O land of beauty and delight!
Who still remembers Southern Dynasties’ sight?
Hills gird the ancient capital, crowned with hair-like towers,
Washed by the river clear;
Angry billows beat the lonely city walls,
And sails seem to pass from earth to heaven’s spheres.
On the cliff trees still lean upside down;
The boat of Sorrowless was tied there, but now
What’s left is but a trace of greenish moss,
And mist-veiled ruins of the bygone days.
The moon climbs over the battlement at dead of night,
And saddens the eastward-flowing river with her light.
Where is the wine shop’s streamer and drum’s loud beat?
I think it was the quarter of nobles long gone.
The swallows, knowing not on what age they’ve come,
Fly into common people’s door and gate,
And twitter as if telling the rise and fall of the state
In slanting sunlight.
Poème chinois
「西河 · 金陵怀古」
佳丽地,南朝盛事谁记?
山围故国绕清江,髻鬟对起。
怒涛寂寞打孤城,风樯遥度天际。断崖树、犹倒倚,莫愁艇子曾系。
空余旧迹郁苍苍,雾沉半垒。
夜深月过女墙来,伤心东望淮水。酒旗戏鼓甚处市?
周邦彦
想依稀、王谢邻里。
燕子不知何世,入寻常、巷陌人家,
相对如说兴亡,斜阳里。
Explication du poème
Ce ci fut composé sous le règne de Xuanhe (1119-1125) de l'empereur Huizong des Song du Nord, alors que la dynastie faisait face à des troubles intérieurs et extérieurs : la révolte de Fang La au sud et la menace des Jin au nord. Zhou Bangyan, en mission officielle dans le Jiangnan, passa par Jinling (actuelle Nanjing) où, contemplant les vestiges historiques, il fut saisi d'une profonde émotion et composa cette œuvre. Ce poème naquit ainsi dans un contexte de déclin national et d'errance personnelle, déployant à travers des descriptions paysagères superposées une rare puissance mélancolique et une pensée patriotique dans l'œuvre de Zhou Bangyan.
Première strophe : « 佳丽地,南朝盛事谁记?山围故国绕清江,髻鬟对起。怒涛寂寞打孤城,风樯遥度天际。 »
Jiā lì dì, nán cháo shèng shì shuí jì? Shān wéi gù guó rào qīng jiāng, jì huán duì qǐ. Nù tāo jì mò dǎ gū chéng, fēng qiáng yáo dù tiān jì.
"Terre de beauté, qui se souvient des fastes des dynasties du Sud ?
Les montagnes encerclent l'ancienne capitale, la rivière limpide serpente,
Les pics s'élèvent comme des chignons de femme.
Les vagues solitaires battent la cité déserte,
Au loin, des voiles traversent l'horizon."
La strophe s'ouvre sur l'évocation de la splendeur passée de Jinling, avec "terre de beauté" louant ses paysages, tandis que "qui se souvient" introduit une mélancolie historique. La description des montagnes en "chignons de femme" déploie une image poétique saisissante, et "les vagues solitaires" contre la "cité déserte" traduisent par contraste la désolation contemporaine, transmettant une émotion profonde de déclin et d'abandon.
Deuxième strophe : « 断崖树、犹倒倚,莫愁艇子曾系。空余旧迹郁苍苍,雾沉半垒。夜深月过女墙来,伤心东望淮水。 »
Duàn yá shù, yóu dào yǐ, mò chóu tǐng zǐ céng xì. Kōng yú jiù jī yù cāng cāng, wù chén bàn lěi. Yè shēn yuè guò nǚ qiáng lái, shāng xīn dōng wàng huái shuǐ.
"Sur la falaise, un arbre penche encore,
Où jadis fut amarrée la barque de Mochou.
Ne restent que des vestiges verdoyants,
La brume engloutit les remparts en ruine.
La nuit profonde, la lune franchit les créneaux,
Triste, je regarde à l'est les eaux de la Huai."
Cette strophe se concentre sur les traces historiques, mêlant immobilité et mouvement. "L'arbre penché" et "les remparts engloutis" symbolisent le passage du temps, tandis que "la barque de Mochou" introduit une légende locale. La conclusion avec "la lune franchit les créneaux" et le regard mélancolique vers la rivière Huai relie paysage et émotion, approfondissant la tristesse.
Troisième strophe : « 酒旗戏鼓甚处市?想依稀、王谢邻里。燕子不知何世,入寻常、巷陌人家,相对如说兴亡,斜阳里。 »
Jiǔ qí xì gǔ shén chù shì? Xiǎng yī xī, wáng xiè lín lǐ. Yàn zi bù zhī hé shì, rù xún cháng, xiàng mò rén jiā, xiāng duì rú shuō xīng wáng, xié yáng lǐ.
"Où sont les enseignes des tavernes et les tambours des théâtres ?
Je devine à peine l'ancien quartier des Wang et des Xie.
Les hirondelles, ignorant les changements d'époque,
Entrent dans les ruelles des gens ordinaires,
Et semblent, face à face, conter la gloire et la chute,
Sous le soleil déclinant."
La dernière strophe passe des scènes animées à une méditation historique. "Le quartier des Wang et des Xie" évoque des familles jadis puissantes, aujourd'hui disparues. "Les hirondelles ignorant les changements" est une ligne apparemment simple mais profondément émouvante, utilisant un petit détail pour refléter les grands bouleversements. Les hirondelles semblent partager les réflexions du poète sur le passage du temps, créant une conclusion poignante sous le soleil couchant.
Lecture globale
Ce ci est une œuvre typique de méditation historique, et l'une des plus sombres et puissantes de Zhou Bangyan. Prenant Jinling comme cadre spatio-temporel, le poète oppose la beauté des paysages à la ruine des vestiges, évoquant l'oubli des fastes passés et la disparition des gloires éphémères. Les trois strophes sont habilement structurées : la première présente les grands paysages, la seconde se concentre sur les traces historiques, et la troisième, à partir des scènes de rue et des hirondelles, développe une réflexion sur la montée et la chute des dynasties. La ligne "les hirondelles ignorant les changements d'époque" porte cette réflexion à son apogée, avec une profondeur poétique et une résonance durable.
Spécificités stylistiques
- Progression par strophes, déploiement graduel : Des paysages majestueux aux vestiges, puis aux scènes de rue, l'espace et l'émotion se développent en couches successives.
- Émotion à travers le paysage, sentiment dans les objets : Aucune expression directe de sentiment, mais une tristesse historique imprègne chaque image, comme "les vagues solitaires" ou "les hirondelles dans les ruelles".
- Usage naturel des allusions classiques : "La barque de Mochou" vient des anciens poèmes, et "le quartier des Wang et des Xie" évoque des familles illustres, intégrées sans lourdeur.
- Langage à la fois puissant et délicat : L'ouverture est majestueuse, la conclusion émouvante, combinant la grandeur de l'ancienne capitale et la subtilité des hirondelles sous le soleil couchant, montrant la double tension dans l'art de Zhou Bangyan.
Éclairages
La véritable puissance lyrique ne réside pas dans l'expression directe, mais dans l'émotion à travers le paysage et la réflexion inspirée par les objets. Que ce soit les vagues battant la cité déserte ou les hirondelles murmurantes, chaque élément est chargé d'émotion et de pensée, formant une "histoire" sans discours et une peinture du temps condensé. Cette méditation historique n'est pas seulement une nostalgie du passé, mais aussi un avertissement et une réflexion sur le présent. Pour nous aujourd'hui, la poésie reste un médium essentiel pour percevoir l'histoire, comprendre les vicissitudes et saisir la vie.
À propos du poète
Zhou Bangyan (周邦彦, 1056 - 1121), originaire de Qiantang (Hangzhou), fut le grand synthétiseur du lyrisme retenu des Song du Nord. Ses poèmes, d'une richesse ornementale et d'une perfection formelle, inventèrent des dizaines de nouveaux tons et mètres. Consacré "couronne des poètes lyriques", il influença profondément Jiang Kui et Wu Wenying, devenant le maître fondateur de l'école du mètre rigoureux.