Pour moi-même de Li Bai

zi qian
Ivre de vin et de rayons lunaires,
De fleurs tombées je ne me soucie guère.
Eveillé, je longe le ruisseau,
Voyant peu de personnes et d’oiseaux.

Poème chinois

「自谴」
对酒不觉暝,落花盈我衣。
醉起步溪月,鸟还人亦稀。

李白

Explication du poème

Ce poème fut composé après une nuit de beuverie solitaire, exprimant l'état de grâce du poète enivré, baignant dans la sérénité de la nature nocturne. À travers la description du paysage nocturne, le poète dépeint à la fois la félicité de l'ivresse légère et une subtile mélancolie sous-jacente.

Premier couplet: « 对酒不觉暝,落花盈我衣。 »
duì jiǔ bù jué míng, luò huā yíng wǒ yī.
Devant le vin, insensible au crépuscule,
Les pétales tombés emplissent mes habits.

Le poète, absorbé par le plaisir du vin, ne remarque la tombée du jour qu'après coup. « Insensible au crépuscule » révèle l'ivresse heureuse, tandis que « les pétales tombés emplissent mes habits » peint une scène poétique où les fleurs, au gré du vent, couvrent ses vêtements - image à la fois belle et légèrement mélancolique.

Deuxième couplet: « 醉起步溪月,鸟还人亦稀。 »
zuì qǐ bù xī yuè, niǎo huán rén yì xī.
Ivre, je me lève et marche au clair de lune du ruisseau,
Les oiseaux sont rentrés, les hommes se font rares.

Dans son ivresse, le poète erre seul le long du ruisseau lunaire, dans un monde réduit au silence et à la compagnie de la lune. « Les oiseaux sont rentrés » suggère la profondeur de la nuit et le repos de la nature, tandis que « les hommes se font rares » accentue le sentiment de solitude. Ces vers créent une atmosphère à la fois paisible et éthérée, où l'on ressent presque la brise nocturne et la douceur lunaire sur l'eau.

Appréciation globale

Ce poème dépeint avec une sensibilité remarquable une scène d'ivresse solitaire sous la nuit étoilée. La structure binaire du poème reflète une subtile transition émotionnelle : des premiers vers décrivant la convivialité du banquet et la grâce des pétales tombants, on glisse vers une méditation plus introspective sous le clair de lune. Le génie de Li Bai réside dans sa capacité à transformer une simple scène de beuverie en une allégorie de la condition humaine - entre sociabilité joyeuse et inévitable solitude existentielle. Les images de pétales, de lune et d'oiseaux dormant créent une atmosphère à la fois sensuelle et métaphysique, typique de la poésie Tang à son apogée.

Traits stylistiques

  1. Economie verbale et puissance suggestive : En seulement vingt caractères, le poème construit un univers complet, passant du festin à la méditation nocturne.
  2. Jeu sur les contrastes : Opposition entre la chaleur du vin et la fraîcheur lunaire, entre l'abondance des pétales et la rareté des humains.
  3. Symbolisme naturel : Chaque élément (fleurs, lune, oiseaux) fonctionne à la fois comme description réaliste et comme symbole psychologique.
  4. Progression circulaire : Le poème s'ouvre et se referme sur des images de plénitude (vin/pétales puis lune/solitude), créant une impression d'achèvement.

Éclairages

Cette œuvre miniature offre une leçon de sagesse taoïste : savoir trouver l'équilibre entre jouissance mondaine et recueillement spirituel. Pour le lecteur contemporain, elle rappelle que les moments de solitude, loin d'être à redouter, peuvent devenir des espaces de liberté et de création. La modernité de ce poème réside dans son ambivalence - il célèbre aussi bien les plaisirs sociaux que la fécondité de l'isolement, anticipant ainsi notre propre tension entre vie connectée et besoin d'authentique présence à soi-même.

Traducteur de poésie

Xu Yuan-chong(许渊冲)

À propos du poète

Li Bai

Li Bai (李白), 701 - 762 apr. Li Bai a porté la poésie chinoise classique, en particulier la poésie romantique, à son apogée et a influencé des générations de lettrés exceptionnels dans le passé et le présent grâce à ses remarquables réalisations.

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