Adieu à mon oncle yun dans le pavillon de Xie Tiao de Li Bai

xuan zhou xie tiao lou jian bie xiao shu shu yun
Ce qui s’en va,
C ’est hier qu’on ne retient pas.
Ce qui trouble nos cœurs,
C ’est aujourd’hui, jour de douleur.
Les oies sauvages volent loin des yeux,
Nous ne les suivons pas en buvant nos adieux.
Vos écrits ont la force de poète ancien;
Et la pureté de jeune écrivain.
Nous avons l’esprit de voler en haut
Et voir de près la lune au ciel si beau.
On ne peut couper le courant d’eau, l’épée en main,
Ni noyer le chagrin dans le vin.
Si vous ne pouvez faire ce que vous voulez,
Voguez à la voile avec vos cheveux éparpillés!

Poème chinois

「宣州谢朓楼饯别校书叔云」
弃我去者昨日之日不可留;
乱我心者今日之日多烦忧。
长风万里送秋雁, 对此可以酣高楼。
蓬莱文章建安骨, 中间小谢又清发,
俱怀逸兴壮思飞, 欲上青天览明月。
抽刀断水水更流, 举杯销愁愁更愁。
人生在世不称意, 明朝散发弄扁舟。

李白

Explication du poème

Ce poème fut composé par Li Bai lors de ses voyages à Xuanzhou (actuel Xuancheng, Anhui), vers la fin de l'ère Tianbao (754), à la veille de la révolte d'An Lushan. Les crises latentent de l'âge d'or des Tang commençaient à poindre, et le poète, alors quinquagénaire, marqué par les vicissitudes de la vie, voyait le conflit entre son idéal et la réalité s'aiguiser. Ce poème d'adieu utilise le vin comme prétexte pour exprimer une angoisse profonde face au temps fugace et aux talents inemployés, ainsi qu'une passion indomptable en quête de libération.

Premier couplet : « 弃我去者昨日之日不可留;乱我心者今日之日多烦忧。 »
Qì wǒ qù zhě zuórì zhī rì bùkě liú; luàn wǒ xīn zhě jīnrì zhī rì duō fán yōu.
Ce qui m'a quitté, les jours d'hier, ne peuvent rester ; Ce qui trouble mon cœur, les jours d'aujourd'hui, sont pleins de soucis.

Le poème s'ouvre sur une phrase de onze caractères, semblable à la prose, telle un long soupir, exprimant directement les sentiments. La répétition de « jour » renforce l'impitoyable fuite du temps et l'angoisse persistante. Plus qu'un simple adieu, c'est une expression globale de la détresse existentielle, établissant le ton émotionnel agité du poème.

Deuxième couplet : « 长风万里送秋雁,对此可以酣高楼。 »
Chángfēng wànlǐ sòng qiū yàn, duì cǐ kěyǐ hān gāolóu.
Le vent long envoie sur mille lieues les oies sauvages d'automne ; Face à cela, on peut s'enivrer dans le haut pavillon.

L'émotion s'élève soudain, passant des soucis à la vastitude céleste. La beauté majestueuse du « vent long et des oies sauvages d'automne » et la passion de « s'enivrer dans le haut pavillon » créent une intense tension émotionnelle, montrant la pensée bondissante caractéristique de Li Bai et sa recherche de libération dans la nature. Cette scène est à la fois le paysage réel de l'adieu et le symbole de l'âme du poète.

Troisième couplet : « 蓬莱文章建安骨,中间小谢又清发。 »
Pénglái wénzhāng jiàn'ān gǔ, zhōngjiān xiǎo xiè yòu qīng fā.
Vos écrits, ossature de l'ère Jian'an, style des immortels ; Au milieu, le jeune Xie encore clair et épanoui.

Ce couplet relie habilement l'identité des deux hommes et le lieu. « Style des immortels » évoque les textes classiques de la bibliothèque de Han, métaphore des écrits élégants de Li Yun, correcteur ; « ossature de l'ère Jian'an » loue sa vigueur ; « le jeune Xie » (Xie Tiao) est naturellement associé au pavillon, Li Bai se compare à lui, exprimant son admiration pour les anciens poètes et sa confiance en son propre talent poétique frais et gracieux.

Quatrième couplet : « 俱怀逸兴壮思飞,欲上青天览明月。 »
Jù huái yì xìng zhuàng sī fēi, yù shàng qīngtiān lǎn míngyuè.
Emplis d'enthousiasme, nos pensées sublimes s'envolent ; Nous voulons monter au ciel bleu saisir la lune claire.

L'imagination du poète s'échappe des contraintes terrestres vers un monde fantastique. « Monter au ciel bleu » et « saisir la lune claire » symbolisent la quête ultime d'un idéal lumineux et pur. L'émotion atteint son apogée, révélant le romantisme aérien et la passion altière de Li Bai.

Cinquième couplet : « 抽刀断水水更流,举杯销愁愁更愁。 »
Chōu dāo duàn shuǐ shuǐ gèng liú, jǔ bēi xiāo chóu chóu gèng chóu.
Tirer le sabre pour trancher l'eau, l'eau coule plus fort ; Lever la coupe pour noyer le chagrin, le chagrin s'accroît.

L'émotion chute brutalement du ciel fantastique vers l'abîme réel. Ces deux métaphores, neuves et pertinentes, sont d'une originalité frappante. « Tirer le sabre pour trancher l'eau » symbolise l'inutilité et l'impuissance à lutter contre la réalité et à chasser les soucis ; « lever la coupe pour noyer le chagrin » révèle la vanité et l'effet contraire de l'ivresse. Le contraste violent et la structure répétitive rendent palpable cette angoisse inévitable et insoluble.

Sixième couplet : « 人生在世不称意,明朝散发弄扁舟。 »
Rénshēng zàishì bù chèng yì, míngzhāo sànfà nòng piānzhōu.
En cette vie, rien ne va comme on veut ; Demain, cheveux défaits, je jouerai avec une barque.

C'est la parole déterminée jaillissant d'une angoisse extrême. « Cheveux défaits, jouer avec une barque » est une image classique du rejet des honneurs et de la liberté bohème ; ce n'est pas une sérénité tranquille, mais une posture de rébellion teintée d'indignation et de fierté. Cette ultime « libération » est empreinte de la tristesse de l'idéal brisé et de l'amertume de l'échec, un chant poignant du héros vaincu.

Analyse globale

L'émotion du poème oscille violemment, sa structure s'ouvre et se referme largement. L'état d'esprit du poète balance entre l'oppression du temps, les troubles terrestres et l'envol de l'idéal, pour finalement, face à l'incapacité de dissiper le chagrin, mener à un exil et une libération pathétiques. Le langage du poème, impétueux comme un fleuve, cache une logique interne subtile dans ses transitions, montrant parfaitement le charme artistique unique de la poésie de Li Bai, « fraîche comme une fleur de lotus émergeant de l'eau, naturelle sans ornements », mais aussi bouillonnante d'inspiration et indomptable.

Caractéristiques stylistiques

  • Structure émotionnelle aux élans imprévisibles : Le flux émotionnel ne suit pas une progression linéaire, mais bondit comme un courant de conscience, recréant fidèlement le monde intérieur complexe et agité du poète à ce moment.
  • Allusions et jeux de mots naturels et ingénieux : L'usage d'allusions comme « Penglai », « Jian'an », « jeune Xie » correspond aux personnages et au lieu, enrichissant la connotation poétique sans trace de artifice.
  • Métaphores neuves et originales : La métaphore de « tirer le sabre pour trancher l'eau », sans précédent, matérialise le chagrin abstrait, exprimant vivement l'impuissance face à son écoulement incessant et ininterruptible, devenant un vers immortel.

Éclairages

Ce poème révèle profondément le dilemme spirituel et la voie de transcendance d'un individu de génie face aux obstacles terrestres. Il nous dit que le « rien ne va comme on veut » dans la vie est peut-être la norme, mais que l'« enthousiasme et les pensées sublimes » de l'esprit peuvent franchir toute barrière. Le choix de Li Bai nous rappelle que lorsque la voie terrestre est bloquée, préserver son indépendance intérieure et sa pureté, voire adopter la posture déterminée de « cheveux défaits, jouer avec une barque », est aussi une affirmation de sa propre valeur et une quête indomptable de liberté. Cette passion jaillie du désespoir rend sa tristesse non accablante, sa douleur capable de grandeur, encourageant éternellement les générations suivantes à chercher une issue dans l'adversité.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Li Bai

Li Bai (李白), 701 - 762 apr. Li Bai a porté la poésie chinoise classique, en particulier la poésie romantique, à son apogée et a influencé des générations de lettrés exceptionnels dans le passé et le présent grâce à ses remarquables réalisations.

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