Sur le Pic Volant, une tour de mille brasses,
Au chant du coq, on y voit naître l’aube.
Les nuages passagers n’aveuglent pas —
Car je domine depuis le faîte.
Poème chinois
「归庵」
王安石
稻畦藏水绿秧齐,松鬣初乾尚有泥。
纵蹇寻冈归独卧,东庵残梦午时鸡。
Explication du poème
Cette œuvre fut écrite après que Wang Anshi eut démissionné de son poste de Premier ministre et se fut retiré à Jiangning (actuelle Nanjing). Vivant dans le monastère Dong'an, il se consacrait à l'étude et à la méditation, menant une vie simple en harmonie avec les montagnes et les forêts. Ce poème capture les observations et émotions du poète lors d'un retour vers le monastère, dépeignant les paysages naturels d'un village de montagne au début de l'été, combinés à la quiétude de sa vie retirée, formant ainsi une peinture sereine et profonde de la vie érémitique.
Premier couplet : « 稻畦藏水绿秧齐,松鬣初乾尚有泥。 »
(Dào qí cáng shuǐ lǜ yāng qí, sōng liè chū gān shàng yǒu ní.)
"Les rizières cachent des eaux où les jeunes pousses vertes s'alignent ;
Les racines de pin, à peine sèches, gardent encore leur boue."
Ce couplet décrit les paysages agricoles d'un village montagnard au début de l'été. En descendant du monastère, le poète observe les jeunes pousses de riz, bien alignées, leur vert tendre reflétant la lumière de l'eau, pleines de vitalité. Les "racines de pin" (松鬣), fines et duveteuses, "à peine sèches" avec "encore leur boue", évoquent un sol humide après une récente pluie, capturant un moment précis où la nature est encore imprégnée de fraîcheur. Cette description, bien que paisible, suggère une dynamique sous-jacente et une énergie vitale.
Deuxième couplet : « 纵蹇寻冈归独卧,东庵残梦午时鸡。 »
(Zòng jiǎn xún gāng guī dú wò, dōng ān cán mèng wǔ shí jī.)
"Bien que boitant, je gravis la colline pour regagner ma couche solitaire ;
Dans le monastère Dong'an, un rêve inachevé persiste au chant du coq de midi."
Le deuxième couplet passe du paysage extérieur à l'état intérieur du poète. Malgré sa marche difficile ("boitant"), il suit résolument le sentier de la colline pour retourner au monastère, illustrant sa détermination et sa satisfaction dans cette vie retirée. "Couche solitaire" souligne son choix d'une existence simple et solitaire. Le "chant du coq de midi" évoque le rythme paisible de la vie rurale, tandis que le "rêve inachevé" suggère un état entre sommeil et éveil, empreint de légèreté et de détachement, presque onirique.
Lecture globale
En seulement quatre vers, ce poème dépeint avec élégance la tranquillité de la vie érémitique, la beauté des paysages naturels et la sérénité intérieure du poète. Le premier couplet, centré sur la nature, décrit les champs de riz, les jeunes pousses vertes, les racines de pin et la boue humide, autant d'éléments qui forment une peinture vivante. Le deuxième couplet se tourne vers l'intérieur, révélant, à travers des expressions comme "boitant", "couche solitaire" et "rêve inachevé", la quiétude et la plénitude d'esprit du poète malgré son âge et ses limites physiques.
Les images du "retour" et du "rêve" s'entrelacent, mêlant réel et imaginaire ; les "rizières cachant l'eau" et le "rêve inachevé dans le monastère" se répondent, combinant mouvement et immobilité. Le poème allie la fraîcheur pastorale des scènes rurales à la transcendance d'un esprit érémitique, reflétant la quête de paix et de simplicité qui caractérise les dernières années du poète.
Spécificités stylistiques
- Émotion dans le paysage, mouvement dans la tranquillité :
Le poème s'appuie sur des descriptions précises de la vie rurale, mais des détails comme la boue encore humide ou les jeunes pousses immergées suggèrent le passage du temps et la vitalité de la nature. - Concision expressive, retenue stylistique :
Le vers "Dans le monastère Dong'an, un rêve inachevé persiste au chant du coq de midi" est d'une simplicité trompeuse, riche en significations. Entre rêve et réalité, silence et son, monde intérieur et extérieur, il crée une fusion subtile et profonde. - Langage sobre, images naturelles :
Les mots sont simples, sans ornements excessifs. Les pousses de riz, les pins, la boue et les coqs sont des éléments ordinaires, mais leur combinaison forme un tableau vivant d'un village montagnard au début de l'été. - Harmonie entre paysage et émotion, élégance classique :
La description des scènes extérieures est inséparable de l'état intérieur du poète. Le trajet vers le monastère, les rêves dans la cellule, les bruits de la campagne sont autant de détails qui s'unissent pour créer une œuvre à la fois simple et profonde.
Éclairages
Ce poème, avec son langage épuré, dessine une image paisible et naturelle d'une vie retirée, montrant comment le poète embrasse cette existence et observe profondément la nature. Il nous enseigne que le vrai refuge est dans la tranquillité de l'esprit : même avec des limites physiques, une âme sereine trouve la paix. Dans les rizières et les monastères les plus ordinaires, on peut découvrir une forme de transcendance et de liberté. L'essence de la vie ne réside pas dans l'éclat et l'agitation, mais dans la possession d'une véritable quiétude et d'une sérénité durable.
À propos du poète
Wang Anshi (王安石, 1021 - 1086), originaire de Linchuan dans le Jiangxi, fut un éminent homme politique et lettré des Song du Nord. Figure centrale des "Réformes de Xining", son œuvre littéraire reflète tout autant l'acuité réformatrice que la profondeur philosophique de son esprit. Son Recueil de Linchuan, comprenant plus d'un millier de poèmes et écrits en prose, constitue l'expression la plus aboutie de l'esprit des lettrés-fonctionnaires de l'ère Song du Nord.