, fusionnant parfaitement la fougue de la jeunesse, la sincérité de l'amitié et la mélancolie légère de l'adieu.
Premier couplet : « 风吹柳花满店香,吴姬压酒劝客尝。 »
Fēng chuī liǔ huā mǎn diàn xiāng, Wú Jī yā jiǔ quàn kè cháng.
Le vent printanier emporte les chatons de saule, la taverne embaume ;
La serveuse du Wu presse le vin nouveau, engageant les hôtes à y goûter.
Cette ouverture dépeint une scène pleine de dynamisme et de vie. « Chatons de saule » évoque la fin du printemps, apportant une ambiance poétique tout en suggérant l'adieu par leur nature volatile. « La taverne embaume » est merveilleux : c'est l'arôme des chatons, du vin, mais aussi l'atmosphère printanière et festive du Jiangnan. « Presser le vin » désigne le processus de filtration du vin nouveau, détail riche de réalisme, restituant la beauté des coutumes locales et des relations humaines.
Deuxième couplet : « 金陵子弟来相送,欲行不行各尽觞。 »
Jīnlíng zǐdì lái xiāng sòng, yù xíng bù xíng gè jìn shāng.
Les jeunes gens de Jinling viennent me dire adieu ;
Celui qui part et ceux qui restent vident leurs coupes, sans pouvoir se séparer.
Ce distique capture l'attitude la plus touchante de l'instant de l'adieu. « Celui qui part et ceux qui restent » dépeint avec précision l'hésitation entre le départ physique et la réticence du cœur. Toute l'affection et les regrets se transforment en l'action héroïque et silencieuse de « vider leurs coupes ». Pas de larmes, seulement une beuverie franche ; l'amitié juvénile paraît d'autant plus ardente et pure dans le vin.
Troisième couplet : « 请君试问东流水,别意与之谁短长? »
Qǐng jūn shì wèn dōngliú shuǐ, bié yì yǔ zhī shuí duǎn cháng?
Je vous prie de demander aux eaux qui coulent vers l'est :
Le chagrin de l'adieu et leur cours, lequel est plus long ?
Le poète conclut ses sentiments par le paysage devant lui, comparant le chagrin d'adieu abstrait et intangible au « fleuve Bleu » concret, infini et éternel. Cette question, naïve et héroïque, sans parler de la longueur des sentiments mais demandant « lequel est plus long », montre autant la profondeur de son affection que la vigueur de sa plume. Comme si ce chagrin d'adieu emplissait ciel et terre, sa profondeur et son poids dépassant la capacité du fleuve à le porter. La conclusion par le paysage laisse une résonance durable.
Analyse globale
Ce poème ressemble à un vif tableau des adieux au printemps dans le Jiangnan. En six vers seulement, il est clairement structuré : le premier distique décrit l'environnement, créant l'ambiance ; le deuxième décrit les personnages, capturant leurs attitudes ; le troisième exprime les sentiments à travers le paysage, portant l'émotion à son apogée. Le poète décrit le chagrin de l'adieu à travers une scène joyeuse, triste mais pas accablant, alliant nostalgie et grandeur, passion et liberté. Son émotion sincère et naturelle, son langage frais et vif, montrent pleinement les caractéristiques artistiques élégantes, radieuses et pleines d'allant des premières œuvres de Li Bai.
Caractéristiques stylistiques
- Un fort sentiment d'immersion : De « vent printanier emporte les chatons de saule » à « serveuse presse le vin » et « jeunes gens vident leurs coupes », la scène est vivante, les personnages vibrants, plongeant le lecteur dans l'atmosphère.
- Expression émotionnelle subtile et riche : Aucune plainte directe de « tristesse » ou de « regret », mais cette profonde nostalgie imprègne pleinement l'environnement, les actions et les métaphores ingénieuses.
- Conclusion ingénieuse, transformant le virtuel en réel : Sous forme de question-réponse, comparant l'intangible « chagrin d'adieu » au tangible « fleuve Bleu », donnant à l'émotion abstraite une sensation d'image majestueuse et une vitalité infinie, devenant un vers immortel.
Éclairages
Ce poème nous montre que l'adieu n'est pas toujours la tristesse de « se regarder les larmes aux yeux ». Il peut être, d'un temps béni, avec des gens partageant les mêmes idéaux, de la manière la plus franche, une virgule héroïque pour une amitié. Li Bai nous dit qu'une affection sincère peut transformer le chagrin de l'adieu en une expérience esthétique et puissante. Ce chagrin comparé au fleuve, n'est-il pas la plus profonde conviction de la longévité de l'amitié ? Cette largesse d'esprit et cet enthousiasme face à l'adieu sont précisément le reflet brillant de l'esprit de l'âge d'or des Tang dans une âme jeune.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong(许渊冲)
À propos du poète

Li Bai (李白), 701 - 762 apr. Li Bai a porté la poésie chinoise classique, en particulier la poésie romantique, à son apogée et a influencé des générations de lettrés exceptionnels dans le passé et le présent grâce à ses remarquables réalisations.