Chant de la Branche : Adieu aux Rives du Sud de Lü Benzhong

sheng zha zi · ren fen nan pu chun
Nous nous séparons au printemps, sur les rives du sud,
Vidant nos coupes en chantant *Yangguan*.

Ma ceinture, insensible à mon chagrin,
Se desserre peu à peu sous le poids de l’adieu.

La tristesse s’enfonce comme une mer amère,
Le regret s’étend au-delà des montagnes lointaines.

Les cris des singes déchirent mon cœur,
Tels les oies de la légende effrayées par la corde de l’arc.

Poème chinois

「生查子 · 人分南浦春」
人分南浦春,酒把阳关盏。
衣带自无情,顿为离人缓。
愁随苦海深,恨逐前峰远。
更听断肠猿,一似闻弦雁。

吕本中

Explication du poème

Ce court poème lyrique (xiaoling) fut composé par Lü Benzhong, poète des Song du Sud dont la carrière officielle fut semée d'embûches, souvent disgracié et constamment en déplacement entre le nord et le sud. Les séparations fréquentes touchaient profondément son âme poétique. Le "Nanpu" (rive sud) évoque la région du Yangzi où l'on se séparait traditionnellement, tandis que "Yangguan" (poste de Yang) renvoie au poème d'adieu de Wang Wei "Envoyer Yuan Er en mission à Anxi", devenu un classique des séparations littéraires. Bien que le destinataire de cet adieu ne soit pas nommé, l'émotion profonde et subtile, ainsi que la maîtrise des images, trahissent une expérience personnelle douloureuse.

Première strophe : « 人分南浦春,酒把阳关盏。衣带自无情,顿为离人缓。 »
Rén fēn nán pǔ chūn, jiǔ bǎ yáng guān zhǎn. Yī dài zì wú qíng, dùn wèi lí rén huǎn.

"Nous nous séparons à Nanpu au printemps,
Levant nos coupes de Yangguan.
La ceinture de soie, pourtant insensible,
Se détend soudain pour l'âme en partance."

Le "Nanpu printanier" et la "coupe de Yangguan" établissent l'atmosphère de séparation - le premier gracieux, le second douloureux. La touche géniale réside dans la "ceinture de soie", objet inanimé qu'on croirait pourtant sensible à la tristesse, comme partageant l'émotion de son propriétaire, intensifiant le sentiment de séparation.

Seconde strophe : « 愁随苦海深,恨逐前峰远。更听断肠猿,一似闻弦雁。 »
Chóu suí kǔ hǎi shēn, hèn zhú qián fēng yuǎn. Gèng tīng duàn cháng yuán, yī sì wén xián yàn.

"Le chagrin s'approfondit comme une mer amère,
Le regret s'éloigne tel un pic lointain.
Plus déchirant encore, les cris de singes navrants,
Semblables aux oies sauvages effrayées par la corde de l'arc."

"Mer amère" et "pic lointain" symbolisent à la fois l'espace et l'émotion, exprimant l'immensité du chagrin ; "cris de singes" et "oies effrayées" sont des images classiques de tristesse sonore qui frappent directement l'âme, portant la mélancolie à son comble.

Lecture globale

Bien que bref, ce poème déborde d'émotion. La première strophe décrit concrètement la séparation : Nanpu, Yangguan, coupes et ceinture composent une scène d'adieu minutieuse où le sentiment passe progressivement des objets extérieurs à l'intériorité. La seconde strophe passe du visuel à l'auditif, déployant la profondeur psychologique à travers les métaphores de "mer amère" et "pic lointain", pour culminer avec les cris déchirants de singes et d'oies, créant une progression et une clôture émotionnelle. Lü Benzhong excelle à utiliser des images culturellement riches, donnant au poème une progression sensorielle tout en lui conférant une profondeur culturelle qui résonne longtemps après la lecture.

Spécificités stylistiques

  • Allusions raffinées : "Nanpu", "Yangguan", "singes navrants" et "oies effrayées" s'intègrent parfaitement au thème tout en enrichissant la texture culturelle.
  • Fusion paysage-émotion : Les paysages ne créent pas seulement une atmosphère mais interagissent avec les sentiments, comme "la ceinture qui se détend".
  • Polyphonie sensorielle : Du visuel au tactile puis à l'auditif, la progression émotionnelle est fluide et naturelle.
  • Brièveté intense : En quelques mots se concentre une émotion vaste, révélant la beauté de la concision dans les xiaoling.

Éclairages

Ce petit poème nous rappelle que la puissance émotionnelle ne réside pas dans de longues descriptions, mais dans la condensation du vrai sentiment à travers des images et des détails. Lü Benzhong, dans un espace limité, superpose des scènes comme "Nanpu printanier", "coupe de Yangguan" et "cris de singes" pour éveiller les échos les plus profonds chez le lecteur. Il nous enseigne que les émotions authentiques se transmettent souvent à travers les gestes les plus subtils et les images les plus classiques - quand l'adieu est profond, même les objets insensibles semblent émus, et tous les sons de la nature deviennent des échos de résonance.

À propos du poète

Lv Benzhong

Lü Benzhong (吕本中 1084 - 1145), originaire de Shouxian dans l'Anhui, fut un éminent poète et érudit néoconfucéen sous la dynastie Song du Sud. Théoricien clé de l'École poétique du Jiangxi, il formula le concept de « méthode vivante » (huofa), prônant des variations naturelles dans le cadre des règles poétiques établies. Auteur de plus de 1 270 poèmes conservés, sa Généalogie de l'École poétique du Jiangxi (Jiangxi Shishe Zongpai Tu) établit Huang Tingjian comme patriarche du mouvement, influençant profondément la théorie poétique des Song et servant de pont entre l'École Jiangxi et les Quatre Maîtres de la Renaissance Song.

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