Les fleurs d’automne entourent mon cottage.
Je fais le tour de la haie jusqu’au soir.
Non que j’aime le chrysanthème davantage,
Mais après lui il n’y a plus de fleurs à voir.
Poème chinois
「菊花」
元稹
秋丛绕舍似陶家,遍绕篱边日渐斜。
不是花中偏爱菊,此花开尽更无花。
Explication du poème
Ce poème des "Chrysanthèmes", composé par Yuan Zhen en 802 sous le règne de l'empereur Dezong, capture l'essence de l'automne dans la capitale Tang. Écrit avant les tumultes politiques qui marqueront sa carrière, ce quatrain révèle un jeune poète encore intact, trouvant dans la fleur tardive une allégorie de la persévérance.
Premier distique : « 秋丛绕舍似陶家,遍绕篱边日渐斜。 »
Qiū cóng rào shě sì Táo jiā, biàn rào lí biān rì jiàn xié.
Bouquets d'automne encerclant la maison - un foyer de Tao Qian, Je tourne autour de la haie tandis que le soleil décline.
La double occurrence de "encercler" (绕) crée un mouvement circulaire hypnotique, unissant le végétal et l'humain dans une danse méditative. La référence à Tao Qian (陶潜), maître de la retraite poétique, établit d'emblée un lignage littéraire. Le soleil couchant ajoute une dimension mélancolique à cette scène apparemment paisible.
Second distique : « 不是花中偏爱菊,此花开尽更无花。 »
Bùshì huā zhōng piān'ài jú, cǐ huā kāi jǐn gèng wú huā.
Non que parmi les fleurs je chérisse seul le chrysanthème, Mais après son éclosion, plus aucune fleur ne vient.
Ce couplet apparenté à un haïku par sa densité, opère un renversement philosophique. La négation initiale ("non que") se mue en affirmation ultime de la valeur existentielle de la fleur. Le chrysanthème devient ainsi la dernière sentinelle de beauté devant l'hiver imminent, transcendant la simple préférence esthétique.
Lecture globale
Yuan Zhen construit ici une méditation en deux temps : immersion sensorielle (distique 1) suivie d'une révélation ontologique (distique 2). Le poème passe progressivement du particulier (une scène de jardin) à l'universel (la condition de toute beauté face au temps). La structure circulaire (encerclement initial/fin ultime) épouse parfaitement le thème des cycles naturels.
Spécificités stylistiques
- Économie de moyens : 28 caractères suffisent à construire un microcosme complet
- Dialectique présence/absence : La plénitude florale (distique 1) annonce déjà son propre dépassement (distique 2)
- Intertextualité subtile : La référence à Tao Qian sans citation directe
- Suspension temporelle : Le moment crépusculaire ("soleil décline") comme seuil métaphysique
Éclairages
Plus qu'un simple éloge floral, ce poème esquisse une philosophie de la résilience. Le chrysanthème, en fleurissant "après tous les autres", devient analogue au poète lui-même - celui qui persiste quand d'autres ont renoncé. Yuan Zhen, sans le savoir encore, y préfigure son propre destin : comme la fleur qu'il chante, il devra affronter les hivers politiques avec une ténacité semblable. Une leçon sur la beauté des "tard-venus" dans un monde obsédé par la précocité.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong(许渊冲)
À propos du poète
Yuan Zhen (元稹), 779 - 831 après J.-C., originaire de Luoyang, dans la province du Henan, fut pauvre dans ses jeunes années et devint fonctionnaire en 793 après avoir réussi l'examen impérial, mais il fut ensuite rétrogradé pour avoir offensé les eunuques et les bureaucrates démodés, et mourut d'une violente maladie sur le chemin de son poste. Il était ami avec Bai Juyi et écrivait souvent des poèmes ensemble.