Chant de la Pure Sérénité I de Li Bai

qing ping diao I
Les nuages rappellent sa robe, les fleurs son visage,
Le vent printanier caresse la terrasse, la rosée est abondante.
Si on ne la voit pas au sommet du Mont de Jade,
On la rencontrera sous la lune, près du Pavillon de Jade.

Poème chinois

「清平调 · 其一」
云想衣裳花想容,春风拂槛露华浓。
若非群玉山头见,会向瑶台月下逢。

李白

Explication du poème

Ce poème fut composé au printemps de la deuxième année de l'ère Tianbao (743) de l'empereur Tang Xuanzong. Alors académicien à la cour, Li Bai reçut la commande d'improviser des vers près du Pavillon de l'Ébène (Chenxiangting) dans le palais Xingqing, pour célébrer la contemplation des pivoines par l'empereur et sa concubine Yang Guifei. Premier d'un cycle de trois, ce poème, dans le contexte spécifique d'une commande impériale, élève la joie des souverains à un monde immortel par une imagination et un talent extraordinaires, satisfaisant à l'exigence de louange tout en déployant un romantisme unique, devenant un chef-d'œuvre novateur de la poésie de cour des Tang.

Premier couplet :« 云想衣裳花想容,春风拂槛露华浓。 »
Yún xiǎng yīshang huā xiǎng róng, chūnfēng fú kǎn lù huá nóng.
Les nuages songent à ses robes, les fleurs à son visage ;
Vent de printemps caresse la balustrade, rosée éclatante abonde.

L'ouverture établit le ton par deux associations merveilleuses. Le mot clé est « songent à » (想), qui n'est pas un simple « ressembler à », mais implique le processus actif de voir les nuages et penser à ses robes, voir les fleurs et penser à son visage. Cela loue la beauté de Yang Guifei, capable de susciter une rêverie infinie, et montre indirectement l'état d'enchantement des spectateurs (l'empereur et le poète). « Vent de printemps caresse la balustrade, rosée éclatante abonde » précise habilement temps et espace : un matin de printemps, un pavillon impérial. « Rosée éclatante abonde » décrit à la fois la fraîcheur des pivoines perlées de rosée et, métaphoriquement, l'état de vie florissant de la concubine, baignée de la faveur impériale.

Deuxième couplet : « 若非群玉山头见,会向瑶台月下逢。 »
Ruò fēi qún yù shān tóu jiàn, huì xiàng yáotái yuè xià féng.
Si ce n'est au sommet du mont de Jade amoncelé,
Ce sera sous la lune sur la Terrasse de Jade qu'on la rencontrera.

Le poète porte l'éloge à l'extrême, passant du monde humain au royaume immortel. « Mont de Jade amoncelé » et « Terrasse de Jade » sont, dans la mythologie, les demeures de la Reine-Mère de l'Ouest, représentant le plus haut monde divin. La structure « Si ce n'est… ce sera… » affirme avec une certitude hypothétique que sa beauté n'appartient pas au monde mortel, mais ne peut exister qu'au royaume des immortels. C'est le compliment suprême, et il reflète la pensée romantique de Li Bai — associer les plus belles choses aux images mythologiques, leur conférant ainsi un caractère éternel et sacré.

Analyse globale

Le succès de ce poème réside dans le fait que Li Bai, dans le cadre strict d'une commande impériale, réalise un envol artistique libre. Chargé de louer Yang Guifei, il évite les clichés de la description directe, utilisant métaphores, associations et symboles mythiques pour construire un espace esthétique vaporeux et magnifique. Dans le poème, « nuages », « fleurs », « vent de printemps », « rosée » sont des scènes réelles, tandis que « mont de Jade », « Terrasse de Jade sous la lune » sont des lieux divins illusoires. Le poète, prenant la beauté de la concubine comme lien, unit parfaitement le réel et l'illusoire, donnant l'impression d'une beauté à la fois tangible (comme les fleurs et nuages présents) et lointaine, sacrée (comme les palais de jade). Cette approche satisfait l'exigence de « noblesse » de la poésie de cour, évite la flatterie niaise, gardant un ton élégant et une atmosphère éthérée. En quatre vers seulement, le poème accomplit le processus complet de l'association visuelle au bond spatial, montrant l'art suprême de Li Bai pour condenser le temps et l'espace, transformer le réel en virtuel.

Caractéristiques stylistiques

  • Combinaison ingénieuse de métaphores et d'associations : Les métaphores ne sont pas statiques (« A ressemble à B »), mais dynamiques (« voir A fait songer à B »), cette métaphore « interactive » stimule davantage la participation et l'imagination du lecteur.
  • Trinité de la femme, de la fleur et de l'immortelle : Le poème fusionne constamment les images de Yang Guifei, de la pivoine et de l'immortelle. La « fleur » est la métaphore de la concubine, qui elle-même est l'incarnation terrestre de l'« immortelle » ; les trois s'entremêlent, se renvoyant l'image, renforçant grandement la richesse et le mystère de l'éloge.
  • Récit de cour implicite : Aucun mot ne mentionne directement l'empereur, mais le « vent de printemps », la « rosée » évoquent métaphoriquement la faveur impériale ; « mont de Jade », « Terrasse de Jade » correspondent au désir d'immortalité de l'empereur. Le rôle de l'empereur comme spectateur et possesseur est implicitement présent derrière les vers, ce qui convient à la retenue attendue d'un sujet face à son souverain.

Éclairages

Cette œuvre nous montre qu'un véritable génie peut trouver une fissure pour briller même dans le contexte de création le plus contraignant. L'Air de Qingping de Li Bai transcende le simple éloge de commande pour devenir une note unique de l'esprit des Tang et de l'âme romantique. Il nous rappelle que la beauté possède un pouvoir de sublimation, capable de transformer une joie mondaine (la contemplation des fleurs par l'empereur et sa concubine) en une image artistique éternelle. Par ailleurs, cette imagination qui attribue la beauté ultime au royaume des immortels implique aussi l'intuition que « les choses parfaites ont du mal à demeurer longtemps dans le monde mortel », ajoutant à cet hymne splendide une touche subtile de méditation philosophique sur l'éternité et l'anéantissement.

À propos du poète

Li Bai

Li Bai (李白), 701 - 762 apr. Li Bai a porté la poésie chinoise classique, en particulier la poésie romantique, à son apogée et a influencé des générations de lettrés exceptionnels dans le passé et le présent grâce à ses remarquables réalisations.

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