Départ avant l’Aube de Wen Tingyun

shang shan zao xing
Je me lève avant l'aube au son de la clochette.
Ô mon pays natal, combien je te regrette!
Au chant du coq, de lune la chaumière est ivre;
Le pont en bois est parsemé de pas et givres.
Le sentier est tout couvert de feuilles de chêne;
Les fleurs d’oranger scintillent au mur à peine.
Comment puis-je ne pas rêver de mon village
Où l’étang fait écho aux cris des oies sauvages?

Poème chinois

「商山早行」
晨起动征铎,客行悲故乡。
鸡声茅店月,人迹板桥霜。
檞叶落山路,枳花明驿墙。
因思杜陵梦,凫雁满回塘。

温庭筠

Explication du poème

Ce poème fut composé alors que Wen Tingyun quittait Chang'an pour rejoindre Xiangyang où il cherchait la protection de Xu Shang, alors gouverneur militaire de Jingnan. En passant par le mont Shang (situé dans l'actuelle région de Shangluo au Shaanxi), connu depuis l'antiquité pour ses sentiers montagneux profonds et son ambiance glaciale, le poète, alors en plein échec professionnel après avoir échoué à plusieurs reprises aux examens impériaux, exprime dans ces vers la mélancolie matinale du voyage et la nostalgie du foyer, reflets d'une profonde réalité.

Premier couplet : « 晨起动征铎,客行悲故乡。 »
Chén qǐ dòng zhēng duó, kè xíng bēi gù xiāng.
Dès l'aube, les cloches du départ retentissent,
Le voyageur solitaire songe avec tristesse à sa terre natale.

Ce couplet d'ouverture plante directement le décor du départ matinal. Les "cloches du départ" (征铎) soulignent la condition de voyageur, tandis que la mélancolie nostalgique imprègne discrètement l'ensemble du poème comme une nuit qui refuse de se dissiper.

Deuxième couplet : « 鸡声茅店月,人迹板桥霜。 »
Jī shēng máo diàn yuè, rén jì bǎn qiáo shuāng.
Le chant du coq, l'auberge de chaume sous la lune pâle,
Des empreintes sur le pont de bois gelé.

Ce couplet crée une atmosphère à travers des images condensées, entrelaçant espace et temps pour former un tableau de voyage matinal. Les perceptions visuelles, auditives et tactiles se combinent pour présenter une scène à la fois austère et limpide.

Troisième couplet : « 檞叶落山路,枳花明驿墙。 »
Jiǎ yè luò shān lù, zhǐ huā míng yì qiáng.
Feuilles de chêne tombant sur le sentier montagneux,
Fleurs d'orange brillant sur le mur de la station postale.

Le regard se rapproche pour observer ces détails printaniers qui contrastent avec la solitude du voyageur. L'opposition entre les feuilles mortes et les fleurs éclatantes accentue l'isolement ressenti sur ces chemins de montagne.

Quatrième couplet : « 因思杜陵梦,凫雁满回塘。 »
Yīn sī dù líng mèng, fú yàn mǎn huí táng.
Je me souviens de mon rêve de Duling,
Où canards et oies sauvages nageaient dans l'étang familier.

Le contraste entre le rêve du pays natal et la réalité du voyage porte la nostalgie à son paroxysme. Bien que physiquement sur la route, l'esprit du poète erre déjà dans les paysages familiers de son enfance.

Lecture globale

Dans sa composition, le poème passe naturellement du réveil matinal au voyage, de la réalité au rêve, avec des transitions spatio-temporelles fluides et une profondeur émotionnelle intense. Le premier couplet établit le ton émotionnel avec les "cloches du départ" et la "nostalgie du foyer", tandis que des descriptions concrètes comme le "chant du coq", la "lune pâle" et le "pont gelé" matérialisent le froid et la solitude du périple. Les couplets du milieu, à travers leur évocation de la nature printanière, suggèrent subtilement le contraste entre la froideur ambiante et le désir de chaleur et de stabilité. Le rêve final de Duling, avec ses oiseaux aquatiques, intensifie le sentiment d'isolement loin de chez soi.

D'une langue claire et sans artifice, le poète construit à travers des images typiques un portrait poignant du voyageur solitaire. La description calme des paysages montagneux au début du printemps devient le réceptacle des fatigues du voyage, des incertitudes de la vie et des nostalgies du foyer, le tout exprimé avec une retenue profondément émouvante.

Spécificités stylistiques

La sélection des images poétiques est particulièrement ingénieuse. Le poète utilise des éléments comme le "chant du coq", l'"auberge de chaume", la "lune déclinante" et le "gel sur le pont de bois" - des images à la fois ancrées dans la vie quotidienne et empreintes de mystère - pour tisser une scène typique de voyage solitaire, créant une unité parfaite entre le paysage intérieur du poète et son environnement de voyage. Par ailleurs, le poème utilise très peu de mots de liaison, se contentant d'accumuler des noms et de combiner des images, ce qui renforce paradoxalement la pictorialité et la résonance poétique. Enfin, dans le dernier couplet, la fusion du rêve et de la réalité permet à la nostalgie de transcender les limites de l'espace et du temps, révélant la richesse du monde intérieur du poète.

Éclairages

Ce poème est bien plus qu'une simple scène de voyage ; c'est une mélodie douce-amère de la vie en errance. Il nous rappelle que sur le chemin de la vie, peu importe à quel point le matin est froid ou le voyage désespéré, il existe toujours dans notre cœur un endroit tendre comme le "rêve de Duling". Même dans la hâte du voyage, il faut préserver ces souvenirs du foyer et cette aspiration à la chaleur humaine, car ce sont précisément ces douces émotions qui constituent le refuge le plus profond de notre âme.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Wen Ting-yun

Wen Ting-yun (温庭筠) était originaire de Qixian, dans le Shanxi, vers 813 - 870 apr. Wen Tingyun était un écrivain de la fin de la dynastie Tang, et était autrefois connu comme « l'initiateur de la maison des fleurs ». Dans sa jeunesse, il était très talentueux, mais son comportement était débridé, il entrait et sortait des bordels et des maisons closes, et la majeure partie de son talent a été gaspillée dans ces vies.

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Wen Tingyun (温庭筠) was a native of Qixian, Shanxi, circa 813 - 870 AD

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