Une Rêverie de Zhang Zhongsu

chun gui si
Les saules hors de la ville odoient;
Les mûriers sur le sentier verdoient.
Elle oublie de cueillir les feuilles de mûrier,
Plongée encor dans le rêve d’hier.

Poème chinois

「春闺思」
袅袅城边柳,青青陌上桑。
提笼忘采叶,昨夜梦渔阳。

张仲素

Explication du poème

Ce poème de Zhang Zhongsu, figure majeure des Tang, dépeint l'émouvante nostalgie d'une jeune femme cueillant des mûres au printemps tandis que son époux guerroie aux frontières. En quatre vers seulement, l'auteur construit une œuvre à la structure ingénieuse, d'une authenticité émotionnelle rare, qui compte parmi les chefs-d'œuvre du genre "complaintes du gynécée".

Premier distique : « 袅袅城边柳,青青陌上桑。»
niǎo niǎo chéng biān liǔ, qīng qīng mò shàng sāng.
Souples, souples, les saules aux remparts,
Verts, verts, les mûriers le long des sentiers.

Le poète ouvre sur une scène printanière radieuse : les branches de saule ondulent doucement dans le vent, les feuilles de mûrier tapissent les chemins d'un vert éclatant. Ce paysage idyllique, privé de partenaire pour l'admirer, accentue paradoxalement la solitude de l'héroïne. L'épithète "souple" (袅袅) décrit non seulement la grâce des saules mais évoque aussi la tendresse infinie de la femme ; quant aux "mûriers des sentiers", allusion aux Ballades de Yuefu des Han, ils symbolisent discrètement sa vertu et la profondeur de son amour, transformant une description apparemment objective en véritable paysage intérieur.

Deuxième distique : « 提笼忘采叶,昨夜梦渔阳。»
tí lóng wàng cǎi yè, zuó yè mèng yú yáng.
Panier en main, j'oublie de cueillir,
Cette nuit je rêvais de Yuyang.

Ce distique cristallise la nostalgie. L'image du "panier oublié" (忘采叶), en quelques traits, capture avec une acuité remarquable l'état d'absorption mélancolique de l'héroïne. "Rêver de Yuyang" - place forte frontalière où est cantonné son époux - révèle la source de sa distraction. L'alternance entre l'éloignement réel et la rencontre onirique intensifie la nostalgie jusqu'à l'obsession, rendant le réveil d'autant plus poignant.

Lecture globale

Ce poème déploie en strates successives - description, mise en scène, expression des sentiments - les délicates émotions d'une jeune femme recluse. Le premier couplet peint un paysage printanier champêtre, où les saules légers et les mûriers verts créent une atmosphère à la fois douce et mélancolique. Le deuxième couplet, avec le geste dynamique de "porter sa corbeille en oubliant de cueillir", capture son état d'esprit troublé, tandis que "rêver de Yuyang" révèle le cœur émotionnel du poème, fusionnant parfaitement paysage et sentiment. En quatre vers seulement, les remous intérieurs du personnage sont dépeints avec une finesse remarquable, dans un langage à la fois frais et raffiné, d'une puissante force artistique.

Spécificités stylistiques

  • Sentiments incarnés dans le paysage​​ : Les saules et mûriers, apparemment objectifs, sont en réalité chargés d'émotion, fusionnant description et expression affective.
  • ​​Détails précis, images vives​​ : Le geste de "porter sa corbeille en oubliant de cueillir" résume avec une grande économie l'état d'esprit du personnage.
  • ​​Allusion littéraire subtile​​ : La référence classique aux "Mûriers du chemin" confère à l'héroïne une double image de constance et de chagrin, enrichissant la profondeur du poème.

Éclairages

Ce poème exprime avec pudeur le thème universel de la séparation guerrière et de la nostalgie conjugale, reflétant les tourments des simples gens dans le contexte des conflits militaires. En quelques traits précis, le poète parvient à transmettre une intense nostalgie et une profonde tristesse à travers des descriptions paysagères et gestuelles, nous rappelant avec émotion les peines de l'absence et la constance de l'amour. Il nous enseigne qu'au-delà des grands récits historiques, les émotions individuelles méritent d'être préservées ; et que la littérature demeure ce vecteur essentiel pour apaiser les âmes et donner refuge aux sentiments.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Zhang Zhongsu (张仲素), vers 769 - 819 après J.-C., était un poète de la dynastie Tang, originaire de Suzhou, dans la province de l'Anhui, et diplômé en 798. Zhang Zhongsu s'est spécialisé dans les poèmes lefu, et était doué pour décrire l'état d'esprit d'une femme pensante. Il a également écrit quelques poèmes frontaliers qui glorifiaient l'esprit combatif des gardes-frontières.

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