La Chanson d’une Amourette I de Wang Jian

tiao xiao ling · tuan shan
    L’éventail ouvert,
L’éventail ouvert,
Le visage de la belle est à couvert.
Elle languit depuis trois ans.
Qui écoutera son chant?
Chant non écouté,
Chant non écouté,
Le chemin herbu est peu fréquenté.

Poème chinois

「调笑令 · 团扇」
团扇,团扇,美人病来遮面。
玉颜憔悴三年,谁复商量管弦。
弦管,弦管,春草昭阳路断。

王建

Explication du poème

Ce ci (poème chanté) fut composé à l'époque des Tang moyens par Wang Jian, tiré de sa série Chants badins comprenant quatre pièces - celle-ci étant la première. L'ensemble dépeint les ressentiments et le destin amer des chanteuses palatines, sur un ton feutré où la forme enjouée contraste avec la gravité du sujet. Wang Jian excelle à peindre avec objectivité la réalité des femmes du gynécée, exprimant sa compassion pour ces tragédies individuelles sous le joug du pouvoir. Ce volet adopte le point de vue d'une favorite déchue, utilisant l'éventail rond comme symbole de son déclin après la maladie.

Première strophe : « 团扇,团扇,美人病来遮面。 »
Tuán shàn, tuán shàn, měi rén bìng lái zhē miàn.
Éventail rond, ô éventail rond,
La belle, malade, te lève pour voiler son visage.

L'ouverture par la répétition de « tuán shàn » crée une tonalité élégiaque immédiate. Objet ordinaire d'agrément, l'éventail se transforme ici en écran pudique face au déclin physique. Le terme měi rén (« belle ») désigne spécifiquement une concubine de haut rang, soulignant le contraste entre son passé glorieux et sa honte présente.

Deuxième strophe : « 玉颜憔悴三年,谁复商量管弦。 »
Yù yán qiáo cuì sān nián, shuí fù shāng liáng guǎn xián.
Trois années ont flétri son teint de jade,
Qui donc viendra plus orchestrer musique et chants avec elle ?

La durée sān nián (« trois ans ») inscrit l'abandon dans la temporalité. La beauté (yù yán), jadis motif de sa faveur, devient l'emblème ironique de sa disgrâce. La question rhétorique shuí fù (« qui donc encore ? ») condense l'amertume des relations rompues, révélant la froideur du microcosme palatin.

Troisième strophe : « 弦管,弦管,春草昭阳路断。 »
Xián guǎn, xián guǎn, chūn cǎo zhāo yáng lù duàn.
Luths et flûtes, ô luths et flûtes,
Les herbes printanières ont envahi le chemin de Zhaoyang.

L'écho xián guǎn répond à la strophe précédente. « Zhaoyang », résidence légendaire des favorites Han, symbolise l'accès perdu aux faveurs impériales. L'image des herbes obstruant le sentier (lù duàn) métaphorise l'irrémédiable rupture avec le souverain, la nature reprenant ses droits sur les traces humaines.

Lecture globale

Bien que bref, ce ci recèle une profondeur émotionnelle remarquable. La structure en triptyque déploie habilement la déchéance : l'éventail-masque introduit la honte, le teint flétri cristallise l'isolement, et les herbes folles scellent l'oubli. Wang Jian évite tout pathos explicite, préférant l'ellipse et les symboles (l'éventail, Zhaoyang) pour révéler la condition objectifiée des femmes sous le régime polygame. La retenue même du discours amplifie la puissance tragique.

Spécificités stylistiques

  1. Forme hybride : Le cadre du diào xiào lìng (« chants badins »), d'origine populaire, est détourné pour traiter un sujet grave, créant une tension féconde.
  2. Rhétorique de la répétition : Les reprises en anaphore (tuán shàn, xián guǎn) tissent une musique mélancolique tout en renforçant l'obsession mentale.
  3. Symbolisme concentré : Chaque objet (éventail, instruments, herbes) agit comme un hyperlien culturel renvoyant à la tradition des « regrets palatins ».

Éclairages

Au-delà du cas individuel, ce poème dénonce la mécanique implacable du pouvoir qui consume les vies fragiles. La favorite déchue devient archétype de tous les invisibles sociaux. Wang Jian nous enseigne que les chefs-d'œuvre résistent souvent à la tentation du spectaculaire : c'est dans l'économie des moyens - un geste, un objet, une saison - que se loge la vérité humaine la plus universelle. Une leçon pour tout créateur : la sobriété, lorsqu'elle est chargée de sens, peut ébranler plus profondément que les cris.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Wang Jian (王建), vers 766 - 830 après J.-C., était originaire de Xuchang, dans la province du Henan. Il a été admis comme érudit en 775 après J.-C. Il a été pauvre toute sa vie. Il a été pauvre toute sa vie, ce qui lui a permis d'avoir un contact plus large avec la société et de comprendre les sentiments du public. Ses poèmes lefu, qui reflètent la réalité, traitent de sujets variés et présentent une certaine profondeur de pensée.

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