Phénix Perché sur le Platane de Liu Yong

feng qi wu · zhu yi wei lou feng xi xi
Dans la brise légère
Je m’appuie au balcon.
La mélancolie printanière
Étend son ombre jusqu’à l’horizon.
Les faibles lueurs du couchant
Dans les fumées voilent la verdure.
Qui me comprend,
Silencieux, accoudé
Contre la balustrade aux fines ciselures?

Dans le vin, j'essaye de noyer
Mon ennui, devant une coupe je chante.
Peu engageant est mon sourire forcé,
Et ma robe est flottante.
Mais ce n'est pas que je regrette
D’avoir maigri pour la coquette.

Poème chinois

「凤栖梧 · 伫倚危楼风细细」
伫倚危楼风细细,望极春愁,黯黯生天际。
草色烟光残照里,无言谁会凭阑意?
拟把疏狂图一醉,对洒当歌,强乐还无味。
衣带渐宽终不悔,为伊消得人憔悴。

柳永

Explication du poème

Ce ci compte parmi les chefs-d'œuvre de Liu Yong, incarnant la nostalgie profonde et persistante du poète. À travers la mélancolie d'une contemplation printanière depuis un pavillon élevé, l'œuvre exprime la douleur de l'absence et la fidélité inébranlable en amour. Exilé en terre étrangère, tiraillé entre l'échec politique et la passion amoureuse, Liu Yong tisse ces émotions complexes en un poignant chef-d'œuvre.

Première strophe : « 伫倚危楼风细细,望极春愁,黯黯生天际。草色烟光残照里,无言谁会凭阑意? »
Zhù yǐ wēi lóu fēng xì xì, wàng jí chūn chóu, àn àn shēng tiān jì. Cǎo sè yān guāng cán zhào lǐ, wú yán shuí huì píng lán yì?
Immobile au balcon fragile, brise ténue,
Contemplant l'horizon, nostalgie printanière,
Naissant obscurément aux confins du ciel.
Herbes et brume dans les lueurs crépusculaires,
Silencieux, qui comprendrait mon attente au garde-corps ?

Le poète capte l'instant où le regard perdu vers l'horizon fait naître l'infini désir. "Herbes et brume dans les lueurs crépusculaires" crée un paysage visuel éthéré où la beauté printanière accentue la solitude. La question rhétorique finale cristallise l'isolement émotionnel, l'indicible nostalgie se diffusant comme la brise dans l'espace.

Deuxième strophe : « 拟把疏狂图一醉,对酒当歌,强乐还无味。衣带渐宽终不悔,为伊消得人憔悴。 »
Nǐ bǎ shū kuáng tú yī zuì, duì jiǔ dāng gē, qiǎng lè hái wú wèi. Yī dài jiàn kuān zhōng bù huǐ, wèi yī xiāo dé rén qiáo cuì.
Voulant noyer dans l'ivresse ma folle passion,
Chantant face au vin,
Les joies forcées restent sans saveur.
Mon habit s'élargit, sans aucun regret,
Pour elle, j'accepte de dépérir.

Le poète passe du paysage à l'introspection. "Les joies forcées restent sans saveur" révèle le vide derrière les simulacres de gaieté. Les deux derniers vers, devenus légendaires, portent la passion à son paroxysme - la maigreur corporelle devenant la mesure tangible d'un amour absolu. Chaque caractère vibre d'une douloureuse sincérité.

Lecture globale

Le poème opère une progression magistrale du paysage à l'âme. La première strophe, ancrée dans le réel, voit naître l'émotion ; la seconde, introspective, explore les contradictions du cœur. Liu Yong transforme une simple scène de contemplation en méditation universelle sur l'amour et l'absence. La structure épurée et le langage apparemment simple recèlent une intensité émotionnelle rare, faisant de ce ci un sommet du lyrisme Song.

Spécificités stylistiques

  1. Dialectique sensorielle : Brise ténue (tactile) ↔ lueurs crépusculaires (visuel)
  2. Antithèses structurelles : Immobilité du poète ↔ vastitude de l'horizon
  3. Métamorphose corporelle : L'élargissement de la ceinture comme symptôme physique de la passion
  4. Économie expressive : Aucun mot superflu, chaque image porte sa charge émotionnelle

Éclairages

Ce poème révèle que la vraie passion réside dans le dépouillement plutôt que dans l'exubérance. Le "dépérissement accepté" de Liu Yong nous rappelle que l'amour authentique exige souvent le renoncement à soi-même. Dans notre époque de relations éphémères, cette œuvre constitue un antidote précieux - une célébration de la fidélité qui transcende même les ravages du temps. La beauté ultime serait peut-être cette capacité à aimer jusqu'à la transformation de son propre être.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Liu Yong

Liu Yong (柳永), vers 987 - 1053 après J.-C., était l'un des poètes les plus renommés du monde littéraire du début de la dynastie des Song du Nord. Les poèmes de Liu Yong avaient une grande portée et étaient largement diffusés.

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