Les saules pleureurs,
Les saules pleureurs
Pleurent au bac du Sable Blanc
Au soleil couchant.
La jeune femme du commerçant,
Le cœur serré,
Regarde à perte de vue l’eau
S’étendre autour du bateau.
Le cœur brisé,
Le cœur brisé,
Deux perdrix prenant leur volée
Par la nuit sont désaccouplées.
Poème chinois
「调笑令 · 杨柳」
王建
杨柳,杨柳,日暮白沙渡口。
船头江水茫茫,商人少妇断肠。
肠断,肠断,鹧鸪夜飞失伴。
Explication du poème
Ce ci, quatrième volet de la série, dépeint à travers le paysage crépusculaire du gué des Sables Blancs la détresse d'une jeune épouse de marchand, alliant une vive authenticité quotidienne à une intense coloration émotionnelle. À l'époque des Tang moyens, avec l'essor du commerce, les épouses des marchands itinérants enduraient souvent seules les affres de la séparation. Wang Jian adopte ici le point de vue de l'épouse, fusionnant adieu, attente et nostalgie en une expression d'une sincérité poignante, où paysage et sentiment se répondent.
Première strophe : « 杨柳,杨柳,日暮白沙渡口。船头江水茫茫,商人少妇断肠。 »
Yáng liǔ, yáng liǔ, rì mù bái shā dù kǒu. Chuán tóu jiāng shuǐ máng máng, shāng rén shào fù duàn cháng.
Saules, ô saules, au crépuscule du gué des Sables Blancs.
À la proue, le fleuve s'étend, infini - l'épouse du marchand en a le cœur brisé.
L'ouverture par la répétition de yáng liǔ (« saules ») instaure d'emblée une atmosphère de séparation. Ces arbres, symboles traditionnels des adieux, combinés au rì mù (« crépuscule ») et au gué désert, forment un cadre visuel mélancolique. L'immensité du fleuve (máng máng) reflète l'isolement de l'épouse, tandis que duàn cháng (« cœur brisé ») révèle crûment sa douleur. La scène, visuelle et émotionnelle, devient immédiatement palpable.
Deuxième strophe : « 肠断,肠断,鹧鸪夜飞失伴。 »
Cháng duàn, cháng duàn, zhè gū yè fēi shī bàn.
Cœur brisé, ô cœur brisé,
Comme la perdrix qui, volant de nuit, a perdu sa compagne.
La répétition cháng duàn intensifie l'expression du chagrin. L'image de la perdrix (zhè gū), oiseau habituellement en couple, volant seule dans la nuit, offre une métaphore parfaite de la solitude conjugale. Cette strophe conclusive transforme le poème en une complainte nocturne, où la nature elle-même semble partager la peine humaine.
Lecture globale
Ce Chant badin·Les Saules frappe par son authenticité émotionnelle. Le saule introduit élégamment le thème de la séparation, tandis que le paysage fluvial au crépuscule amplifie la mélancolie de l'attente. Wang Jian élève l'expérience personnelle d'une épouse à une universalité poignante : le fleuve sans fin devient miroir de l'absence sans terme. La sobriété des moyens - quelques images naturelles, deux répétitions clés - produit une condensation artistique remarquable, révélant la profonde humanité du poète face aux victimes silencieuses du développement économique.
Spécificités stylistiques
- Forme et fond : Le cadre du diào xiào lìng, originellement léger, est détourné pour exprimer une gravité inattendue, créant une tension productive.
- Musique verbale : Les reprises (yáng liǔ, cháng duàn) rythment le poème comme un refrain populaire, renforçant l'effet incantatoire.
- Symbolisme naturel : Chaque élément (saules, fleuve, perdrix) fonctionne comme un idéogramme émotionnel, condensant des strates culturelles et affectives.
Éclairages
Ce poème transcende son contexte historique pour éclairer la condition universelle des âmes en attente. En donnant voix à l'épouse oubliée, Wang Jian révèle le coût humain caché derrière les progrès matériels. Son génie réside dans l'art de transformer un fait social en expérience lyrique intemporelle. Pour tout créateur, c'est une leçon sur le pouvoir des images simples : un saule, un oiseau nocturne, un fleuve - lorsqu'ils sont chargés de vérité humaine - peuvent émouvoir plus profondément que les plus habiles rhétoriques. Une invitation à chercher l'universel dans le particulier, et l'éternel dans l'éphémère.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong(许渊冲)
À propos du poète
Wang Jian (王建), vers 766 - 830 après J.-C., était originaire de Xuchang, dans la province du Henan. Il a été admis comme érudit en 775 après J.-C. Il a été pauvre toute sa vie. Il a été pauvre toute sa vie, ce qui lui a permis d'avoir un contact plus large avec la société et de comprendre les sentiments du public. Ses poèmes lefu, qui reflètent la réalité, traitent de sujets variés et présentent une certaine profondeur de pensée.