Le perron d’or est bien balayé.
Blanche comme neige est la gelée.
Baissant le rideau, je joue de la musique,
La lune me rend mélancolique.
Poème chinois
「吴声子夜歌」
崔国辅
净扫黄金阶,飞霜皓如雪。
下帘弹箜篌,不忍见秋月。
Explication du poème
Ce poème des Tang, inspiré des chants populaires de Wu, appartient au genre des "plaintes du gynécée". Cui Guofu, reprenant la mélodie traditionnelle des "Chansons de Minuit", dépeint une femme seule dans le silence nocturne. Mêlant descriptions réalistes et tourments intérieurs, l'œuvre incarne l'élégance caractéristique et la profondeur émotionnelle de la poésie palatiale tang.
Premier distique : « 净扫黄金阶,飞霜皓如雪。»
jìng sǎo huángjīn jiē, fēi shuāng hào rú xuě.
Le perron doré nettoyé avec soin,
Le givre voltigeant, éclatant comme neige.
Cette strophe d'ouverture plante un décor nocturne et glacé. Le "perron doré" (黄金阶) symbolise le faste de la cour, tandis que le "givre éclatant" (飞霜皓) crée une atmosphère de pureté mélancolique, reflétant la solitude du personnage.
Deuxième distique : « 下帘弹箜篌,不忍见秋月。»
xià lián tán kōnghóu, bù rěn jiàn qiū yuè.
Rideau baissé, je pince la harpe,
Ne pouvant supporter la lune automnale.
Le passage du paysage à l'intériorité s'opère ici. "Baisser le rideau" (下帘) est un geste de retrait, "jouer de la harpe" (弹箜篌) une tentative d'apaisement, tandis que "ne pouvoir supporter la lune" (不忍见) révèle une mélancolie si aiguë que même la beauté lunaire en devient douloureuse.
Lecture globale
Baigné d'une nuit glaciale, le poème dévoile par des gestes simples la solitude d'une femme du palais. Les deux premiers vers, avec leurs images de balayage et de givre, établissent une atmosphère déserte. Les suivants culminent dans l'émotion : la harpe dans l'ombre et le refus de la lune traduisent une sensibilité à vif.
La clarté lunaire, normalement source de beauté, devient ici déclencheur de tristesse. Ce rejet de la lumière traduit moins une aversion qu'un miroir trop cruel de sa condition. En quatre vers épurés, Cui Guofu condense une méditation mélancolique où paysage et émotion ne font qu'un.
Spécificités stylistiques
Typique des poèmes de gynécée, l'œuvre allie élégance formelle et subtilité affective. Le poète excelle à révéler la psychologie par des détails comportementaux - balayer, baisser le rideau, détourner le regard - où se lit une souffrance inexprimée. Sans jamais mentionner "plainte" ou "chagrin", chaque mot exhale une tristesse contenue, illustrant l'art tang de "suggérer l'émotion par le paysage" et "le mouvement par le silence". L'évocation du givre et de la lune intensifie encore cette impression viscérale de solitude automnale.
Éclairages
À travers ce nocturne palatial, le poème transcende son cadre historique pour toucher à l'universel : l'aspiration à la chaleur humaine et à la liberté. Ce chef-d'œuvre de concision montre comment les apparences fastes peuvent dissimuler des abîmes de solitude. Son alchimie parfaite entre extérieur et intérieur offre un modèle intemporel pour l'expression lyrique, rappelant que la vraie poésie naît de cette fusion entre le monde et l'âme.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong(许渊冲)
À propos du poète
Cui Guofu (崔国辅 ) était un poète de la dynastie Tang, originaire de Suzhou. En 726, il a pris le rang de jinshi. Ses poèmes sont célèbres pour leurs cinq strophes.