Un parfum se répand de vos manches de soie;
Un rouge nénuphar flotte dans le brouillard.
Au-dessus des monts hauts la nue légère ondoie;
Un saule vibre au vent et caresse l’étang.
Poème chinois
「赠张云容舞」
杨玉环
罗袖动香香不已,红蕖袅袅秋烟里。
轻云岭上乍摇风,嫩柳池边初拂水。
Explication du poème
Ce poème fut offert par Yang Yuhuan, célèbre concubine impériale des Tang, à la danseuse de cour Zhang Yunrong. Réputée pour son talent de musicienne et de danseuse, Yang Yuhuan composa ces vers après avoir admiré la performance de Zhang, dont la maîtrise chorégraphique était exceptionnelle. Bien que bref, ce poème superpose les niveaux de sens, fusionnant émotion et paysage en un rare chef-d'œuvre de poésie dédiée à l'art de la danse.
Premier distique : « 罗袖动香香不已,红蕖袅袅秋烟里。 »
Luó xiù dòng xiāng xiāng bù yǐ, hóng qú niǎo niǎo qiū yān lǐ.
Ses manches de soie dansent, répandant un parfum inépuisable ;
Comme un lotus rouge ondoiant dans la brume automnale.
Ce distique célèbre la grâce du mouvement à travers une synesthésie olfactive et visuelle. "Manches de soie" (罗袖) évoque la fluidité des étoffes en mouvement, tandis que "parfum inépuisable" (香不已) suggère comment les effluves de la danseuse se diffusent avec chaque geste, enivrant l'espace. La comparaison avec le "lotus rouge" (红蕖) dans la brume crée une image à la fois précise et onirique - la danseuse devient fleur aquatique, à la fois réelle et fantomatique. L'adverbe "ondoiant" (袅袅) capture la sinuosité du mouvement, comme des pétales caressés par le vent, ajoutant une touche de mélancolie à la beauté pure.
Deuxième distique : « 轻云岭上乍摇风,嫩柳池边初拂水。 »
Qīng yún lǐng shàng zhà yáo fēng, nèn liǔ chí biān chū fú shuǐ.
Nuage léger sur la crête, soudain ému par la brise ;
Jeune saule au bord de l'étang, effleurant l'eau qui frise.
Le poème bascule ici vers le dynamisme. "Soudain ému" (乍摇风) peint l'instant magique où la danseuse, telle une nuée, s'anime sous une impulsion invisible - l'adverbe "soudain" (乍) cristallise l'éphémère perfection de ce déclic chorégraphique. La seconde image du "jeune saule" (嫩柳) ajoute une dimension tactile à la grâce aérienne : les branches novices caressant l'eau deviennent les membres de la danseuse dialoguant avec l'espace. Les termes "jeune" (嫩) et "premier" (初) insufflent une fraîcheur printanière à la scène, comme si chaque mouvement était une découverte.
Lecture globale
Ce poème, bien que ne comptant que quatre vers, déploie progressivement différents aspects de la danse de Zhang Yunrong. Le premier distique dépeint sa beauté statique à travers le parfum et le lotus, tandis que le second en capture la grâce dynamique avec les nuages légers et les jeunes saules, créant ainsi une imagerie esthétique caractérisée par le "parfumé, doux, léger et gracieux". D'une grande force visuelle, le poème excelle dans l'art de personnifier la nature pour refléter les mouvements de la danse, comme si la danseuse ne faisait qu'un avec les éléments naturels, la danse elle-même se transformant en une peinture élégante et fluide. De plus, la concubine impériale, en tant que spectatrice avertie, exprime avec sensibilité le rythme, la cadence, les postures et les émotions de la danse, fusionnant raison et sentiment avec une grande puissance évocatrice.
Spécificités stylistiques
Ce poème dépeint la beauté de la danse à travers des métaphores fines et vivantes, utilisant des images naturelles comme le lotus rouge, les nuages légers et les jeunes saules pour refléter la grâce et la légèreté des mouvements de Zhang Yunrong, créant ainsi un tableau artistique où statique et dynamique, réel et imaginaire se répondent harmonieusement. Le langage, d'une douceur fluide, est empreint de parfums et de picturalité, témoignant de la compréhension profonde qu'avait Yang Guifei de l'art chorégraphique et de son exceptionnel talent poétique. Il révèle également la sensibilité esthétique unique d'une initiée, capable de saisir et de restituer l'essence même de la danse.
Éclairages
Ce poème ne nous a pas seulement transmis une image fugace de la beauté de la danse palatine, mais il reflète aussi la perception unique qu'une femme artiste peut avoir du beau. En chantant la danse à travers la poésie, Yang Guifei a élevé une expérience sensible au rang d'expression artistique, communiquant une beauté pure et émouvante. Il nous enseigne que la véritable beauté artistique ne réside pas seulement dans la maîtrise technique de la forme, mais aussi dans l'injection d'émotion et la résonance des âmes. Dans la création littéraire et artistique, seule une observation attentive et une incarnation des sentiments peuvent produire des œuvres réellement touchantes.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong(许渊冲)
À propos du poète
Yang Yuhuan (杨玉环, 719 - 756), originaire de Yongji dans le Shanxi, fut la célèbre concubine impériale de l'empereur Xuanzong des Tang. Virtuose du chant et de la danse, elle maîtrisait parfaitement le pipa et créa le fameux Ballet des Plumes et des Robes Colorées. Avec l'empereur, ils formèrent le "couple emblématique des arts de l'ère Tianbao".
Icône culturelle de l'âge d'or des Tang, elle inspira à Li Bai ses Trois Poèmes de Qingping et devint l'héroïne tragique du Chant des Regrets Éternels de Bai Juyi. En 756, lors de la révolte d'An Lushan, elle fut contrainte de suivre l'empereur en fuite vers l'ouest et fut étranglée à Maweiyi à l'âge de 38 ans.