Le Sacrifice à Confucius de Li Longji​

jing lu ji kong zi er tan zhi
Combien avez-vous fait, cher maître,
De toute la vie pour notre bien-être!
Vos fils vivent sur cette terre;
C’est votre maison qu’on révère.
O le phénix plaint votre sort;
La licorne prévoit votre mort.
On sacrifie à votre autel,
Car vous aviez un rêve tel.

Poème chinois

「经鲁祭孔子而叹之」
夫子何为者,栖栖一代中。
地犹鄹氏邑,宅即鲁王宫。
叹凤嗟身否,伤麟怨道穷。
今看两楹奠,当与梦时同。

李隆基

Explication du poème

Ce poème fut composé en novembre 725, lorsque l'empereur Xuanzong des Tang, après avoir présidé le grand rite Fengshan au mont Tai, se rendit à Qufu pour honorer Confucius. Devant la tombe du Sage, il offrit un sacrifice rituel et, profondément ému, composa ces vers. À travers l'hommage à Confucius, l'empereur exprime à la fois sa compassion pour la vie difficile du philosophe et sa propre aspiration à gouverner selon les principes confucéens. Ce poème impérial, d'une sincérité rare et riche en allusions pertinentes, reflète la renaissance du confucianisme sous les Tang et consacre la transformation de Confucius - simple précepteur de son vivant - en "Maître pour dix mille générations".

Premier distique : « 夫子何为者,栖栖一代中。 »
Fūzǐ hé wéi zhě, xīxī yī dài zhōng.
Maître, pourquoi tant d'errance Toute votre vie durant ?

Ce vers reprend les propres mots de Confucius : "Mon agitation ne cherche pas les honneurs". Il évoque le destin tragique d'un homme qui, porteur des valeurs d'humanité et de rites, parcourut les royaumes sans jamais voir réalisé son idéal de gouvernement par la vertu. L'expression "tant d'errance" (栖栖) traduit autant la compassion que l'admiration pour cette quête inlassable.

Second distique : « 地犹鄹氏邑,宅即鲁王宫。 »
Dì yóu Zōu shì yì, zhái jí Lǔ wáng gōng.
Ce sol reste celui du fief des Zou, Votre demeure devint palais des rois de Lu.

Référence à un commentaire de Kong Anguo : la maison de Confucius, loin d'être détruite, fut intégrée au palais royal par respect. Ce détail suggère comment la mémoire du Sage transcende les vicissitudes historiques - méconnu de son vivant, il devient après sa mort l'objet d'une vénération universelle.

Troisième distique : « 叹凤嗟身否,伤麟怨道穷。 »
Tàn fèng jiē shēn pǐ, shāng lín yuàn dào qióng.
Le phénix absent - vous pleuriez votre sort ; La licorne tuée - votre Voie sans recours.

Deux allusions cruciales : l'absence du phénix (signe de bon gouvernement) et la licorne massacrée (symbole de vertu persécutée) illustrent l'impuissance de Confucius face au chaos des Printemps et Automnes. Xuanzong y voit le drame du sage incompris de son temps, tout en y projetant ses propres frustrations politiques.

Quatrième distique : « 今看两楹奠,当与梦时同。 »
Jīn kàn liǎng yíng diàn, dāng yǔ mèng shí tóng.
Aujourd'hui, entre les deux colonnes où l'on vous honore, Tout est comme en votre rêve.

Référence à un songe de Confucius où il se voyait assis entre deux piliers - présage posthème de sa glorification. Ce vers final suggère une consolation : si la Voie fut contrariée du vivant du Sage, elle triomphe après sa mort. Une manière pour l'empereur d'affirmer la pérennité des valeurs confucéennes.

Lecture globale

En huit vers seulement, Xuanzong déploie une méditation historique et philosophique. Le poème suit un arc temporel : de l'errance du vivant de Confucius à sa glorification posthume, en passant par les lieux de mémoire et les symboles de sa quête inachevée. L'empereur fusionne histoire et présent, idéal et réalité, vénération et identification personnelle. Ce poème, empreint de majesté impériale mais exempt de toute arrogance, révèle un souverain en dialogue intime avec le plus illustre des sages.

Spécificités stylistiques

  • Allusions organiques : Les références au phénix, à la licorne et au songe des piliers s'intègrent naturellement à la trame poétique.
  • Fusion du lyrique et du politique : L'émotion personnelle se mue en manifeste pour un gouvernement vertueux.
  • Structure circulaire : L'errance initiale (栖栖) trouve sa résolution dans l'accomplissement du rêve (梦时), formant un cycle parfait.
  • Double posture : En tant qu'empereur, Xuanzong honore un roturier, incarnant ainsi la synthèse tang entre pouvoir politique et légitimité culturelle.

Éclairages

Plus qu'un hommage, ce poème célèbre l'esprit de "persévérer quand tout semble perdu". Confucius, malgré ses échecs, resta fidèle à ses idéaux - c'est cette constance qui en fit un phare pour les millénaires. Le poème nous rappelle que la vraie grandeur ne se mesure pas aux succès immédiats, mais à la postérité des valeurs. Dans un monde changeant, maintenir le cap de l'humanité et de la droiture reste le plus bel hommage à ce "sage errant".

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong

À propos du poète

Li Longji (李隆基), empereur Xuanzong de la dynastie Tang, 685-762 après J.-C. Il est né à Luoyang, dans la province du Henan, en 685 après J.-C. et a été empereur de 712 à 756 après J.-C. Il a été le premier empereur de la dynastie Tang. Dans la première moitié de son règne, il gouverna avec vigueur et sa période Kaiyuan fut la plus prospère de la dynastie Tang. Dans la seconde moitié de son règne, il favorisa Yang Guifei, négligea le gouvernement et favorisa les ministres traîtres Li Linfu et Yang Guozhong, ce qui, avec les échecs politiques et la réutilisation de ministres sordides comme An Lushan, conduisit à la rébellion Anshi de huit ans qui sema les graines du déclin de la dynastie Tang au milieu du siècle. Il mourut en 762 après une brève maladie.

Total
0
Shares
Prev
Sur le Fleuve Jiande de Meng Haoran
su jian de jiang

Sur le Fleuve Jiande de Meng Haoran

J’amarre près d’îlot brumeux, Où je me sens triste à la brune

Next
Wang Chang-ling
Wang Chang-ling

Wang Chang-ling

Wang Changling (王昌龄), v

You May Also Like