Mon Cottage de Liu Shenxu

que ti liu shen xu
Un sentier est perdu dans les nuages blanes,
Le printemps s’étend aussi loin que la rivière.
Parfois me visitent les pétales tombants,
Leur parfum se répand comme la lumière.
Ma porte fait face à la montagne,
Par des saules mon cottage est ombragé.
Il y a lueur et ombre dans la campagne,
Par la lumière mon habit est épuré.

Poème chinois

「阙题」
道由白云尽,春与清溪长。
时有落花至,远随流水香。
闲门向山路,深柳读书堂。
幽映每白日,清辉照衣裳。

刘眘虚

Explication du poème

Composé à l'apogée des Tang, ce poème portait originellement un titre (probablement Retour au village de la Source aux Fleurs de Pêcher selon les recherches érudites) qui s'est perdu lors de sa transmission, à distinguer donc des poèmes délibérément "sans titre". La Source aux Fleurs de Pêcher, située près de Jing'an dans le Jiangxi actuel, était le lieu de retraite de Liu Shenxu. Ces vers dépeignent le paysage et les émotions de sa vie recluse, incarnant par excellence la poésie d'érémitisme montagnard, célébrant la sérénité de l'existence retirée et la détachement du poète.

Premier distique : « 道由白云尽,春与清溪长。»
Dào yóu bái yún jìn, chūn yǔ qīng xī cháng.
Le chemin s'achève où les nuages blancs finissent,
Le printemps s'étire avec le ruisseau clair.

Le poète ouvre par une perspective lointaine, créant un tableau où sentiers montagneux et eaux printanières s'entrelacent. "S'achève où les nuages finissent" (白云尽) semble marquer la limite du chemin, mais les brumes flottantes en obscurcissent la fin, suggérant plutôt une profondeur mystérieuse. L'adjectif "s'étire" (长) personnifie le printemps, lui donnant une vitalité fluide le long du cours d'eau.

Deuxième distique : « 时有落花至,远随流水香。»
Shí yǒu luò huā zhì, yuǎn suí liú shuǐ xiāng.
Parfois des pétales tombés arrivent,
Portant au loin leur parfum par les ondes.

Le printemps n'est plus abstrait mais sensible. Les fleurs descendant le courant, leur parfum voyageant avec l'eau, créent une dynamique où mouvement et quiétude s'harmonisent. Les verbes "arrivent" (至) et "portant" (随) insufflent une âme aux éléments naturels, comme si la montagne accueillait le retour du poète, exprimant discrètement sa joie d'être en communion avec ce lieu.

Troisième distique : « 闲门向山路,深柳读书堂。»
Xián mén xiàng shān lù, shēn liǔ dú shū táng.
La porte oisive s'ouvre sur le sentier montagneux,
Le pavillon de lecture se cache sous les saules profonds.

Le focus passe du paysage à l'habitation. "Porte oisive" (闲门) peint à la fois la quiétude du site et la tranquillité d'une vie sans perturbation. "Sous les saules profonds" (深柳), le pavillon d'étude révèle un ermite cultivé, soulignant que cette retraite est aussi une quête de sagesse.

Quatrième distique : « 幽映每白日,清辉照衣裳。»
Yōu yìng měi bái rì, qīng huī zhào yī shang.
Même en plein jour, des lueurs secrètes filtrent,
Nappant mes habits de clarté pure.

La finale capture les jeux de lumière sylvestres. "Lueurs secrètes" (幽映) et "clarté pure" (清辉) tissent une atmosphère de recueillement, dépassant la simple description pour atteindre à un état d'être - la paix intérieure loin du tumulte mondain. L'émotion heureuse du poète se devine entre chaque ligne.

Lecture globale

En six vers d'une construction raffinée et progressive, le poème déploie un paysage naturel paisible : l'ouverture évoque sentiers montagneux et ruisseaux printaniers, établissant une scène bucolique. Les vers médians animent cette quiétude par le mouvement des fleurs parfumées et des eaux vives, captant l'essence du printemps alpin. Le regard se tourne ensuite vers l'ermitage, où portes, saules et bibliothèque esquissent une vie d'ascète, simple et détachée. L'épilogue, avec ses "lueurs claires caressant les pans de robe", révèle tant la sérénité du lieu que celle de l'âme. Sans jamais énoncer directement aspirations ou sentiments, le poème les irradie pourtant, créant un univers à la fois intime et infini.

Spécificités stylistiques

Ce poème maîtrise l'art des parallèles et de l'alternance entre concret et abstrait. Son langage apparemment simple recèle une profondeur insoupçonnée. Mouvement et immobilité, densité et dépouillement s'équilibrent, tandis que paysages et états d'âme s'entrelacent. Un lexique épuré mais évocateur - "fleurs tombantes", "eaux courantes", "lueurs secrètes", "clarté pure" - crée des images à la fois réalistes et symboliques. Le traitement de la lumière et de l'ombre transporte le lecteur dans ces montagnes où souffle une brise légère et murmurent les ruisseaux, dans une quiétude absolue.

Éclairages

Ce poème incarne l'idéal lettré chinois de retrait du monde et d'harmonie avec la nature, mêlant culture de l'esprit et communion paysagère. Au-delà de la beauté naturelle, il célèbre une transparence intérieure et une autosuffisance existentielle. Pour le lecteur contemporain, cette vision d'une vie rythmée par les saisons plutôt que par les contingences sociales offre une précieuse inspiration : un appel à retrouver, dans le tumulte moderne, cette sérénité ancestrale où l'homme dialoguait avec les éléments.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong

À propos du poète

​Liu Shenxu​​ (刘眘虚, dates de naissance et de décès inconnues), originaire de Fengxin dans le Jiangxi. Il fut considéré comme l'un des "Quatre Amis de Wuzhong" aux côtés de He Zhizhang, Bao Rong et Zhang Xu. Reçu au concours impérial des jinshi en 723. Passionné par les échanges avec moines bouddhistes et taoïstes, il mena une vie errante et marginale, et ne jouit pas d'une longue existence. Son style poétique se rapproche sensiblement de celui de Meng Haoran.

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