Je ne vois ni les sages d'autrefois
Ni les héros à venir après moi.
Songeant aux éternels cieux et terres,
Que je répands de larmes solitaires!
Poème chinois:
「登幽州台歌」
陈子昂
前不见古人,后不见来者。
念天地之悠悠,独怆然而涕下!
Explication du poème:
Chen Ziang était un érudit de la dynastie Tang dont les grandes ambitions furent étouffées par une carrière officielle semée d’embûches. Bien qu’animé du désir ardent de servir son pays, il se heurta à d’innombrables obstacles. Lors d’un voyage vers le nord, il gravit la Terrasse de Youzhou (également appelée Tour de Jibei) et, contemplant l’immensité du ciel et de la terre, il songea au passé et au présent. Saisi d’émotion, il composa "Chant de l’Ascension sur la Terrasse de Youzhou." À travers son hommage aux sages d’antan, le poète exprime son amertume de ne pas être reconnu et sa mélancolie face à la brièveté de la vie et à l’incertitude du destin.
Premier distique: "前不见古人,后不见来者。"
(Regardant vers l’avant, je ne vois aucun sage du passé ; regardant vers l’arrière, je ne trouve aucun souverain éclairé cherchant les talents à venir.)
Ces vers prennent le temps comme fil conducteur, englobant passé et avenir pour exprimer la profonde insatisfaction du poète face à la réalité et son immense sentiment de perte. Il scrute l’histoire, mais ne trouve ni monarques sages d’antan ni souverains avisés dans l’avenir. Cette solitude et cette mélancolie traduisent le ressenti de nombreux talents ignorés par le système féodal.
Deuxième distique: "念天地之悠悠,独怆然而涕下!"
(En songeant à l’immensité infinie de l’univers, je me sens terriblement seul, et une tristesse accablante me submerge tandis que mes larmes coulent sans retenue.)
Le poète se situe dans l’immensité cosmique, ressentant sa propre petitesse et son impuissance. La vastitude du ciel et de la terre contraste avec la fugacité de la vie humaine, accentuant son désespoir d’être méconnu et de ne pouvoir accomplir ses ambitions. Une émotion intense se condense en larmes irrépressibles. Bien que concis, ces vers expriment une puissance émotionnelle saisissante et instaurent une atmosphère profondément mélancolique.
Caractéristiques d’écriture:
Ce poème, bien que bref, est d’une intensité remarquable, condensant des émotions profondes et des pensées vastes. Par quelques mots seulement, le poète parvient à transmettre un immense espace de réflexion. L’opposition entre passé et présent, entre l’éternité et l’éphémère, renforce l’atmosphère tragique. La variation rythmique des vers amplifie le sentiment de désolation et confère au poème une résonance poignante.
Appréciation générale:
"La tour de Youzhou" est un poème empreint d’une majestueuse mélancolie. Il ne s’agit pas seulement de la plainte personnelle de Chen Ziang sur son manque de reconnaissance, mais aussi d’un cri partagé par tous ceux qui, à travers les âges, ont vu leurs aspirations brisées. À la croisée de l’histoire et du présent, le poète exprime son vertige face à l’infinité de l’univers et la futilité de l’existence humaine. Il pleure à la fois son propre sort et celui des nombreux talents perdus dans les méandres du temps. Malgré sa brièveté, ce poème laisse une impression durable, marquant l’esprit du lecteur d’une profonde tristesse.
Réflexion:
Ce poème met en lumière la détresse de ceux dont les talents ne sont pas reconnus, tout en nous rappelant que, même si l’histoire demeure insensible, la véritable valeur réside dans la manière dont nous donnons du sens à notre existence limitée. Il nous encourage à persévérer face aux épreuves et à œuvrer pour laisser notre empreinte dans le monde. Même en l’absence de reconnaissance, il est essentiel de rester fidèle à ses aspirations et de vivre pleinement chaque instant.
Traducteur de poésie:
Xu Yuan-chong
À propos du poète:
Chen Zi'ang (陈子昂) était originaire de Shehong, dans la province du Sichuan, entre 661 et 702 de notre ère. Chen Zi'ang a préconisé le style des dynasties Han et Wei dans sa poésie, et a défendu l'idée que la poésie devait refléter la vie réelle et avoir des sentiments vrais. Il a produit de nombreuses œuvres influentes et excellentes, qui ont ouvert une nouvelle voie pour le développement de la poésie Tang.