La Branche du Piège : Six Courbes contre l'Arbre Vert de Feng Yansi

que ta zhi · liu qu lan gan wei bi shu
Les six courbes de la balustrade s’appuient à l’arbre vert,
Le vent léger des saules déploie toutes ses fibres dorées.
Qui a déplacé les chevilles du luth incrusté ?
Une paire d’hirondelles de mer traverse le rideau.

Mes yeux se remplissent de fils de soie et de duvet volant,
Lorsque s’ouvrent les abricotiers rouges,
Une averse de la Pure Lumière tombe soudain.

Après un profond sommeil, je m’éveille aux cris désordonnés des loriots,
Mon beau rêve brisé — nulle part où le retrouver.

Poème chinois

「鹊踏枝 · 六曲阑干偎碧树」
六曲阑干偎碧树,杨柳风轻,展尽黄金缕。
谁把钿筝移玉柱?穿帘海燕双飞去。

满眼游丝兼落絮,红杏开时,一霎清明雨。
浓睡觉来莺乱语,惊残好梦无寻处。

冯延巳

Explication du poème

Feng Yansi, haut dignitaire sous le règne de Li Yu, dernier souverain des Tang du Sud durant la période des Cinq Dynasties, fut également l'un des pionniers de la poésie lyrique (ci) des Tang du Sud. Ses œuvres, empreintes d'une grâce subtile et mélancolique, excellent à dépeindre les sentiments amoureux et les pensées secrètes des femmes dans leur gynécée. Ce poème, l'un de ses plus célèbres ci sur les sentiments féminins, fut composé sous les Tang du Sud, une époque où la culture était florissante et où prédominait un style poétique à la fois élégant et suggestif, particulièrement enclin à exprimer les thèmes de la solitude et de la séparation à travers le prisme féminin. Ce poème adopte le point de vue d'une femme qui, par une après-midi de printemps, passe du paysage à l'émotion, s'éveillant d'un rêve pour se lamenter sur le printemps, exprimant ainsi une solitude mélancolique dans un style gracieux où "le paysage recèle des sentiments et les sentiments s'incarnent dans le paysage".

Première strophe : « 六曲阑干偎碧树,杨柳风轻,展尽黄金缕。谁把钿筝移玉柱?穿帘海燕双飞去。 »
Liù qū lán gān wēi bì shù, yáng liǔ fēng qīng, zhǎn jìn huáng jīn lǚ. Shuí bǎ diàn zhēng yí yù zhù? Chuān lián hǎi yàn shuāng fēi qù.

Dans le jardin printanier, les balustrades sinueuses à six courbes s'appuient contre l'ombre verte des arbres,
Une brise légère caresse les saules, déployant leurs filaments dorés.
Soudain, une mélodie de cithare — qui donc pince les cordes ornées de perles entre les chevalets de jade ?
Puis une paire d'hirondelles de mer traverse le rideau, s'envolant librement.

Cette strophe peint la beauté paisible d'un jardin printanier : balustrades, saules, mélodie de cithare et hirondelles composent une image douce et lumineuse. Visuellement, c'est un entrelacs de verdure, de filaments dorés et de lumière printanière ; auditivement, une douce mélodie de cithare et le bruissement lointain des hirondelles ; émotionnellement, on perçoit déjà la solitude et la mélancolie silencieuse de la femme. La mélodie de cithare symbolise ses pensées secrètes, tandis que le vol des hirondelles souligne sa solitude, fusionnant paysage et sentiment dans une signification profonde.

Seconde strophe : « 满眼游丝兼落絮,红杏开时,一霎清明雨。浓睡觉来莺乱语,惊残好梦无寻处。 »
Mǎn yǎn yóu sī jiān luò xù, hóng xìng kāi shí, yī shà qīng míng yǔ. Nóng shuì jiào lái yīng luàn yǔ, jīng cán hǎo mèng wú xún chù.

Des fils de soie flottants et des chatons de saule emplissent le jardin ;
Les abricotiers rouges sont en fleur quand soudain tombe une averse de la Pure Lumière.
La femme s'éveille d'un lourd sommeil au gazouillis désordonné des loriot,
Son doux rêve interrompu — plus trace de l'être aimé ni des sentiments du rêve.

Cette strophe passe du paysage à l'émotion. "Fils de soie flottants", "chatons de saule" et "abricotiers rouges" sont autant d'images éphémères de la fin du printemps, évoquant le passage du temps et la fugacité de la beauté. La "pluie de la Pure Lumière", bien que brève, est riche de symboles, imprégnant la scène d'une atmosphère de mélancolie qui semble ajouter une touche de tristesse à l'humeur de la femme. Si le rêve offrait peut-être quelque réconfort, le réveil ne laisse que le vide, et les mots "plus trace" portent la mélancolie et la solitude à leur paroxysme, transformant la profondeur printanière en une élégie poignante.

Lecture globale

Ce poème débute par un jardin printanier et superpose des images de saules, de mélodies de cithare, d'hirondelles, de chatons de saule et de pluie printanière pour créer un tableau à la fois lumineux et brumeux d'un printemps féminin. Dans ce cadre apparemment paisible, les émotions s'agitent subtilement, passant de la mélodie de cithare et des hirondelles au réveil du rêve et au gazouillis des loriots, révélant progressivement la solitude et la mélancolie de la femme. Le poète n'exprime pas directement les sentiments, mais utilise les changements de l'environnement et les détails quotidiens pour révéler avec habileté l'état d'esprit de la femme.

Les vers "La femme s'éveille d'un lourd sommeil au gazouillis désordonné des loriots, son doux rêve interrompu — plus trace de l'être aimé ni des sentiments du rêve" concluent avec une force naturelle qui laisse une longue résonance. L'impuissance et le désarroi d'un beau rêve interrompu sont exprimés avec une intensité remarquable en seulement quatorze caractères, un exemple classique du style gracieux où "les sentiments sont dans le paysage et le paysage révèle les sentiments".

Spécificités stylistiques

  • Paysage et sentiment fusionnés : Les sentiments printaniers sont exprimés à travers le paysage, intégrant l'émotion à l'environnement sans jamais mentionner directement la "tristesse", mais la laissant transparaître partout.
  • Images magnifiques, langage raffiné : "Filaments dorés", "cithare ornée de perles", "fils de soie flottants", "pluie de la Pure Lumière" sont autant de termes typiques et poétiques.
  • Style suggestif, émotion profonde : Les sentiments ne sont pas exprimés directement, mais à travers des images comme les hirondelles ou le réveil du rêve, révélant les pensées intimes du personnage.
  • Structure naturelle, progression claire : La première strophe décrit la beauté extérieure et les mouvements, la seconde se tourne vers les tumultes intérieurs, créant un contraste frappant.

Éclairages

Ce poème nous enseigne que dans l'expression littéraire, les émotions peuvent sourdre des plus infimes détails du paysage, en "dépeignant l'extérieur" pour "révéler l'intérieur", en "décrivant le calme" pour "montrer le mouvement". La tristesse de la femme n'est jamais exprimée directement, mais apparaît subtilement à travers un fil de soie flottant ou le gazouillis d'un loriot, évoquant une profonde émotion. Il nous apprend également à prêter attention, dans la vie quotidienne, à ces changements subtils, à ces petits éléments souvent négligés qui reflètent le plus fidèlement les sentiments profonds de l'âme. En outre, il montre que la création artistique n'a pas besoin d'être une expression explicite : la suggestion et l'implication rendent l'œuvre plus durable et plus riche.

À propos du poète

Feng Yansi

Feng Yansi (冯延巳 903 - 960), prénom social Zhengzhong, originaire de Guangling (actuelle Yangzhou, Jiangsu), fut un célèbre poète de ci sous les Tang du Sud durant la période des Cinq Dynasties et Dix Royaumes. Nommé Vice-directeur gauche du Département des Affaires d'État (Zuo Puye Tongping Zhangshi), il jouit de la confiance absolue de l'empereur Li Jing. Ses ci tracèrent une nouvelle voie au-delà de la tradition Huajian, influençant directement des maîtres ultérieurs comme Yan Shu et Ouyang Xiu, jouant un rôle pivot dans la transition du ci d'"art des musiciens" vers "expression lettrée des fonctionnaires-érudits".

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