Chagrin au Printemps I de Jia Zhi

chun si · gu zhi i
L’herbe et les saules verdissent à qui mieux mieux;
Les fleurs de pêcher et de prunier éblouissent.
Le vent de l’est n’emporte pas mon chagrin vieux,
Qui s’allonge avec les jours qui s’épanouissent.

Poème chinois

「春思 · 其一」
草色青青柳色黄,桃花历乱李花香。
东风不为吹愁去,春日偏能惹恨长。

岑参

Explication du poème

Ce poème fut probablement composé durant l'exil de Jia Zhi. Loin de sa terre natale et en disgrâce politique, il ressentit avec une acuité particulière sa solitude et son chagrin face aux paysages printaniers. La "pensée" évoquée ici n'est pas la banale nostalgie amoureuse, mais le regret de l'exilé, la haine du banni - cette mélancolie profonde qui ne peut être dissipée.

Premier distique : « 草色青青柳色黄,桃花历乱李花香。 »
Cǎo sè qīng qīng liǔ sè huáng, táo huā lì luàn lǐ huā xiāng.
Vert tendre des herbes, or des saules, Pêchers en désordre fleuri, parfum des pruniers.

Le premier couplet dépeint avec intensité l'exubérance printanière : couleurs vives, senteurs enivrantes, un tableau sensoriel vibrant. Mais cette description n'est pas une fin en soi - cette beauté sert de contrepoint aux "regrets" évoqués ensuite, illustrant l'idée que "plus la saison est belle, plus la douleur est vive".

Second distique : « 东风不为吹愁去,春日偏能惹恨长。 »
Dōng fēng bù wèi chuī chóu qù, chūn rì piān néng rě hèn cháng.
Le vent d'est ne dissipe pas mon chagrin, Le printemps au contraire allonge mes regrets.

Le second distique opère un retournement émotionnel. Le poète reproche au vent son indifférence, au printemps d'exacerber sa peine, projetant ainsi ses émotions intérieures sur le paysage naturel. Les expressions "ne pas" (不为) et "au contraire" (偏能) créent une progression dialectique qui intensifie l'authenticité du sentiment.

Lecture globale

Derrière une description de printemps fastueux se cache en réalité une profonde amertume. Le poète utilise la beauté comme repoussoir à sa douleur, créant un contraste saisissant. Le premier couplet, riche en sensations, donne toute sa force au virage émotionnel du second où vents et saisons deviennent des interlocuteurs personnifiés. Ce traitement romantique, illogique en apparence mais d'une parfaite cohérence affective, confère au poème sa puissance. En quelques vers se déploie toute la complexité d'une âme en exil au cœur des splendeurs printanières.

Spécificités stylistiques

Le poème excelle dans l'art du contrepoint, utilisant la radiance printanière pour souligner l'opacité du chagrin. Le langage, d'une clarté lumineuse, joue sur des contrastes chromatiques et une harmonie rythmique. Le vers "Le vent d'est ne dissipe pas mon chagrin, / Le printemps au contraire allonge mes regrets" frappe par son invention : en personnifiant les éléments naturels, il donne corps aux émotions abstraites, enrichissant la lecture d'une profondeur mélancolique.

Éclairages

Ce poème nous enseigne qu'un environnement extérieur idyllique ne suffit pas à apaiser les blessures intérieures. Le printemps, loin de consoler le poète, exacerbe sa douleur - révélant cette sensibilité aiguë propre aux âmes en détresse. Le transfert émotionnel sur les éléments naturels (vent, printemps) illustre un mécanisme psychologique universel et montre comment la création littéraire fusionne sentiment et nature. Pour le lecteur moderne, cette résonance affective conserve une pertinence profonde : elle rappelle que la beauté du monde peut parfois souligner, plutôt que guérir, nos fractures intimes.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Jia Zhi (718 - 772 après J.-C.) était un poète de la dynastie Tang, originaire de Luoyang. Jia Zhi était célèbre pour ses écrits à l'époque, et était très respecté par les anciens écrivains de la dynastie Tang moyenne, tels que Dugu He et Liang Su.

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Bai Juyi (白居易), 772 - 846 après J

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