Ensemble nous ne jouissons pas la floraison.
Ni à la chute des fleurs nous ne déplorons.
Si l’on me demande ce qui fait mon malheur.
C’est bien la floraison et la chute des fleurs.
Poème chinois
「春望词四首 · 其一」
薛涛
花开不同赏,花落不同悲。
欲问相思处,花开花落时。
Explication du poème
Ce poème printanier, premier volet des "Chants du Regard sur le Printemps" composés par Xue Tao retirée dans sa retraite de la Rivière aux Fleurs Lavées, cristallise la sagesse mélancolique d'une femme ayant traversé les vicissitudes de la vie. À plus de quarante ans, l'ancienne courtisane transforme ici l'éphémère floral en miroir d'une attente amoureuse, avec une économie de moyens qui confine au sublime.
Premier distique : « 花开不同赏,花落不同悲。 »
Huā kāi bù tóng shǎng, huā luò bù tóng bēi.
Fleurs écloses - nul pour partager leur grâce, Pétales tombés - nul pour en pleurer l'effacement.
Le parallélisme parfait de ce couplet scelle une solitude absolue. La conjonction "不同" (ne pas partager) répétée comme un leitmotiv, crée une antithèse douloureuse entre la plénitude florale et le vide affectif. L'absence devient présence obsédante.
Second distique : « 欲问相思处,花开花落时。 »
Yù wèn xiāngsī chù, huā kāi huā luò shí.
"Où donc réside la nostalgie ?" demandez-vous. Aux heures d'éclosion et de chute des fleurs.
Cette réponse laconique opère une fusion alchimique entre le cycle naturel et les affres du cœur. L'alternance "éclosion/chute" mime le balancement de l'âme entre espoir et désillusion. Le poème atteint ici une universalité qui transcende son contexte biographique.
Lecture globale
Xue Tao érige le jardin en espace métaphysique. Chaque pétale devient chronomètre de l'absence, chaque bourgeon miroir des possibles perdus. La simplicité apparente du texte - quatre vers sans aucun ornement - dissimule une architecture émotionnelle d'une complexité rare, où le non-dit pèse plus lourd que les mots.
Spécificités stylistiques
- Épuration formelle : Structure binaire rigoureuse (2x2 vers) comme métaphore de la dualité présence/absence
- Temporalité circulaire : Le cycle floral (éclosion/chute) enferme le sujet dans un présent perpétuel
- Dépouillement lexical : Absence totale d'adjectifs, laissant les substantifs ("fleurs", "nostalgie") porter seuls l'émotion
- Interrogation rhétorique : La question fictive au 3e vers brise la mélancolie pour mieux y replonger
Éclairages
Plus qu'un simple poème d'amour, cette œuvre esquisse une méditation bouddhique sur l'impermanence. La "fleur" y est autant la bien-aimée que la poétesse elle-même - deux éphémères dans le grand cycle des renaissances. Xue Tao, en sage ayant dépassé les illusions, nous offre une leçon de lucidité : la vraie souffrance ne vient pas de l'absence, mais de l'impossible accord entre le rythme du cœur et celui des saisons. Un testament poétique d'une modernité saisissante.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong(许渊冲)
À propos du poète
Xue Tao (薛涛), vers 768 - 832, était une poétesse de la dynastie Tang, originaire de Xi'an, dans la province de Shaanxi. Elle vivait à Chengdu, près du ruisseau de la fleur de raton laveur. Elle était douée pour la poésie et nombre de ses poèmes étaient consacrés à des objets, exprimant ses caractéristiques émotionnelles de recherche de la pureté et de la pureté.