Je fais de deux herbes un cœur
Pour envoyer à mon amour.
De mon chagrin je n 'ai plus peur,
Mais à l’oiseau triste on n 'est pas sourd.
Poème chinois
「春望词四首 · 其二」
薛涛
揽草结同心,将以遗知音。
春愁正断绝,春鸟复哀吟。
Explication du poème
Ce deuxième volet des "Chants du Regard sur le Printemps" de Xue Tao révèle une alchimie subtile entre symbolisme végétal et mélancolie printanière. Composé durant sa retraite spirituelle à la Rivière aux Fleurs Lavées, le poème transcende la simple complainte amoureuse pour atteindre une méditation sur l'essence même du lien humain.
Premier distique : « 揽草结同心,将以遗知音。 »
Lǎn cǎo jié tóngxīn, jiāng yǐ wèi zhīyīn.
Herbes cueillies, nœuds d'un seul cœur tressés, Offrande pour celui dont l'âme m'était accordée.
Le geste ancestral du "nœud同心" (union des cœurs) devient ici rituel solitaire. La matière végétale, fragile et éphémère, contraste avec la permanence du sentiment. L'expression "zhīyīn" (connaisseur de mes notes), empruntée au vocabulaire musical, élève le destinataire absent au rang d'âme sœur absolue.
Second distique : « 春愁正断绝,春鸟复哀吟。 »
Chūn chóu zhèng duànjué, chūn niǎo fù āi yín.
La mélancolie printanière semblait s'apaiser, Quand les oiseaux renouent leur plainte saisonnière.
Ce couplet magistral capture l'éternel retour du chagrin. Le verbe "renouer" (复), lourd de résignation, fait des oiseaux les complices involontaires de la douleur. Leur chant, normalement symbole de joie, se mue ici en écho douloureux à la solitude humaine.
Lecture globale
Xue Tao construit un double mouvement paradoxal : l'acte volontaire du tressage (distique 1) se heurte à la récurrence involontaire de la peine (distique 2). La "nappe de mélancolie" qui semblait se dissiper ressurgit par la faute des oiseaux - comme si la nature entière conspirait à raviver les blessures du cœur. Une dialectique douloureuse entre effort humain et indifférence cosmique.
Spécificités stylistiques
- Symbolisme organique : Les herbes (lien), les nœuds (union), les oiseaux (voix de l'âme) forment un réseau métaphorique cohérent
- Rupture temporelle : L'adverbe "quand" crée une cassure dramatique dans le flux émotionnel
- Synesthésie : Le chant des oiseaux ("哀吟", plainte) colore l'ensemble du paysage auditif
- Économie gestuelle : Le simple acte de tresser contient toute une philosophie relationnelle
Éclairages
Ce poème miniature pose une question universelle : comment préserver les liens quand l'autre a disparu ? Xue Tao répond par le geste artistique - tresser des herbes comme on tresse des vers. Les oiseaux, malgré leur cruauté involontaire, deviennent ainsi les interprètes nécessaires de cette douleur transformée en beauté. Une leçon sur la capacité de l'art à ritualiser l'absence, faisant du chant poétique le véritable "nœud同心" capable de traverser le temps.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong(许渊冲)
À propos du poète
Xue Tao (薛涛), vers 768 - 832, était une poétesse de la dynastie Tang, originaire de Xi'an, dans la province de Shaanxi. Elle vivait à Chengdu, près du ruisseau de la fleur de raton laveur. Elle était douée pour la poésie et nombre de ses poèmes étaient consacrés à des objets, exprimant ses caractéristiques émotionnelles de recherche de la pureté et de la pureté.