La moitié du printemps est partie avec vous;
Tout chagrin mon cœur et partout
Les fleurs de mume tombent pêle-mêle,
Me couvrant et recouvrant. Que ferais-je d’elles!
L’oie sauvage n’ a pas adouci mon chagrin;
Mon rêve voudrait vous rejoindre en vain.
Comme l’herbe qui pousse sur le chemin,
Mon regret vous suit quoique vous alliez loin.
Poème chinois
「清平乐 · 别来春半」
李煜
别来春半,触目愁肠断。
砌下落梅如雪乱,拂了一身还满。
雁来音讯无凭,路遥归梦难成。
离恨恰似春草,更行更远还生。
Explication du poème
Ce poème lyrique fut composé à mi-printemps, exprimant la mélancolie du poète face à la séparation. Confronté aux paysages printaniers, chaque vue éveille en lui le souvenir de l'absent, approfondissant sa tristesse. À travers des images vivantes et une progression subtile, l'œuvre donne une expression parfaite à la douleur de l'adieu.
Première strophe : « 别来春半,触目愁肠断。砌下落梅如雪乱,拂了一身还满。 »
Bié lái chūn bàn, chù mù chóu cháng duàn. Qì xià luò méi rú xuě luàn, fú le yīshēn hái mǎn.
Le printemps à moitié passé depuis ton départ,
Chaque vue me transperce le cœur.
Sous les marches, les pruniers enneigent leurs pétales,
Je les chasse de ma manche - ils me couvrent encore.
Le mot "départ" (别) ouvre le poème comme une blessure. "Pétales comme neige" peint la chute printanière, métaphore de la séparation. "Ils me couvrent encore" montre l'obsession du chagrin - tentative vaine de s'en débarrasser.
Deuxième strophe : « 雁来音讯无凭,路遥归梦难成。离恨恰似春草,更行更远还生。 »
Yàn lái yīn xùn wú píng, lù yáo guī mèng nán chéng. Lí hèn qiàsì chūn cǎo, gèng xíng gèng yuǎn hái shēng.
Les oies sauvages ne portent aucun message,
Le chemin est long, les rêves de retour vains.
Notre chagrin est comme l'herbe printanière :
Plus on s'éloigne, plus elle croît dru.
"Oies sans message" évoque l'échec des communications, "rêves vains" l'impossibilité du retour. La comparaison finale avec l'herbe - devenue proverbiale - montre le chagrin se multipliant avec la distance, image d'une rare puissance.
Analyse approfondie
Ce poème tresse printemps et séparation en une élégie d'une profondeur exceptionnelle. La première strophe lie la chute des fleurs à la persistance du chagrin. La seconde approfondit la douleur par l'absence de nouvelles et l'image ultime de l'herbe inextirpable. Chaque vers agit comme une vague successivement plus forte du même océan de mélancolie.
Spécificités stylistiques
- Métaphores organiques : Pétales, oies, herbe - la nature devient alphabet des sentiments.
- Mouvement spiralé : Le chagrin revient toujours ("encore", "plus… plus"), mimant l'obsession.
- Économie classique : Des mots simples ("sous les marches", "ma manche") chargés d'émotion.
- Rythme binaire : Les vers pairs créent une cadence de ressac, comme le va-et-vient de la douleur.
Éclairages
Ce poème révèle la paradoxale fertilité du chagrin - comme l'herbe, il prospère avec l'éloignement. En montrant comment la beauté printanière exacerbe la douleur humaine, Li Yu touche à une vérité universelle : nos peines s'enracinent dans la conscience même du temps qui passe. Plus qu'une plainte personnelle, c'est une méditation sur l'attachement qui défie la séparation, et sur la façon dont l'absence peut devenir une présence obsédante.
Traducteur de poésie
Xu Yuan-chong(许渊冲)
À propos du poète
Li Yu (李煜) (937 - 978 AD), empereur de la dynastie des Tang du Sud, était un artiste aux multiples talents, doué pour la calligraphie et la peinture, pour la poésie et les textes, et pour la musique. Ses poèmes, en particulier ceux de la fin de sa vie, exprimaient principalement ses sentiments uniques face à la vie, la tristesse de perdre son pays, le chagrin de ne pas pouvoir maîtriser sa propre vie, le vide et la désillusion de son destin, ainsi que la tristesse et le désespoir de sa vie.