La Lune Vue dans la Montagne après la Pluie de Wen Tong

xin qing shan yue
Les pins tamisent les rayons lunaires,
Qui en dessinent l’ombre sur la terre.
Tant j'aime à flâner par-dessous les pins
Que je ne peux m’endormir à la fin.
Le vent plie les feuilles de lotus vertes;
Les montagnes de fruits tombés sont couvertes.
Qui va m’accompagner d’une chanson?
Le bois est tout plein de cris de grillon.

Poème chinois

「新晴山月」
高松漏疏月,落影如画地。
徘徊爱其下,及久不能寐。
怯风池荷卷,病雨山果坠。
谁伴予苦吟,满林啼络纬。

文同

Explication du poème

Ce poème fut composé durant la période où Wen Tong, célèbre peintre, poète et homme politique de la dynastie Song, vivait retiré dans les montagnes. Maître du bambou à l'encre, il excellait également dans l'art poétique. Entre les vicissitudes politiques, il trouvait refuge dans la nature, arpentant souvent seul les forêts et les sources au clair de lune. Ce poème capte la beauté d'une nuit lunaire après la pluie et l'état d'âme solitaire qu'elle inspire. Mariant le regard du peintre à la sensibilité du poète, Wen Tong fusionne la clarté lunaire avec ses émotions intimes, créant une œuvre où paysage et sentiment s'entrelacent en une résonance infinie.

Premier distique : « 高松漏疏月,落影如画地。 »
Gāo sōng lòu shū yuè, luò yǐng rú huà dì.
Les hauts pins laissent filtrer une lune clairsemée,
Leurs ombres tombent comme un lavis sur le sol.

D'emblée, le poète saisit la scène par le regard. Le verbe "filtrer" (漏) décrit avec précision la lumière lunaire traversant les branches, tandis que "comme un lavis" (如画) révèle l'œil du peintre, imprégnant la scène d'une beauté tranquille et épurée. Cette image nocturne devient une véritable composition picturale à l'encre.

Second distique : « 徘徊爱其下,及久不能寐。 »
Pái huái ài qí xià, jí jiǔ bù néng mèi.
Je m'attarde, épris de ce spectacle,
Si longtemps que le sommeil me fuit.

L'émotion se mêle au paysage : la beauté du clair de lune suscite une contemplation extatique. "Épris" (爱) exprime l'enchantement, tandis que "le sommeil me fuit" (不能寐) trahit à la fois l'émerveillement et une solitude sous-jacente. Le corps et l'esprit répondent à l'appel de la nuit.

Troisième distique : « 怯风池荷卷,病雨山果坠。 »
Qiè fēng chí hé juǎn, bìng yǔ shān guǒ zhuì.
Les lotus de l'étang, craintifs, se roulent contre le vent,
Les fruits des monts, malades de pluie, tombent.

La nature nocturne prend vie. Les termes "craintifs" (怯) et "malades" (病) personnifient les plantes, révélant la profonde symbiose du poète avec le monde naturel. Ces images évoquent aussi les intempéries précédentes, faisant ressortir par contraste la pureté retrouvée de cette nuit sereine.

Quatrième distique : « 谁伴予苦吟,满林啼络纬。 »
Shuí bàn yǔ kǔ yín, mǎn lín tí luò wěi.
Qui m'accompagne dans ce chant mélancolique ?
Seule la forêt pleure avec ses métiers à tisser.

La conclusion résonne d'une solitude partagée. Les insectes-tisserands (络纬), par leur chant obstiné, répondent aux vers du poète comme un chœur nocturne. "Chant mélancolique" (苦吟) dévoile l'état d'âme du poète, tandis que "la forêt pleure" (啼) crée une polyphonie où le silence et le bruissement s'équilibrent. Chaque strate du paysage - visuelle, auditive, émotionnelle - converge en une méditation vibrante.

​​Lecture globale​

Ce poème dépeint un paysage nocturne après la pluie dans les montagnes. L'ouverture avec "les pins laissant filtrer la lune" crée une atmosphère sereine et éthérée, tandis que la description de la promenade sous la clarté lunaire plonge le lecteur dans cette nuit rafraîchie. Les détails naturels - feuilles de lotus roulées par le vent, fruits tombés sous la pluie - révèlent la quiétude montagneuse tout en reflétant l'état d'âme du poète. La conclusion, où le chant des insectes répond aux murmures poétiques, mêle solitude et beauté artistique, formant un monde unique où homme, paysage et émotion ne font qu'un. Ce poème au dessin délicat, à la composition picturale, est une réincarnation lyrique typique du "clair de lune montagnard".

​​Spécificités stylistiques​

Cette œuvre incarne la fusion parfaite entre paysage et sentiment, entre poésie et peinture. Avec l'œil minutieux d'un artiste, le poète capture la lune filtrant à travers les pins, personnifiant la nature pour lui prêter des émotions. Les feuilles roulées et fruits tombés ne sont pas de simples changements saisonniers, mais l'expression de sa mélancolie intime. Le langage, simple et frais, crée un monde à la fois transparent et profond, où mouvement et immobilité s'équilibrent, où chants d'insectes et murmures poétiques se répondent, révélant une beauté élégante et vibrante de quiétude.

Éclairages

Ce poème nous rappelle que la poésie et l'esthétique naissent de l'observation sensible des changements naturels et de la projection d'émotions authentiques. À notre époque de rythmes effrénés et de perceptions émoussées, "Clair de lune sur les montagnes après l'ondée" nous invite à renouer ce dialogue profond avec la nature et notre for intérieur. Le poète, dans le silence universel, ne cherchant pas l'agitation mais accompagnant les insectes de ses murmures poétiques, montre une âme riche et apaisée - une leçon précieuse pour notre modernité.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Wen Tong​​ (文同, 1018-1079), originaire de Yanting dans le Sichuan, fut peintre et poète sous les Song du Nord. Reçu docteur en 1049, son style poétique alliait fraîcheur et simplicité. Cousin de Su Shi, leur influence artistique fut réciproque. Sa théorie sur "l'unité fondamentale de la poésie et de la peinture" inspira profondément l'esthétique lettrée.

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