Le Paysan II de Li Shen

min nong ii
En plein midi on houe le sol;
La sueur s’égoutte sur la terre.
Sais-tu que le riz dans ton bol
Est le fruit de la peine amere!

Poème chinois

「悯农 · 其二」
锄禾日当午,汗滴禾下土。
谁知盘中餐,粒粒皆辛苦。

李绅

Explication du poème

Composé durant une période de troubles sociaux et de taxes écrasantes sous les Tang, ce deuxième poème de la série Compassion pour les paysans de Li Shen dépeint la réalité cruelle des cultivateurs, écrasés par les labeurs des champs et les exactions des fonctionnaires. Lettré ayant longuement observé les souffrances du peuple, Li Shen utilise une langue dépouillée pour créer cette œuvre immortelle, éveillant la conscience sociale sur l'injustice faite à ceux qui nourrissent l'empire.

Premier distique : « 锄禾日当午,汗滴禾下土。»
Chú hé rì dāng wǔ, hàn dī hé xià tǔ.
Sarcler les moissons sous le midi brûlant,
La sueur tombe en gouttes sur la terre.

Ces vers restituent avec une sobriété poignante le labeur paysan sous une chaleur accablante. « Sous le midi brûlant » (日当午) souligne l'heure la plus torride, intensifiant la dureté du travail. « La sueur tombe en gouttes » (汗滴) matérialise la peine endurée en un geste concret, d'une vivacité telle qu'on croit sentir le soleil cuisant et les gouttes perler.

Deuxième distique : « 谁知盘中餐,粒粒皆辛苦。»
Shéi zhī pán zhōng cān, lì lì jiē xīn kǔ.
Qui sait que chaque grain dans l'assiette,
Porte la sueur amère des moissonneurs ?

Cette interrogation lancinante frappe au cœur des consciences. « Qui sait » (谁知) dénonce l'indifférence générale face au sacrifice invisible des paysans. « Chaque grain porte la sueur » (粒粒皆辛苦) révèle le coût humain caché derrière la nourriture quotidienne. Par une rhétorique simple mais implacable, le poète transforme un constat agricole en réquisitoire social, élevant le travail paysan à la dignité d'un sacerdoce.

Lecture globale​

Ce poème saisit la réalité à travers deux scènes quotidiennes emblématiques - le travail des champs et le repas frugal. Par des détails concrets et sensoriels, il immerge le lecteur dans l'âpreté du labeur agricole, éveillant le respect pour la nourriture et la valeur du travail. Sans dénonciation explicite des oppresseurs, le silence des paysans et l'évocation de leur sueur deviennent une accusation muette contre les injustices sociales. Derrière des vers empreints de compassion et de révérence, se cache une préoccupation profonde pour le sort des humbles, faisant de ce texte une œuvre alliant qualité littéraire et critique sociale.

Spécificités stylistiques​

Ce poème de Li Shen allie une extrême concision linguistique à une profondeur symbolique remarquable. Le poète maîtrise l'art du contraste et de la question rhétorique. La juxtaposition du "soleil brûlant" et des "gouttes de sueur" crée une image visuelle puissante, tandis que l'interrogation poétique dirige le regard du lecteur vers l'injustice cachée derrière les fruits du labeur paysan. Bien que rédigé dans un langage dépouillé, ce poème acquiert une force émotionnelle intense grâce à son authenticité et à la véracité de sa représentation, devenant ainsi un modèle du réalisme poétique.

Éclairages

Ce poème nous invite à cultiver la gratitude et à chérir chaque bouchée de nourriture, sans oublier ceux qui l'ont produite. Plus fondamentalement, il appelle au respect et à la sollicitude envers les travailleurs agricoles, tout en plaidant pour un ordre social plus équitable où chaque effort trouverait sa juste récompense. Cette conscience morale inhérente à la poésie perpétue l'esprit humaniste de la tradition poétique chinoise.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Li Shen (李绅), 772 - 846 après J.-C., était premier ministre et poète de la dynastie Tang. Né à Huzhou, dans la province du Zhejiang, Li Shen a étudié dans sa jeunesse au temple Huishan, dans la province du Jiangsu, et a été l'ami intime de Yuan Zhen et de Bai Juyi. La partie la plus brillante de sa vie a été la poésie, et il a participé au mouvement de la nouvelle musique, qui a eu un grand impact sur l'histoire de la littérature.

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