Félicitations au Jeune Marié : La Fatigue de Xiangru Âgé de Liu Guo

he xin lang · lao qu xiang ru juan
Xiangru vieilli, épuisé,
Demande à Wenjun :
« Comment passer le temps désormais ? »

Là où nos manches trempèrent dans la poussière de la capitale,
Ne reste qu’un parfum mou, une douceur fanée.
Nos âmes, je le sais, se consument en silence.

Sur l’oreille fraîche de l’auberge,
J’écoute la pluie trembler dans les phœnix,
Le vent d’automne frissonner.
La lueur de la lampe est froide —
Soudain, je me souviens de notre première rencontre.

Le pavillon bas ne laisse pas rouler les perles du rideau.
Fard du soir effacé,
Sourcils d’émeraude en désordre,
Larmes figées sur les joues.

On dit que le chagrin se noie dans le vin,
Mais mon chagrin est trop profond, le vin trop léger.
Je confie tout à mon luth brûlé et mon éventail de soie.

Ne jouez pas le « Chant du Fleuve » sur le pipa,
De peur que les roseaux et les érables ne sanglotent.

Nuages par milliers,
Mon cœur tient en un pouce d’éloignement.

Poème chinois

「贺新郎 · 老去相如倦」
老去相如倦。向文君、说似而今,怎生消遣?
衣袂京尘曾染处,空有香红尚软。料彼此、魂消肠断。
一枕新凉眠客舍,听梧桐疏雨秋风颤。
灯晕冷,记初见。

楼低不放珠帘卷。晚妆残,翠蛾狼藉,泪痕凝脸。
人道愁来须殢酒,无奈愁深酒浅。但托意焦琴纨扇。
莫鼓琵琶江上曲,怕荻花枫叶俱凄怨。
云万叠,寸心远。

刘过

Explication du poème

Ce poème tardif de Liu Guo reflète son désenchantement politique et sa mélancolie existentielle. S'étant auto-désigné "Dépositaire du Dragon", échouant aux examens impériaux et errant dans la capitale, il éprouva l'amertume d'être "un patriote sans porte". À travers la rencontre avec une chanteuse déchue (allusion à Zhuo Wenjun), le poète superpose le destin des lettrés marginalisés et des femmes déclassées, exprimant une douloureuse résignation face aux échecs personnels et aux idéaux inassouvis. D'une profondeur allégorique, ce poème mêle références historiques et pathos contemporain avec une authenticité poignante.

Première strophe : « 老去相如倦。向文君、说似而今,怎生消遣?衣袂京尘曾染处,空有香红尚软。 »
Lǎo qù xiàng rú juàn. Xiàng wén jūn, shuō shì ér jīn, zěn shēng xiāo qiǎn? Yī mèi jīng chén céng rǎn chù, kōng yǒu xiāng hóng shàng ruǎn.

"Vieilli comme Xiangru épuisé,
À Wenjun je conte mon présent -
Comment dissiper ce chagrin ?
Sur mes manches poussière de capitale,
Ne persiste qu'un faible parfum écarlate."

L'ouverture par les figures légendaires de Sima Xiangru et Zhuo Wenjun établit un parallèle historique. La "poussière de capitale" symbolise les tribulations passées, contrastant avec la fragilité ("faible parfum") de la compagne actuelle, créant une tension pathétique.

« 料彼此、魂消肠断。一枕新凉眠客舍,听梧桐疏雨秋风颤。灯晕冷,记初见。 »
Liào bǐ cǐ, hún xiāo cháng duàn. Yī zhěn xīn liáng mián kè shè, tīng wú tóng shū yǔ qiū fēng chàn. Dēng yùn lěng, jì chū jiàn.

"Nous nous consumons à l'unisson.
Sur l'oreiller frais de l'auberge,
J'écoute la pluie clairsemée dans les sterculiers,
Le frisson du vent d'automne.
Lueur froide de la lampe -
Je me souviens de notre première rencontre."

L'évocation sensorielle (fraîcheur, pluie, frisson) externalise la détresse intime. La lampe froide et le souvenir de la première rencontre créent un effet de clair-obscur émotionnel.

Deuxième strophe : « 楼低不放珠帘卷。晚妆残,翠蛾狼藉,泪痕凝脸。 »
Lóu dī bù fàng zhū lián juǎn. Wǎn zhuāng cán, cuì é láng jí, lèi hén níng liǎn.

"L'étage bas, les rideaux de perles clos.
Fard du soir défait,
Sourcils-émeraude en désordre,
Traces de larmes figées sur le visage."

La description précise (rideaux clos, fard défait) peint une misère concrète. Les "sourcils-émeraude" désordonnés et les larmes cristallisées révèlent une détresse à la fois esthétisée et crue.

« 人道愁来须殢酒,无奈愁深酒浅。但托意焦琴纨扇。 »
Rén dào chóu lái xū tì jiǔ, wú nài chóu shēn jiǔ qiǎn. Dàn tuō yì jiāo qín wán shàn.

"On dit que le chagrin se noie dans le vin -
Hélas ! Mon chagrin est profond, le vin superficiel.
Je ne puis qu'investir
Le luth brûlé et l'éventail de soie."

L'antithèse entre chagrin profond et vin superficiel déconstruit le lieu commun. Les objets culturels (luth, éventail) deviennent des réceptacles symboliques de l'échec.

« 莫鼓琵琶江上曲,怕荻花枫叶俱凄怨。云万叠,寸心远。 »
Mò gǔ pí pá jiāng shàng qǔ, pà dí huā fēng yè jù qī yuàn. Yún wàn dié, cùn xīn yuǎn.

"Ne joue pas l'air du pipa sur le fleuve,
De peur que roseaux et érables
Ne s'imprègnent de notre désolation.
Nuages par myriades -
Mon cœur minuscule s'éloigne."

L'allusion au Pipa xing de Bai Juyi enrichit la résonance culturelle. L'image finale des nuages infinis contre un cœur qui s'éloigne condense en un contraste spatial toute la solitude existentielle.

Lecture globale

Ce poème opère une fusion magistrale entre allégorie historique et confession personnelle. La première strophe, à travers les figures de Sima Xiangru et Zhuo Wenjun, établit un parallèle entre le destin du poète et celui des marginaux. La seconde strophe, plus concrète, dépeint la misère matérielle et spirituelle à travers des détails sensoriels précis. L'œuvre culmine dans l'image cosmique finale où l'immensité des nuages renvoie à l'isolement du cœur, synthétisant en une métaphore spatiale toute la condition du lettré marginalisé.

Spécificités stylistiques

  • Allusions historiques stratifiées
    Les références à Sima Xiangru, au luth brûlé et au Pipa xing créent des strates de signification qui transcendent l'anecdote personnelle.
  • Matérialisation de l'émotion
    Les objets (rideaux, fard, luth) et phénomènes naturels (pluie, nuages) deviennent les réceptacles tangibles de sentiments abstraits.
  • Contrastes dynamiques
    L'opposition systématique entre profondeur (chagrin) et superficialité (vin), entre immensité (nuages) et petitesse (cœur) structure la tension poétique.
  • Économie suggestive
    Aucune plainte explicite - la détresse se lit en creux dans les détails concrets (larmes figées, rideaux clos).

Éclairages

Liu Guo transforme ici son échec personnel en une méditation universelle sur la condition humaine. Le poème enseigne que les objets culturels (luth, éventail) peuvent devenir des reliques de nos idéaux déchus. Son ultime image des nuages contre un cœur solitaire rappelle que la vraie solitude est moins l'absence d'autrui que la distance entre nos aspirations et la réalité. Une leçon actuelle : nos "luths brûlés" contemporains (projets avortés, carrières contrariées) méritent pareille transfiguration esthétique, où l'échec devient source de création plutôt que de ressentiment.

À propos du poète

Liu Guo

Liu Guo (刘过 1154 - 1206) , originaire de Taihe dans le Jiangxi, fut un poète ci de l'École Héroïque et Délibérée (haofang pai) sous la dynastie Song du Sud. Bien que demeuré roturier sa vie durant, errant entre fleuves et lacs, il fréquenta des géants littéraires comme Lu You et Xin Qiji. Ses ci débordent de passion héroïque, tandis que sa poésie affiche vigueur et force. Stylistiquement proche de Xin Qiji mais encore plus audacieux, Liu Guo devint une figure centrale parmi les disciples poétiques de Xin.

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