Laver de la Soie au Ruisseau de Li Jing

huan xi sha · han dan xiang xiao cui ye can
Le vent d’ ouest souffle la tristesse sur F eau,
Où le nénuphar, feuilles vertes, se flétrit.
Comme le temps ride un visage beau
Dont personne n’ est plus épris.

Jour de bruine, elle rêve du fort lointain
Et joue sur la flûte une mélodie glacée.
Lourde du poids des pleurs et du poids des chagrins,
Contre la balustrade elle reste accoudée.

Poème chinois

「浣溪沙 · 菡萏香销翠叶残」
菡萏香销翠叶残,西风愁起绿波间。还与韶光共憔悴,不堪看。
细雨梦回鸡塞远,小楼吹彻玉笙寒。多少泪珠何限恨,倚阑干。

曹松

Explication du poème

Composé à la fin de la dynastie des Tang du Sud, en plein déclin politique, ce ci fut écrit par l'empereur Li Jing lors d'un automne où les difficultés intérieures et extérieures accablaient son règne. Sous les traits d'une femme éplorée, le souverain déguise sa propre mélancolie et ses angoisses, créant ainsi une élégie automnale d'une profondeur subtile où paysage et état d'âme se confondent. À travers des descriptions minutieuses et une émotion authentique, se révèlent les tourments intérieurs du poète - accablement, tristesse raffinée et sentiment d'impuissance.

Première strophe : « 菡萏香销翠叶残,西风愁起绿波间。还与韶光共憔悴,不堪看。 »
Hàndàn xiāng xiāo cuì yè cán, xīfēng chóu qǐ lǜ bō jiān. Hái yǔ sháoguāng gòng qiáocuì, bùkān kàn.
Parfums de lotus évanouis, feuilles de jade flétries,
Le vent d'ouest soulève sa mélancolie entre les vagues vertes.
Avec les beaux jours passés, nous nous flétrissons ensemble -
Spectacle insoutenable.

Cette strophe ouvre sur une vision automnale : la disparition des parfums ("évanouis") et le flétrissement des feuilles ("de jade flétries") traduisent par synesthésie le déclin saisonnier et, métaphoriquement, l'effritement des splendeurs passées. Le vent d'ouest, messager automnal, se voit attribuer une conscience mélancolique ("soulève sa mélancolie") qui anime les éléments naturels. La culmination émotionnelle - "nous nous flétrissons ensemble" - opère une fusion pathétique entre le poète et les beautés défuntes, tandis que l'ultime "spectacle insoutenable" tombe comme un couperet, condensant en trois caractères toute la douleur du constat.

Deuxième strophe : « 细雨梦回鸡塞远,小楼吹彻玉笙寒。多少泪珠何限恨,倚阑干。 »
Xì yǔ mèng huí jī sāi yuǎn, xiǎo lóu chuī chè yù shēng hán. Duōshǎo lèizhū hé xiàn hèn, yǐ lángān.
Pluie fine, je reviens du rêve où la frontière semblait si lointaine,
Dans le pavillon, le chant de la flûte de jade glace jusqu'au bout.
Larmes sans nombre, rancœur sans limite,
Je m'appuie à la balustrade.

Ici, la transition du rêve ("je reviens du rêve") à la réalité est marquée par la pluie fine, élément classique de mélancolie. La "frontière lointaine" (鸡塞, littéralement "la passe du coq") évoque les guerres aux confins du territoire, sujet de préoccupation impériale. La flûte de jade, symbole de raffinement, se fait vecteur de froideur émotionnelle ("glace jusqu'au bout"), traduisant par synesthésie l'atmosphère de deuil intime. L'accumulation "larmes sans nombre, rancœur sans limite" donne voix à une douleur au-delà de toute mesure, avant que le geste ultime - "je m'appuie à la balustrade" - ne fige la scène dans une posture de désolation silencieuse, plus éloquente que tous les discours.

Lecture globale

Ce ci tisse des images telles que « paysage automnal », « rêve », « mélodies » et « pluie fine » pour créer une atmosphère de solitude et de douleur, déployant progressivement la détresse d’une femme en attente. La strophe supérieure, partant du paysage pour aller vers l’émotion, évoque le déclin des fleurs de lotus et le vent d’ouest porteur de chagrin, suggérant la fuite du temps et la disparition de la beauté ; la strophe inférieure plonge dans la réalité douloureuse au réveil, où les détails du pavillon, de la flûte de jade et des larmes soulignent la propagation de la mélancolie, pour finalement se figer dans le geste statique de « s’appuyer à la balustrade », cristallisant une scène d’une tristesse glaciale. Cette structure progressive, du paysage à l’émotion, du rêve à l’éveil, donne au ci une intensité croissante tant dans ses images que dans ses sentiments, révélant l’extraordinaire maîtrise artistique du poète.

un niveau plus profond, la « femme en attente » n’est pas simplement une figure féminine, mais une projection psychologique du poète lui-même. Li Jing, dernier souverain des Tang du Sud, fusionne dans ce ci la douleur de la perte du royaume, le soupir du loyaliste abandonné et son propre ressentiment, ce qui donne à l’œuvre, bien que de style wanyue (élégant et retenu), une profondeur historique et réaliste remarquable. Derrière les « parfums de lotus disparus » et le « vent d’ouest qui s’élève, chargé de chagrin », se devine le destin politique et la souffrance personnelle du poète.

Spécificités stylistiques

  • Fusion paysage-émotion, atmosphère profonde : L’émotion s’exprime à travers le paysage, et le paysage reflète l’émotion, comme dans « le vent d’ouest s’élève, chargé de chagrin, entre les vagues vertes » ou « la flûte de jade glacée », où l’abstraction des sentiments et la concrétude des images s’unissent parfaitement.
  • Alliage de réel et d’imaginaire, entrelacs de lointain et de proche : Du rêve des frontières lointaines à la réalité du pavillon, de la remémoration à la perception immédiate, le réel et l’imaginaire se répondent, enrichissant les dimensions spatiales et psychologiques.
  • Progression par strates, structure rigoureuse : Partant de « parfums évanouis, feuilles fanées » pour aboutir à « s’appuyer à la balustrade », l’émotion coule comme une rivière ininterrompue ; bien que l’expression soit indirecte, les niveaux sont clairs et l’émotion intense.
  • Langage sobre, retenu et suggestif : Aucune surcharge ornementale, mais chaque vers est puissant, alliant simplicité et maîtrise, franchise et profondeur.

Éclairages

Les œuvres qui touchent vraiment le cœur ne reposent pas sur des ornements linguistiques, mais sur une émotion authentique, des descriptions subtiles et un symbolisme profond. Li Jing, en tant que souverain d’un royaume perdu, utilise la figure de la femme en attente pour transmettre sa mélancolie, élevant ainsi un sentiment personnel en une expérience esthétique universelle. Ce ci ne reflète pas seulement une tristesse individuelle, mais aussi les vicissitudes d’une époque et la lamentation d’un destin. Dans la création artistique, ancrer l’émotion dans des paysages naturels et l’exprimer à travers des détails évocateurs et une fusion paysage-sentiment permet d’atteindre à la fois une profondeur émotionnelle et une élévation esthétique.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Li Jing (李璟, 916 - 961), originaire de Xuzhou dans le Jiangsu, fut le second souverain des Tang du Sud pendant la période des Cinq Dynasties, et le père de Li Yu. Seuls quatre de ses ci nous sont parvenus. Bien que médiocre dirigeant, il initia le style poétique des Tang du Sud, influençant directement Li Yu et contribuant à transformer le ci, d’un chant de musiciens, en un moyen d’expression lyrique pour les lettrés.

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