L'eau a submergé l'étang quand cessa la pluie,
Pétales rouges et fleurs s'envolent en désordre.
Le printemps s'en va, laissant une mélancolie infinie,
Je reste exilé au bout du monde, sans pouvoir revenir.
Poème chinois
「城南二首 · 其二」
曾巩
水满横塘雨过时,一番红影杂花飞。
送春无限情惆怅,身在天涯未得归。
Explication du poème
Ce poème fut composé en 1077 (10ème année de Xining sous l'empereur Shenzong des Song), alors que Zeng Gong servait comme préfet de Fuzhou, appartenant à la même série que « Deux poèmes au sud de la ville - Premier ». Écrit à la fin du printemps, il dépeint les paysages campagnards après la pluie au sud de la ville, exprimant les sentiments complexes du poète - à la fois nostalgie printanière et désir de retour - alors qu'il séjournait en terre étrangère. Contrairement au premier poème qui privilégie des scènes statiques porteuses d'espoir, celui-ci insiste sur le mouvement et l'expression émotionnelle, avec une profondeur contenue qui caractérise le style de Zeng Gong : une simplicité apparente révélant des vérités universelles, une retenue pleine de sagesse.
Premier couplet : « 水满横塘雨过时,一番红影杂花飞。 »
Shuǐ mǎn héng táng yǔ guò shí, yī fān hóng yǐng zá huā fēi.
L'étang déborde après l'averse,
Des ombres rouges - pétales mêlés - voltigent.
Ce couplet capte la métamorphose du paysage : l'eau gonflée par les pluies printanières crée une abondance visuelle ; « ombres rouges et pétales mêlés » évoquent la chute des fleurs en fin de printemps, leurs reflets dansant sur l'eau. Ce jeu entre mouvement et immobilité offre une beauté visuelle tout en suggérant la mélancolie du déclin saisonnier.
Deuxième couplet : « 送春无限情惆怅,身在天涯未得归。 »
Sòng chūn wúxiàn qíng chóuchàng, shēn zài tiānyá wèi dé guī.
Adieu au printemps - mélancolie infinie,
Exilé aux confins du monde, impossible de rentrer.
Transition du paysage à l'émotion : « adieu au printemps » symbolise plus qu'un changement saisonnier - c'est le flux inexorable de la vie ; « exilé aux confins » reflète sa réalité d'administrateur loin de chez lui, tandis que « impossible de rentrer » exhale une profonde nostalgie et la tristesse de l'errance existentielle. Ces vers, d'une apparente simplicité, concentrent toute la complexité des sentiments humains face au temps qui passe et à l'éloignement.
Lecture globale
Ce poème dépeint les paysages pluvieux de la fin du printemps, exprimant la mélancolie du poète face au départ des beaux jours et à son éloignement du foyer. L'ouverture avec "l'étang débordant" crée une image de plénitude naturelle, tandis que "les fleurs rouges voltigeant en désordre" évoquent la beauté mélancolique du printemps déclinant, fusionnant paysage et émotion. Les deux derniers vers approfondissent soudain le sentiment, liant la tristesse printanière à la nostalgie du pays natal, transformant le monde extérieur en expérience intime. D'une langue fluide et naturelle, le poème déploie une atmosphère subtile et recueillie. Bien que bref, il est riche en émotions et en résonances, illustrant le style caractéristique de Zeng Gong : "limpide sans fadeur, profond sans lourdeur".
Spécificités stylistiques
- Fusion paysage-émotion, union du mouvement et de la quiétude.
Le paysage imprègne le sentiment, le sentiment colore le paysage. Le premier distique palpite de dynamisme, le second distille une mélancolie profonde, créant un rythme et une progression organique. - Contraste symbolique, imagerie vive.
La chute des fleurs écarlates contraste violemment avec le déclin du printemps, tandis que le regret saisonnier se mêle au désir du retour, conférant au poème une profondeur philosophique. - Langage naturel et suggestif, mots simples mais sentiments intenses.
Sans emphase ni grandiloquence, chaque vers distille une émotion contenue, reflétant le lyrisme raffiné et durable qui caractérise l'œuvre de Zeng Gong.
Éclairages
Ce poème, en quatre vers seulement, capture la résonance entre les paysages du printemps finissant et l'état d'âme du poète. Il nous enseigne que la vie, comme le printemps, voit sa splendeur éphémère - seule la gratitude pour l'instant présent et l'attachement à ses racines peuvent apaiser le cœur mélancolique. Bien qu'éloigné "aux confins du monde", le poète conserve une sensibilité aiguë pour la beauté naturelle et le flux de la vie, révélant la résilience et la chaleur intérieure du lettré. Il nous rappelle que les véritables émotions n'ont pas besoin de cris : comme un ruisseau discret ou un paysage intériorisé, c'est dans la subtilité que réside le plus grand pouvoir émotionnel.
À propos du poète
Zeng Gong (曾巩 1019 - 1083), originaire de Nanfeng dans la province du Jiangxi, compte parmi les illustres "Huit Grands Maîtres de la Prose des Tang-Song". Ses écrits se distinguent par leur équilibre classique élégant, célébrés pour leur argumentation rigoureuse et leur artisanat littéraire raffiné. Alors que sa poésie embrassait une subtilité sans artifice, sa prose atteignit ce que les critiques ont qualifié de "quintessence de pureté" - un accomplissement qui, bien que peut-être moins éclatant que celui de ses contemporains comme Su Shi ou Wang Anshi, lui valut une révérence posthume en tant que maître fondateur de "l'École Littéraire Nanfeng".