La lyre de Li Shangyin

jin se
Pourquoi la lyre a-t-elle tant de cordes dont
Chacune me rappelle les années en fleurs:
Le rêve à 1’ aube d’être un libre papillon
Et le cœur du coucou qui verse amour et pleurs?
La perle est larme de la lune sur la mer;
Le cristal s’évapore au soleil, disparu.
Comment met-on ces vagues souvenirs en vers?
En vain fait-on la recherche du temps perdu.

Poème chinois

「锦瑟」
锦瑟无端五十弦,一弦一柱思华年。
庄生晓梦迷蝴蝶,望帝春心托杜鹃。
沧海月明珠有泪,蓝田日暖玉生烟。
此情可待成追忆,只是当时已惘然。

李商隐

Explication du poème

Ce poème "La lyre" est l'une des œuvres majeures de Li Shangyin, poète de la dynastie Tang. Bien que sa date de composition reste incertaine, l'ensemble baigne dans une mélancolie profonde et une beauté onirique, généralement interprété comme une méditation sur la fuite du temps et la mémoire amoureuse. Le poète utilise les multiples cordes de la cithare comme métaphore des souvenirs, puis à travers une série d'allusions subtiles, déploie les années disparues, les sentiments tendres et une indicible perplexité. Ni narratif ni directement lyrique, ce poème adopte un symbolisme discontinu pour créer un monde artistique vaporeux, considéré comme un archétype du style "sans titre".

Premier couplet: « 锦瑟无端五十弦,一弦一柱思华年。 »
jǐn sè wú duān wǔ shí xián. yī xián yī zhù sī huá nián.
Pourquoi cette cithare brodée a-t-elle soudain cinquante cordes ?
Chaque corde, chaque chevalet évoque mes belles années.

L'ouverture s'appuie sur l'image de la cithare. Les "cinquante cordes", anormalement nombreuses (une cithare en a habituellement vingt-cinq), deviennent le symbole d'une mélancolie inexplicable. "Chaque corde, chaque chevalet" montre comment chaque note suscite un souvenir, transformant la musique en émotion pure. "Belles années" désigne non seulement la jeunesse, mais aussi les expériences sentimentales. Ce couplet entrelace ouïe, toucher et émotion intime, créant une hallucination où résonances et souvenirs se confondent.

Deuxième couplet: « 庄生晓梦迷蝴蝶,望帝春心托杜鹃。 »
zhuāng shēng xiǎo mèng mí hú dié. wàng dì chūn xīn tuō dù juān.
Zhuangzi au matin rêve qu'il est papillon, incertain du réel ;
L'empereur Wang confie son cœur printanier au coucou sanglant.

Ces deux vers introduisent des allusions philosophiques et émotionnelles : le "rêve du papillon" de Zhuangzi évoque l'illusion de l'existence ; l'empereur Wang, mort transformé en coucou pleurant du sang, symbolise la fidélité éternelle. Un couplet entre rêve et métamorphose, entre perplexité métaphysique et attachement passionné, créant une atmosphère à la fois mystérieuse et profondément émouvante.

Troisième couplet: « 沧海月明珠有泪,蓝田日暖玉生烟。 »
cāng hǎi yuè míng zhū yǒu lèi. lán tián rì nuǎn yù shēng yān.
Clair de lune sur la mer immense : les perles ont des larmes ;
Soleil tiède sur le champ bleu : le jade exhale une fumée.

Ce couplet passe du rêve à des images concrètes. "Mer sous la lune" crée un arrière-plan vaste et serein, tandis que "perles en larmes" personnifie la nature. "Fumée du jade" (le champ bleu produisait le jade le plus pur) symbolise pureté et beauté idéale. Larmes et fumée, l'une tangible, l'autre évanescente, expriment respectivement tristesse persistante et idéal inaccessible, intensifiant l'atmosphère émotionnelle.

Quatrième couplet: « 此情可待成追忆,只是当时已惘然。 »
cǐ qíng kě dài chéng zhuī yì. zhǐ shì dāng shí yǐ wǎng rán.
Ces sentiments ne deviendront souvenirs qu'après coup,
Mais sur le moment déjà, quelle indicible perplexité.

Les derniers vers constituent l'aboutissement émotionnel. En surface, ils évoquent la mémoire rétrospective, mais révèlent surtout une incompréhension "sur le moment". "Perplexité" exprime moins la tristesse qu'un sentiment inachevé, innommable. Le poète ne précise pas la nature de ces émotions, laissant un espace infini à l'interprétation. Cette abstraction universalise le "sentiment", permettant à chaque lecteur d'y projeter sa propre expérience.

Appréciation globale

"La Cithare Brodée" exprime une émotion intense à travers un réseau d'images et d'allusions, créant un langage symbolique d'une grande subtilité. Le poète ne précise pas s'il s'adresse à une femme ou évoque des souvenirs personnels, mais à travers ce langage crypté, explore des réflexions profondes sur jeunesse, idéal, amour et destin. Tout le poème baigne dans une atmosphère onirique où l'émotion surgit par vagues, tandis que les vers eux-mêmes restent d'une concision rationnelle - cette fusion d'émotion et de pensée étant la marque distinctive de Li Shangyin.

La construction est magistrale : partant de la cithare comme déclencheur mémoriel, le poème voyage à travers histoire, nature et mythes, pour aboutir à ce murmure de "perplexité", entraînant le lecteur dans la même émotion complexe. Sans narration explicite, le poème déploie une intense tension psychologique, représentant l'apogée de la poésie tardive des Tang par sa profondeur artistique et émotionnelle.

Traits stylistiques

  1. Imaginaire somptueux, allusions savantes : Presque chaque vers contient une référence culturelle (cithare, Zhuangzi, empereur Wang, perles, jade), créant des tableaux symboliques qui s'accumulent pour former un rêve poétique d'une grande richesse culturelle.
  2. Structure libre, progression interne : Bien que non strictement parallèle dans sa forme, les images s'enchaînent selon une logique psychologique : de l'instrument aux souvenirs, puis au rêve, à la métamorphose, aux larmes et au jade, pour aboutir à la méditation sur le temps - une spirale émotionnelle ascendante.
  3. Langage suggestif, émotion authentique : Li Shangyin excelle à utiliser symboles et métaphores pour exprimer des sentiments, plongeant le lecteur dans un brouillard où palpite pourtant une émotion vibrante de vérité.

Éclairages

"La lyre" révèle non seulement l'érudition et le talent poétique de Li Shangyin, mais touche aux thèmes essentiels de l'existence : temps, amour et mémoire. Il nous enseigne que bien des beautés de la vie ne sont comprises qu'après coup, et que le vrai regret réside moins dans l'irrémédiable que dans cette "perplexité sur le moment". Avec une beauté extrême, le poète exprime une vérité profonde : ce qui émeut le plus dans les sentiments, c'est souvent moins leur expression claire que leur perception voilée. Une leçon intemporelle sur les mystères du cœur humain.

Traducteur de poésie

Xu Yuan-chong(许渊冲)

À propos du poète

li shang yin

Li Shangyin (李商隐), oriundo de la ciudad de Jiaozuo, provincia de Henan, 813 - 858 d. C., fue un joven en circunstancias extremadamente difíciles. En literatura, Li Shangyin fue un gran poeta de la Dinastía Tang Tardía, cuyos poemas estaban a la altura de los de Du Mu. Sus poemas estaban escritos en forma de canciones y poemas, atacando los males de la época, recitando historia y enviando despedidas a los amigos.

Total
0
Shares
Prev
Li Shang-yin
li shang yin

Li Shang-yin

Li Shangyin (李商隐), 813 - 858 après J

Next
Le Plateau d’Anciens Tombeaux de Li Shangyin
le you yuan

Le Plateau d’Anciens Tombeaux de Li Shangyin

Au soir, d’un cœur mélancolique Je monte sur l’ancien plateau

You May Also Like