Vieillie comme une fleur au vent,
Le jour de notre union j'attends.
Si nous n’avions pas le même cœur.
Deux herbes ne nous apportent nul bonheur.
Poème chinois
「春望词四首 · 其三」
薛涛
风花日将老,佳期犹渺渺。
不结同心人,空结同心草。
Explication du poème
Ce troisième volet des "Chants du Regard sur le Printemps" condense en vingt caractères toute la tragédie du temps qui fuit et des amours inassouvis. Xue Tao, la quarantaine passée, y atteint une intensité lyrique où chaque mot vibre de l'écho des printemps perdus.
Premier distique : « 风花日将老,佳期犹渺渺。 »
Fēng huā rì jiāng lǎo, jiāqī yóu miǎomiǎo.
Fleurs dans le vent, jour après jour se fanent, Tandis qu'au loin s'éloigne l'heure promise.
L'allitération en "f" (风花) mime le souffle érodant les pétales. L'adverbe "犹" (tandis que) établit un contraste cruel entre la fuite objective du temps ("se fanent") et l'attente subjective ("s'éloigne"). La "promesse" non tenue devient spectre hantant le présent.
Second distique : « 不结同心人,空结同心草。 »
Bù jié tóngxīn rén, kōng jié tóngxīn cǎo.
Ne pouvant unir les cœurs en un seul être, Je tresse en vain des herbes à double nœud.
Le parallélisme cruel entre "同心人" (être aimé) et "同心草" (herbes tressées) révèle l'abîme entre désir et réalité. Le mot "vide" (空) résonne comme un glas, transformant le geste rituel en cérémonie funèbre pour amour mort-né.
Lecture globale
Xue Tao orchestre ici une fugue à deux voix : la nature implacable (distique 1) et le cœur obstiné (distique 2). Le poème se noue et se dénoue comme ces herbes tressées - symbole de liens impossibles. Chaque vers est un étau qui se resserre autour de l'espoir, jusqu'à l'ultime aveu de vanité ("en vain").
Spécificités stylistiques
- Chronologie implacable : Les verbes de durée ("日将", "犹") créent une tension temporelle insoutenable
- Métaphore végétale : Les fleurs (fragilité) et les herbes (résilience) dialoguent en contrepoint
- Répétition lancinante : Le motif "同心" (unisson des cœurs), répété comme un mantra désenchanté
- Ellipse dramatique : L'absence totale de ponctuation renforce l'effet de respiration coupée
Éclairages
Ce poème miniature transcende son contexte historique pour toucher à l'universel. Le "nœud vide" de Xue Tao préfigure nos rituels contemporains face à l'absence - lettres jamais envoyées, messages sauvegardés sans destinataire. Une méditation bouleversante sur ces gestes que nous perpétuons, non par illusion, mais parce qu'ils sont devenus la seule langue encore capable de dire l'indicible amour. L'art suprême : faire d'un constat d'échec une victoire poétique absolue.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong(许渊冲)
À propos du poète
Xue Tao (薛涛), vers 768 - 832, était une poétesse de la dynastie Tang, originaire de Xi'an, dans la province de Shaanxi. Elle vivait à Chengdu, près du ruisseau de la fleur de raton laveur. Elle était douée pour la poésie et nombre de ses poèmes étaient consacrés à des objets, exprimant ses caractéristiques émotionnelles de recherche de la pureté et de la pureté.