La barque glisse, feuille légère,
Deux rames en fendant l’eau Claire
Étonnent le cygne effleurant Fonde limpide
Sans ombre et sans ride.
Dans les algues vertes on voit des poissons;
Sur les rives brumeuses passent des hérons.
Que le ruisseau coulant sur le sable est rapide!
Qu’il paraît froid, ses bords couverts de givre.
Sous le clair de lune il brille, ivre.
Entre les monts facinant pour les yeux
Passe un cours d’eau tortueux.
Il me souvient de cette histoire
De l’ermite et de l'empereur, rêvant de gloire;
Je vois flétrie leur renommée.
Les collines qui s’allongent au loin,
Couronnées de nuées échevelées,
Bleuiront au matin.
Poème chinois
「行香子 · 过七里濑」
苏轼
一叶舟轻,双桨鸿惊。水天清,影湛波平。
鱼翻藻鉴,鹭点烟汀。过沙溪急,霜溪冷,月溪明。
重重似画, 曲曲如屏。算当年,虚老严陵。
君臣一梦,古今空名。但远山长,云山乱,晓山青。
Explication du poème
Ce poème fut composé durant l'ère Yuanfeng sous le règne de l'empereur Shenzong, alors que Su Shi, en disgrâce, occupait le poste de magistrat adjoint à Hangzhou. Bien que confronté à des revers politiques, il transcendait ses déceptions en se tournant vers la nature, révélant ainsi une sérénité détachée des vicissitudes mondaines. Cette œuvre dépeint les paysages observés lors d'une excursion en barque sur la rivière Qili, exprimant non seulement son amour pour les régions aquatiques du Jiangnan, mais aussi sa philosophie de transformation des honneurs et disgrâces en néant, trouvant dans la nature une paix ultime.
Première strophe : « 一叶舟轻,双桨鸿惊。水天清,影湛波平。鱼翻藻鉴,鹭点烟汀。过沙溪急,霜溪冷,月溪明。 »
Yī yè zhōu qīng, shuāng jiǎng hóng jīng. Shuǐ tiān qīng, yǐng zhàn bō píng. Yú fān zǎo jiàn, lù diǎn yān tīng. Guò shā xī jí, shuāng xī lěng, yuè xī míng.
Une légère barque solitaire, ses rames effarouchent les oies sauvages
Ciel et eau d'une clarté pure, reflets limpides sur les flots calmes
Poissons tournoient parmi les algues-miroirs, hérons ponctuent les bancs de brume
Traversant le rapide sablonneux, le ruisseau givré, le cours d'eau lunaire
Cette strophe dépeint une navigation fluviale, capturant la beauté sereine du Jiangnan. Les six premiers vers décrivent l'harmonie dynamique de la rivière : eau cristalline, poissons bondissants, hérons gracieux - une scène vibrante de vie. Les trois derniers vers, par un montage temporel audacieux ("rapide", "givré", "lunaire"), relient différentes expériences de navigation, soulignant la variété des paysages tout en préparant la méditation philosophique suivante.
Seconde strophe : « 重重似画,曲曲如屏。算当年,虚老严陵。君臣一梦,古今空名。但远山长,云山乱,晓山青。 »
Chóng chóng sì huà, qū qū rú píng. Suàn dāngnián, xū lǎo Yán Líng. Jūn chén yī mèng, gǔjīn kōng míng. Dàn yuǎn shān cháng, yún shān luàn, xiǎo shān qīng.
Montagnes superposées comme une peinture, sinueuses comme des paravents
Songez à Yan Ling qui vieillit ici en vain jadis
Souverains et sujets - un rêve ; gloires passées et présentes - vanité
Seules persistent : les lointaines montagnes étirées, les montagnes nuageuses chaotiques, les montagnes matinales verdoyantes
Transitionnant du paysage à la réflexion, cette strophe commence par décrire les montagnes riveraines ("comme une peinture", "comme des paravents"), soulignant leur beauté dynamique vue du bateau. Puis elle bascule vers une méditation philosophique : "Yan Ling vieillit en vain" raille les ermites vaniteux, introduisant l'idée que "souverains et sujets ne sont qu'un rêve". Les trois derniers vers opposent réalité et histoire, vie humaine et nature permanente, dans une conclusion d'une profonde résonance.
Lecture globale
Ce poème décrit les impressions d'une navigation sur la rivière Qili. La première strophe, d'un langage dynamique, peint les paysages fluviaux - lumière sur l'eau, oiseaux et poissons - dans une beauté à la fois paisible et vivante. La seconde strophe évolue vers une réflexion sur la vanité humaine et la permanence naturelle. Alliant paysages aquatiques d'une délicate beauté et perspicacité philosophique, l'œuvre révèle comment Su Shi, durant son exil, parvint à concilier expérience humaine et leçons de la nature.
Spécificités stylistiques
La structure habile juxtapose une première strophe détaillant la navigation et les métamorphoses spatio-temporelles, et une seconde strophe esquissant les montagnes avant de s'élever à la méditation. Le langage, concis mais vivant, développe progressivement le paysage pour faire émerger la pensée. Mouvement et immobilité, réel et abstrait s'entrelacent, créant un univers poétique d'une profondeur inépuisable.
Éclairages
Plus qu'un hommage à la nature, ce poème interroge la vanité des honneurs officiels et des rêves de cour. Face à l'impermanence des affaires humaines, Su Shi trouve réconfort dans la permanence naturelle. Son œuvre nous enseigne : les gloires sont éphémères, seule la beauté naturelle perdure. Apprenons à trouver la paix dans le flux constant, à préserver notre essence dans les turbulences, à contempler gains et pertes avec sérénité.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong(许渊冲)
À propos du poète
Su Shi (苏轼), 1036 - 1101 après J.-C., originaire de la ville de Meishan, dans la province du Sichuan, était un écrivain talentueux de la dynastie des Song du Nord. Il était très doué pour la poésie, la prose et la fugue.